Interview
Pouplin raconte le hors-champ
Il illustre à merveille « la vitesse » qui régit le parcours des acteurs du foot. Arrivé à Nice à l'été 2014, Simon Pouplin a convaincu lors de son premier exercice au bord de la Méditerranée, au point de prolonger son bail l'été dernier. Titularisé par Claude Puel lors du derby inaugural face à Monaco, le portier s'est blessé à la cuisse au bout d'une demi-heure de jeu et n'est plus réapparu en L1 depuis. De retour dans les entraînements collectifs cette semaine, il a accepté d'analyser sa saison blanche, qui tranche avec un contexte collectif coloré.
Simon, tout d'abord : comment vas-tu ?
Ça va. J'ai repris l'entraînement collectif cette semaine, même si elle a été un peu particulière comme il y a pas mal de joueurs partis en sélection. Je suis content de retrouver l'équipe, même si je sais qu'il me faudra encore 2 ou 3 semaines minimum pour me sentir compétitif et me mettre au niveau.

Peux-tu nous raconter ton parcours depuis cette 1ère journée de L1, et ta blessure face à Monaco ?
Pour faire l'historique complet, il faut même remonter à la saison passée, au match face à Rennes et à ma première blessure à l'insertion du quadriceps (le 25 avril 2015). J'avais tout fait pendant les vacances pour bien revenir, je n'avais pas trop coupé pour bien bosser. J'étais content de débuter la première journée de championnat (le 8 août face à Monaco), mais après une demi-heure, ça a pété. J'ai refait un protocole de reprise, avant de subir une fissure du ménisque interne lors de mon 1er match de reprise fin novembre, avec la réserve contre l'OM (le 28 novembre). Ce n'est pas une blessure trop grave, mais elle a nécessité une opération, et de nouveau 2 mois de délais...
Comment s'est déroulée ta rééducation ?
Ça fait 5-6 semaines que j'ai repris les entraînements spécifiques avec Lionel (Letizi, entraîneur des gardiens). On bosse pas mal sur le terrain et en salle, avec une alternance muscu du bas, du haut et renforcement ; je fais aussi du travail avec les kinés sur les machines. Il y a eu plein de douleurs de reprise à gérer, mais c'est classique quand on est arrêté longtemps. Là, je commence à voir la fin du tunnel...

T'es-tu fixé des objectifs pour cette fin de saison ?
C'est très difficile d'en définir quand on a été arrêté. Je ne préfère pas me mettre dans la tête des objectifs que je ne vais pas forcément pouvoir tenir. Mon souhait pour l'instant, à très court terme, c'est juste de pouvoir m'entraîner 2-3 semaines avec l'équipe sans pépin physique, d'être bien, de continuer à ressentir – comme c'est le cas – une joie quotidienne à évoluer avec les autres. Et puis, avant de parler de compétition, tout faire pour se sentir compétitif, en avalant les semaines d'entraînements qui vont m'être nécessaires. Pour résumer, j'espère juste que les choses vont reprendre leur cours.
Est-ce que les codes de la vie de groupe sont les détails qui manquent le plus quand on est blessé ?
Ils sont effectivement importants. Et puis il y a aussi l'effervescence du week-end. Quand on est bien, chaque vendredi, on sait qu'on a une échéance importante, des déplacements... Que c'est bon d'attendre l'événement du match de L1 le week-end ! J'ai hâte, sans parler de jouer, de me sentir compétitif et de pouvoir déjà postuler à être dans le groupe. Ce sera déjà une bonne étape pour moi, mais je n'en suis pas encore là, il reste un peu de travail...
" On est un cadre quand on a un impact sur le terrain "
Dans ta vie de groupe, ta blessure n'a pas endommagé ton statut de cadre...
Je trouve que si, au contraire, la blessure change les choses. On est un cadre quand on a un impact quotidien à l'entraînement et les jours de match. Moi ça n'a pas du tout été le cas cette saison. Evidemment, avec Mathieu, je peux avoir le rôle d'ancien, mais ça a quand même été biaisé parce que je n'avais pas le quotidien. Être un cadre, pour moi, ce n'est pas forcément dans le vestiaire, c'est surtout sur le terrain. Comme je n'ai pas été avec mes coéquipiers, le statut a forcément été remis en cause. C'est la vie.
Comment « apporter sa pierre à l'édifice » quand on est blessé ou en phase de reprise ?
La seule chose que je pouvais amener, c'est l'échange dans le vestiaire. Ce n'est pas parce qu'on est blessé qu'on doit se mettre à l'écart. Evidemment, c'est très difficile les premières semaines quand on en dresse le constat. Au quotidien, tu n'es pas avec tout le monde sur le terrain, mais si tu te renfermes dans le vestiaire, tu te mets totalement à l'écart du groupe. Moi j'ai essayé de me dire : " Je sais que je suis blessé pour longtemps. Au moins, dans le vestiaire, je prends plaisir, j'échange avec mes coéquipiers et tout le monde ".

Comment juges-tu la saison du groupe ?
Elle est top. Je la considère un peu comme un spectateur extérieur et le seul truc que je retiens, quand je regarde les matchs au stade ou à la télé, c'est le "kif" que provoque la qualité du jeu. Au-delà de savoir que ce sont mes coéquipiers sur le terrain, je prends beaucoup de plaisir à regarder cette équipe, comme tout le monde.
As-tu été bluffé par ce qu'elle était capable de réaliser ?
Oui, forcément. On connait le travail effectué, on sait qu'on va dans le bon sens. Mais il y a quand même plein de très belles surprises. Il n'y a même pratiquement QUE des bonnes surprises. Si on prend les cas individuels, Vincent (Koziello) fait une super saison – ce qui n'était pas forcément dit au départ -, Mika (Seri) aussi, mais ce n'est pas tout. Hatem (Ben Arfa) s'est relancé et fait également un super championnat, comme Valère (Germain) qui est arrivé sans avoir trop joué, Max (Le Marchand) qui débarquait de L2, Jérémy (Pied) qui n'était pas un latéral de formation, Paul (Baysse) qui revenait de blessure, Cardi (Yoan Cardinale) qui fait des super prestations alors qu'il n'avait pas évolué en L1 avant... Tout est positif, donc c'est top !
Est-ce que le plaisir véhiculé par cette équipe est aussi palpable de l'intérieur du groupe ?
Oui. Et je dirai que c'est normal parce que tout le monde tire dans le même sens. C'est peut-être difficilement perceptible, mais on sent que dans le vestiaire il y a quelque chose de sain. Mahamane (Traoré) et Alassane (Plea) ont marqué récemment, tout le monde leur a sauté dessus. Moi, je chambre un peu Mika (Seri), qui se dit grand buteur mais qui n'a pas marqué souvent. Quand il l'a fait dimanche dernier, tout le monde est allé vers lui. Ça démontre quelque chose de positif dans le vestiaire. Les résultats sont logiques au vu de cette ambiance au quotidien.
Donc la fameuse phrase « le groupe vit bien » colle parfaitement à la réalité ?
Dire que tout va bien est une chose. Voir comment ça se traduit en est une autre. Dans toutes les équipes, il y a une engueulade de temps en temps, c'est commun. Mais quand on voit un mec qui marque et tout le monde qui va sur lui, ou un défenseur qui tacle à la dernière minute et qui est félicité par toute l'équipe... Pour moi, ça, ce sont des signes qui montrent que tout va bien. A l'entraînement, ça joue, ça chambre, il y a une bonne ambiance naturelle, mais il y a des clubs où ça ne se passe pas forcément comme ça. Après, le coach fait des choix, mais on n'entend personne qui se plaint. Il y a une vraie osmose entre tous les mecs du vestiaire.

Toi qui a également du recul, penses-tu que cette fraîcheur dans le jeu et l'attitude change la perception que les autres clubs ont du Gym ?
Je ne sais pas quelle image les autres se font, ni si elle change. Nous, en tant que joueurs, on s'en fout un peu d'ailleurs. Ce qui compte, c'est que la bonne humeur nous permette d'avoir les 10 ou 20 % de supplément d'âme qui vont nous permettre de gagner. Les 80 autres sont le résultat du travail de tout le monde au quotidien, et je suis persuadé que ce petit plus dans le vestiaire amène du positif.
" Cardi a été souvent déterminant "
Comment vit-on un beau parcours quand on ne peut pas être sur le terrain avec ses coéquipiers ?
C'est compliqué. J'ai envie de dire qu'en réalité, on ne le vit pas. Moi, pour l'instant, je ne considère pas que j'ai participé à cette belle saison. Je suis super content pour mes coéquipiers, et il n'y a aucun sentiment de jalousie ou d'envie. Pour moi, c'est un plaisir d'arriver au quotidien et d'entendre des débriefings de début de semaine du coach qui dit que c'est bien, qu'on continue, qu'on avance et qu'on prend des points. C'est mieux que l'année dernière, où il fallait souvent qu'il y ait des mises au point. C'est plaisant, mais je ne me considère pas vraiment comme un acteur de ce truc-là. Je bosse pour essayer de le devenir.

Tu as, dans le passé, déclaré que le recul occasionné par une blessure t'avait permis d'envisager le métier autrement. Est-ce que ton approche a encore évolué en cette saison quasiment blanche ?
Non. Autant la première fois, j'avais sorti des choses positives de ma blessure, autant là, cette année, ça me fait juste horriblement ch... C'est cruel comme sentiment, j'ai seulement envie de revenir, de jouer au foot et de tout faire pour que mon corps me laisse tranquille. Après, je le sens encore plus avec l'âge et l'expérience : quand on est coupé de ça, c'est dur, car c'est un métier merveilleux.
Comment revenir plus fort ?
J'ai la chance et la malchance, dans ma carrière, d'avoir connu de gros coups d'arrêt, de nombreux rebondissements, et à chaque fois d'avoir pu rebondir. Donc je vais m'appuyer là-dessus. Je sais ce qu'il faut faire pour revenir.
Avant de te blesser, tu semblais entamer ta 2e saison niçoise avec plus de responsabilités...
J'allais attaquer le premier match en tant que numéro 1. Il y a pas mal de frustration par rapport à mes blessures, car j'avais vraiment fait un gros travail pour revenir. Mais je n'oublie pas que le coach, deux jours avant le début du championnat, m'avait fait confiance pour démarrer la 1ère journée. Maintenant, c'est derrière moi, beaucoup de choses se sont passées entre temps, et notamment une superbe saison de toute l'équipe. A moi de bosser pour essayer de me retrouver dans la même configuration. Mais le chemin est long et il faut respecter ce qui est fait cette saison.

Mouez Hassen a pris ta relève après ta blessure, Yoan Cardinale s'est imposé depuis quelques semaines. Quel oeil portes-tu sur cette concurrence entre deux jeunes portiers ?
C'est un peu toute la magie du foot. Moi, je l'ai connue dans les deux sens, même si cette saison c'est du côté négatif. Je n'ai même plus un statut de numéro 3, j'ai un statut de blessé, c'est tout. Cardi, c'est l'inverse. Il a débuté en tant que numéro 3, a beaucoup travaillé et fait preuve de beaucoup de sérieux au quotidien pour être aujourd'hui numéro 1 et maintenir ce statut-là. Il fait vraiment de super matchs. Aujourd'hui, ce qui est bien, c'est qu'au-delà de savoir qui joue, je pense qu'on a un trio de gardiens qui est capable d'évoluer et d'être performant en L1. En ce moment, Cardi joue et il est très bon. Si l'équipe en est là, il a une grande part de responsabilité, parce qu'il a été souvent déterminant.
Constantin Djivas
