Cardinale

« Ne pas se prendre pour d'autres »

L'heure de la sieste venait juste de sonner. Après une matinée d'effort et avant une seconde séance dominicale, Yoan Cardinale a pourtant pris le temps de livrer son regard sur l'actualité du Gym, avant d'embrasser Morphée. Le verbe délié - comme toujours -, le portier a pris place dans le somptueux hall du Domaine de Divonne, pour se livrer. Chaud bouillant, malgré la grisaille du ciel et la fraîcheur du temps.

Yoan, nous sommes à Divonne, en 2017. Un cadre que tu connais avec des nouveaux visages.
Eh oui, ça change d'année en année. Le club évolue, les joueurs aussi, le groupe est de plus en plus performant. C'est toujours un plaisir de venir ici et d'être entre nous.

Est-ce que tu te souviens de ton premier stage ?
Bien sûr. C'était en 2011. Après ma première année au centre, il y avait beaucoup de gardiens en sélection : David (Ospina) avec la Colombie pour la Copa America, Luca Veronese à la Coupe du monde U20... Il n'y avait plus énormément de gardiens et on m'avait appelé. C'était à Peralada, en Espagne. C'est là-bas que j'avais fait mon « baptême du chant ». Je m'étais lancé sur du Benabar...


Donc maintenant, après toutes ces saisons, on ne peut plus se cacher : tu es un vieux !

Je suis jeune (sourires), mais je crois que je suis le plus ancien du club, du moins chez les joueurs. Ça aussi, c'est un plaisir. Dire que je suis un vieux à 23 ans est un grand mot, par contre je ne suis plus le petit qui découvre. Ceci étant, il ne faut pas se tromper ou se prendre pour un autre : le costume de cadre, laissons-le à Dante, Maxime et Mario.

Même si ton rôle à toi doit tout de même avoir changé, non ?
C'est sûr que tout est allé très vite. Quand je suis venu ici pour mon 1er stage, il y a 3 ans, j'étais 4e gardien. Après, avec le temps, le travail et un peu de réussite, j'ai su saisir ma chance. Passer de 4e gardien à un match d'Europa League, et prétendre à la Ligue des Champions dans la foulée, c'est énorme. Il faut en rester conscient, ne jamais l'oublier. On va dire que j'ai un petit rôle...


Lequel ?

J'aime bien aller voir les plus jeunes, pas pour leur donner des conseils, parce qu'avec une année et demie en L1, je n'ai pas un passé flamboyant. J'essaie juste de leur dire ce qu'on ne m'a pas dit à moi quand j'arrivais en pro. Lorsque tu débarques, tu as la pression, tu veux toujours bien faire, tu essaies de montrer une bonne image aux entraînements. C'est bien, il le faut, mais surtout ne te mets de pression négative. Si tu rates une passe, ne te dis pas : « Qu'est-ce que le coach va penser ? Qu'est-ce que l'autre va dire ? » Il y a beaucoup de joueurs qui se posent énormément de questions. Moi, j'essaie juste de leur répondre avec calme : « Ça y est, c'est passé. Tu as raté, montre autre chose et détends toi. Tu l'as fait en 19 ou en CFA, donc pourquoi tu n'y arriverais pas en pro ? » Rien d'extraordinaire, je tente juste de les soulager un peu comme ça.

Est-ce que l'enchaînement des matchs de haut niveau te fait voir les choses différemment ?
Honnêtement, non, au contraire. Je me dis qu'il faut encore plus travailler parce que j'ai été dans la peau du numéro 4, du numéro 3 et du numéro 2 : je sais tous les efforts qu'il faut faire pour être numéro 1. Donc j'essaie de ne pas reproduire les erreurs observées ou commises, tout en gardant la même implication que quand j'étais numéro 3. Après, forcément, j'ai plus confiance lors des entraînements, mais je m'investirai toujours à 200%. Les efforts que j'ai faits, j'essaie de les reproduire dans la durée. Toujours avec la même intensité.

Les attentes à ton égard ont-elles évolué ?
Oui. Je le sens surtout au niveau du grand public, des supporters, il y a énormément de choses qui ont changé. On attend beaucoup plus de moi aujourd'hui que l'an dernier, ça parle beaucoup plus. Ça fait partie du métier, à moi de travailler pour satisfaire leur attente. Mais franchement, j'aime ça : la difficulté, le défi, j'en ai besoin.
 

"Plus on se rapproche de ce tirage au sort, plus on est excités !"

 

Cet été, petite nouveauté, le stage a démarré par votre première rencontre amicale (remportée 4-0 contre Nyon).
Avec le 3e tour préliminaire, nous sommes venus en stage une semaine plus tard que d'habitude. Mais au final, ça revient au même, car notre premier match est intervenu à la fin de la 2e semaine, donc au final, c'est pareil que les autres années. Sauf que cette fois, on a gagné (rires). Il y a encore le stage et un nouveau match à la fin. Nous avons bien préparé et négocié le premier, on doit faire pareil pour le second.

Quels enseignements tirer, d'une manière plus générale, d'un match de reprise ?
L'année dernière, ça avait été dur. Cette année, nous nous sommes montrés très sérieux. Dante, dans le vestiaire, a dit qu'il ne fallait pas être prêts le 25 juillet pour le Q3, mais être prêts dès cette première. Qu'il fallait se mettre de suite dans le bon esprit, le bon tempo. Ça nous a motivés avant le match, je crois que ça s'est vu dans notre prestation. Et puis sur un plan personnel, ça fait plaisir de démarrer sur un clean-sheet. C'est toujours bien de ne pas prendre de but, pour le mental et la confiance.


Au vu des échéances qui se profilent, abordez-vous l'été d'une manière différente ?

Bien sûr, parce que pour les ¾ du groupe, c'est quelque chose qu'on n'a jamais vécu. La Ligue des Champions, on n'a pas l'occasion de la jouer tous les jours et c'est peut-être cette année, donc on est sur-motivés et forcément, on aborde les choses différemment. Plus on se rapproche de ce tirage au sort, plus on est excités.

Penses-tu déjà à la L1 ou te paraît-elle trop lointaine ?
Ça paraît loin quand même (le Gym reprendra à St-Etienne, le 5 août, ndlr). Nous avons encore 1 mois de prépa', nous faisons tout pour que ça se passe bien. Mais avant la L1, on pense d'abord à ce Q3. On essaye de se focaliser sur ce 1er tour européen, c'est LE gros rendez-vous. Tu imagines : on finit 3es de L1 avec 78 points, après une saison historique, et on peut se retrouver sans aucune compétition européenne... Ça ferait ch** de s'être arrachés toute l'année pour rien. Nous devons le garder en tête et être prêts à combattre.


Eprouves-tu plus de sérénité que l'année dernière à la même époque ?

L'été dernier, il y avait eu énormément de mouvements. On avait perdu tous nos cadres d'entrée : Hatem qui avait fait une saison exceptionnelle, Valère, Papy, Jérémy et le coach. Nous étions un peu partis à la découverte, c'est pour ça qu'on nous avait "un peu enterrés" d'entrée. Cette année, nous démarrons sur de bonnes bases. Le coach est resté au club et, rien que ça, ça soulage un groupe. Les cadres, Dante, Max, Mario, sont encore là. Mario ? Il m'aurait énormément manqué, ça me fait plaisir de le voir là tous les jours et qu'on puisse à nouveau se taquiner.


Quels sont les pièges à éviter pour la saison qui vient ?

Il ne faut pas croire que la saison va être la même que la précédente. L'année dernière, on a tellement enchaîné que, pour les gens, c'est devenu évident que Nice gagne. Dès qu'on faisait match nul, les résultat « n'était pas bon ». Il ne faut pas tomber dans ça, au contraire, on doit redoubler d'efforts et de vigilance pour pouvoir de nouveau enchainer. Sans oublier d'où on vient. Il y a 3 ans, on jouait la 17e place, il ne faut pas s'attendre à ce qu'on se batte pour le titre toutes les saisons, même si nous le souhaitons tous. Les efforts qu'on a faits la saison dernière, il faudra les répéter. Quand on regarde l'évolution du club, on voit qu'il grandit. On progresse palier par palier et il faut continuer, mais avec prudence.

C.D.