Cardinale / Koziello

Vents de fraîcheur (2)

Deuxième et dernière partie de notre entretien fleuve avec Vincent Koziello et Yoan Cardinale. Les deux révélations niçoises poursuivent leur "debrief" de la saison pour les lecteurs du site officiel.

« Et finalement, les points de Troyes, ils manquent... »

Vincent, tu citais le match aller à Lyon comme l'un des plus réussis de la saison. Le retour se classe-t-il au contraire au rayon des regrets ?
Vincent Koziello Complètement. D'ailleurs, après le match, j'étais abattu.

Yoan Cardinale On était tous abattus, car nous avions les éléments pour faire un résultat là-bas.

V.K. Un « coup de ouf » même (sic) !

Y.C. Si tu gagnes là-bas, le championnat n'est peut-être pas le même pour nous et pour eux. Après, ce sont les aléas d'une saison. C'est comme ça. L'année prochaine, on aurait peut-être pu entendre une autre musique après ce match.... Mais d'un autre côté, si tu le gagnes, peut-être que la fin de saison ne se déroule pas de la même manière. On ne le saura jamais.

Est-ce LE match qui vous laisse le plus de regrets ?
Y.C.
(direct) Non, c'est celui de Troyes. Personnellement, c'est lui qui me fout le plus les boules. Comment on fait à faire match nul là-bas ?

V.K. Pour moi c'est pareil, sans hésitation. Et ce qui m'énerve encore plus, c'est que depuis le début de l'année, j'entends les gens dire, autour de nous : «  Les points de Troyes, ils vont manquer, ils vont manquer ». Et finalement, les points de Troyes, ils manquent.

Y.C. Si tu n'avais pas pris ce but à la 93e...

V.K. C'est ça. Après, ce que je me dis, c'est qu'on les a peut-être récupérés autre part ces points-là. Si tu pousses un peu plus, tu te demandes pourquoi Valbuena ne tire pas juste un peu au-dessus de la barre à Lyon, mais tu te rends malade. Les autres équipes peuvent aussi faire ce genre de remarques, donc ça ne sert à rien.

Y.C. Il y a des hauts et des bas, c'est ce qui rend une saison excitante. Tu te dis que tu as perdu des points là-bas mais que tu peux les récupérer ailleurs. D'ailleurs, je pense qu'à l'extérieur, il n'y a pas beaucoup d'équipes qui ont pris des points à St-Etienne, Rennes, Marseille, Montpellier et même à Lyon... Donc il ne faut pas avoir de regrets.

« un vrai projet de jeu »

Au fil de la saison, vos statuts ont évolué. Vous n'êtes plus les jeunes qui débarquez, mais de vrais + à vos postes respectifs, élus tour à tour joueur du mois par les supporters. Comment vivez-vous cette évolution ?
Y.C.
Au début, il faut faire ses preuves et montrer à tout le monde qu'on peut jouer. Après cette étape, il faut confirmer. Et après, il faut encore arriver à s'imposer et à jouer son jeu, pour prouver à tout le monde qu'on n'est pas là par hasard mais parce qu'on le mérite et qu'on travaille dur. A titre individuel, je l'ai bien vécu, pour une 1ère saison en L1, il y a plus dur que jouer les places européennes. Tu finis 5e meilleure défense. J'ai passé une saison magnifique, j'espère que ce ne sera pas la dernière.

5e défense, 3e attaque. Toi, Vincent, pour le coup, tu es au milieu...
V.K.
C'est ça. Ce sont des stats qui montrent qu'on a fait une saison pleine, qu'on a été bons derrière et devant.

Et ton passage progressif de l'image de « petit jeune » à celle de « révélation » ?
V.K.
Je n'ai pas trop vu d'évolution. De base, il n'y avait pas de passe-droit, de jeune ou quoi que ce soit d'autre avec le coach. C'était juste au mérite. Du coup, je n'ai pas vu de changement. Avec mes coéquipiers, tout le monde s'entend bien, je n'ai jamais entendu dire : « Je ne te calcule pas parce que tu es le petit nouveau ». Peut-être que ça a un peu changé avec les supporters et la presse, car je détonnais un peu dans le paysage de foot avec ma gueule de 15 ans. Mais finalement, j'ai passé une saison magnifique.

Malgré la 4e place, on sent beaucoup de sérénité dans vos propos.
Y.C.
C'est justement parce qu'on est 4es qu'on est tranquilles (rires). Si on avait terminé 15es ou 16es, ce n'aurait pas été aussi facile à vivre... Maintenant, l'euphorie est passée, c'est là que tu te rends compte de la saison accomplie. Et tu te dis aussi que la prochaine, tu es européen, donc il va falloir travailler encore plus dur.

Êtes-vous conscient, l'un et l'autre, d'être devenus des symboles de l'OGC Nice 2015 / 2016 ?
V.K.
Ces dernières saisons, on a souvent parlé de nous parce que le coach a fait jouer des jeunes. Faire partie de cette équipe et avoir autant de résultats positifs, c'est un symbole. Mais je pense qu'il y a beaucoup de joueurs symboliques et très importants pour nous.

Quand on parle de « symbole », cela mérite d'aller un peu plus loin. Pour toi Vincent, on sait que le Gym prône un jeu technique à tous les étages, avec des petits gabarits et beaucoup de vitesse. Yoan, tu connais aussi la fameuse école des gardiens niçois. Ces aspects-là, plus que des mots, parlent au public...
V.K.
Depuis tout petit, je regarde Nice et il y a toujours eu de super gardiens, donc oui, il y a une vraie école. Et puis il y aussi un vrai projet de jeu au niveau de la formation, appuyé par Claude Puel ces 4 dernières années, les formateurs actuels et ceux passés par le club comme Manu Pires. Les équipes de jeunes essayent de jouer de cette manière. A un moment, ça paye.

Y.C. Pour parler de l'école des gardiens, moi, si j'ai signé ici, c'est pour ça. Quand on voit les portiers qui sont sortis, ça donne forcément envie à beaucoup de jeunes gardiens comme ça m'a donné envie à moi. J'espère qu'un jour on pourra ajouter mon nom à cette liste.

«  Jouer une Coupe d'Europe avec son club formateur, c'est encore plus beau »

Le Gym en Europe, qu'en pensez-vous ?
Y.C.
C'est un truc magnifique d'avoir fait partie de ce projet, d'avoir réussi à amener le club à la 4e place. C'est impressionnant. Il faut féliciter tout le groupe, ce qu'on a fait est énorme. Pas grand monde n'aurait misé sur nous au début pour finir aussi haut. Je ne sais pas combien de temps ça fait que le club n'a pas joué une phase de poule de Coupe d'Europe, mais c'est sacrément excitant !

Depuis un 8e de Coupe des Coupes contre le Slavia de Prague, en 1997. Vous aviez respectivement 2 et 3 ans...
Y.C.
Ben, voilà. Ça fait 20 ans que les supporters et les gens qui travaillent au club attendent ça. C'est magnifique, et la saison prochaine peut être encore plus belle que celle qui vient de s'achever.

V.K. Déjà, pour la progression d'un joueur, disputer des matchs de Coupe d'Europe, des matchs rapprochés, c'est important et ça fait partie de l'apprentissage. Le projet du centre d'entraînement est également en train d'être réalisé. Je trouve que le club va très bien, et c'est plaisant d'en faire partie. Personnellement, j'ai l'impression de grandir en même temps que le Gym, et c'est assez sympa comme sensation.

Y.C. Jouer une Coupe d'Europe avec son club formateur, c'est encore plus beau, parce qu'on y a tout vécu. Tu rates les play-offs en 17 nationaux au goal-average, tu gagnes la Gambardella, tu te maintiens en CFA2, tu montes en CFA, tu te maintiens en L1, tu vois les supporters en colère, tu te qualifies pour l'Europe, tout le monde fait la fête... Tout va vite. L'histoire est belle.

Du coup, pensez-vous que le Gym sera encore plus attendu la saison prochaine ?
V.K.
Il l'était déjà en fin de saison, car on a été très médiatisés avec notre jeu et Hatem. On s'est aperçus, en regardant les vidéos, que les équipes adverses n'avaient pas la même intensité contre nous. Le coach nous a souvent dit que rien ne nous serait donné, c'est ce qui fait que c'est encore plus beau. Beaucoup d'adversaires ont essayé de s'adapter à notre système, c'est aussi une preuve que les autres nous regardaient un peu différemment en fonction du moment de la saison.

Y.C. C'est ça. On l'a vu dernièrement contre St-Etienne.

St-Etienne justement, revenons-y. Avez-vous pensé à un moment que ça ne passerait pas ?
Y.C.
Quand tu vois que tu as des occasions, que tu pousses mais que ça ne se débloque pas, tu ne te dis pas que ça ne va pas le faire, mais tu sens que ça va être de plus en plus dur. Surtout quand tu vois le temps défiler. A la 50e minute, il reste presque une mi-temps. A la 75e, un quart d'heure. Il faut faire vite mais tu y crois toujours, parce que tu as des joueurs comme Hatem, Valère ou Alass' qui peuvent marquer à tout moment. Et tu fais bien d'y croire, car au final, tu marques 2 fois dans les 5 dernières minutes. Le coach nous dit souvent d'être patients. On l'a été. Ça a payé.

V.K. On l'a été sans faire n'importe quoi. Je repense aussi à des mots très justes d'Hatem sur le terrain. Il nous a calmés : « Ne vous inquiétez pas les gars, il reste un quart d'heure, mais on a le temps ». Ça prouve aussi une évolution dans notre saison, parce qu'il nous est arrivé de faire n'importe quoi alors que nous étions en supériorité numérique. Là, on a réussi à rester dans notre projet, à rester nous-mêmes.

Vous qui restez de jeunes joueurs, quel regard portez-vous sur le talent d'Hatem Ben Arfa ?
Y.C.
C'est un joueur extraordinaire, mais sans tous les autres autour, il n'aurait peut-être pas fait le même championnat Sans le milieu qui lui a donné de bons ballons, sans la philosophie de jeu mise en place, il n'aurait peut-être pas brillé autant. Après, son talent reste hors-norme. Il a un potentiel de fou furieux, ou qu'il aille. S'il veut rester, on le gardera, mais on sait que quoi qu'il arrive, Hatem Ben Arfa continuera à faire du mal aux défenses adverses.

V.K. Au-delà du joueur, je suis content pour le mec, car il a beaucoup été critiqué dans la presse. Je n'ai jamais vu devant moi « l'enfant gâté » ou tout ce qui était écrit sur lui. Il a prouvé à ceux qui l'avaient déjà enterré qu'il était toujours là et qu'à 29 ans, il a encore de belles années devant lui. Il a un peu de retard sur ce qu'il aurait pu faire, mais il a montré qu'il était toujours là. C'est beau ce qu'il a fait.

« L'entrée contre St-Etienne m'a mis des frissons »

S'il ne devait y avoir qu'un seul souvenir de cette riche saison ?
Y.C.
(long moment de réflexion) C'est dur ça, il y en a tellement...

V.K. Mon souvenir à moi, c'est l'entrée contre St-Etienne. Le tifo de tout le stade, la grande bâche de la Populaire, le record d'affluence... Ça m'avait mis des frissons. Quelque chose de très fort.

Y.C. Toi tu dis l'entrée, moi je vais dire la fin de St-Etienne. Avec cette victoire, on savait qu'on était européens, ça venait récompenser et bonifier notre beau parcours. On n'avait pas fait tout ça pour rien. Tous les bons moments passés à se régaler, à être ensemble... Tout ça nous a menés en Europe. Voir la joie chez les joueurs, les enfants, le maire, le président, le coach, les kinés, les supporters... Franchement, c'était trop beau.

Et l'ouverture du score, comment l'avez-vous vécue ?
Y.C.
J'ai explosé dans ma cage !

V.K. C'était une délivrance. D'ailleurs, on se moque souvent de ma célébration contre Lyon, mais là, Valère a sauté partout. Je pense aussi que ça lance la saison de Coupe d'Europe. Une ambiance comme ça, c'est une ambiance de Coupe d'Europe.

Y.C. Exactement. Et nous, on a fait un match de ce calibre.

Enfin, pour finir, après une saison comme ça, a-t-on hâte de partir en vacances ou de revenir sur le terrain ?
Y.C.
J'ai hâte de reprendre. Déjà, j'aurais aimé que cette saison ne finisse pas. Mais bon, les vacances sont obligatoires, donc on ne va pas les refuser.

V.K. Je sens quand même que j'ai besoin de vacances, car la saison a été longue, c'était ma première, elle était compliquée. Mais si elle ne s'était jamais arrêtée, ce n'aurait pas été grave, au contraire. J'étais triste au moment de quitter tous mes coéquipiers.

Y.C. C'est ça. Je pense que notre force, cette année, c'est qu'on n'était pas un groupe qui se saluait, jouait et se disait au revoir. On était vraiment une bande de potes, une vraie famille. Tout le monde était là quand quelqu'un en avait besoin. Dès qu'un mec avait un problème, on n'était jamais seul. Quand on faisait une activité, il y avait tout le monde. Au-delà du foot et du terrain je garderai vraiment cette image-là très positive et de cette famille qu'on a construite.

V.K. C'était juste du plaisir, sur le terrain et en dehors.

Constantin Djivas