Ciao Pancho

Les 4 vies de l'immortel

Ce week-end, le paradis des footeux a ouvert ses portes à une légende au verbe chantant. A un gaucho devenu nissart après avoir traversé les océans. « Ciao Pancho ». Le cri part des coeurs passionnés pour grimper vers l'infini. Nul ne doute que tu y prêteras une oreille attentive, comme tu le faisais Ici-Bas. Et tu t'en amuseras, l'oeil rieur, comme souvent. Certaines choses ne changent jamais Pancho, malgré les limites du temps. Ton simple nom continuera à bercer des générations d'amoureux du Gym. Pour qu'ils prennent bien la mesure du personnage, ceux qui t'ont côtoyé durant toutes tes époques te racontent. Toi l'artiste aux multiples vies devenu immortel.

Just Fontaine : « Un ami »

La moustache finement taillée. Le buste bien droit, le port élégant. Quand César Héctor Gonzalez pose ses crampons au Ray, le club azuréen n'a qu'une seule ligne à son palmarès (champion de France en 1951). Celui-ci ne tarde pas à grossir, sous l'impulsion d'une équipe de géants et d'un défenseur à la classe latine. A la souplesse féline. Pancho glanera 3 titres de champion (1952, 1956 et 1959) et 2 coupes de France (1952, 1954) en tant que joueur. Sur le terrain, l'ancien de Boca crée le tacle glissé et entre « dans les livres » grâce à un retourné salvateur lors de la finale de Coupe remportée face à l'OM, action dont il gardait la photo dans le couloir du foyer familial.


Loin des standards de « l'arrière découpeur », il cultive le goût de l'élégance. Du duel remporté et de la belle relance. Apparu 359 fois avec le maillot rouge et noir, le capitaine était (déjà) aussi généreux sur le rectangle vert qu'en dehors. « On a toujours été amis, depuis le début, se rappelait ainsi Just Fontaine lors de sa dernière venue à l'Allianz Riviera. Il m'a toujours donné des conseils, parce qu'à l'époque j'avais 20 ans et lui un peu plus ».

 

Loubet : « un coach très proche des joueurs »

Après deux petites années à Nantes, il met un terme à sa carrière de joueur et revient au bord de la Méditerranée. Là où le soleil est plus doux qu'ailleurs. Très vite, il retrouve le Gym, son club de toujours. Sa famille, son coeur. Il devient coach de l'équipe-fanion, qui évolue alors en 2e division au début de la saison 1964 / 1965. Amène sa science du jeu, son sens du collectif, et retrouve l'élite dès son premier exercice. « C'était un entraîneur très proche de ses joueurs », se souvient Charly Loubet, qui a évolué pendant 5 saisons sous ses ordres. « Quand il est arrivé, il était encore animé par un esprit de joueur, parce qu'il venait d'arrêter sa carrière. Il avait une grande science du jeu, parlait beaucoup à ses gars. Ce qui est drôle, c'est que pour mon premier match en pro à 16 ans, avec Cannes, il m'avait au marquage, et que c'est devenu mon coach un peu plus tard. Il connaissait le foot par coeur. Et d'un point de vue très personnel, il me disait toujours que c'était lui qui m'avait envoyé en équipe de France (sourire). Ce n'est pas faux, car j'ai été sélectionné pendant 3 ans quand il me dirigeait. Dommage, à cette époque, nous n'avions pas une super équipe... » Après 5 saisons à la tête des Aiglons, il dirige dans la foulée Bourges, Angers, Rouen, Blois et la sélection de la Côte d'Ivoire, qu'il porte sur le podium de la CAN 1986.

Le retour, les conseils et la « Pancholetta »

A force de voyager, l'air du pays commence à manquer au natif de Buenos Aires. Il revient donc dans le Comté, la patrie l'ayant adopté. Au Gym, il est rappelé par le président André Bois en 1991. Conseiller, membre du staff de la première, emblème d'un club et d'une identité qu'il porte à merveille, il construit pendant une grosse dizaine d'années le quotidien rouge et noir. Accueille les joueurs venus de l'étranger dans la bonne humeur, motive les troupes et chante et la vie. « A l'époque, il occupait plus ou moins la fonction de coordinateur sportif et nous suivait dans tous les déplacements, explique Jean-Philippe Mattio, recruteur du Gym et arrière droit du 11 de légende. Il avait toujours un petit mot pour chacun d'entre nous, toujours du positif. Il aimait nous raconter des histoires, le Real, les déplacements en train... Nous, joueurs, on se régalait. Et puis il y avait bien évidemment « la Pancholetta », qu'il nous chantait dans le vestiaire chaque fois que l'on remportait un match. Pancho, c'est la mémoire du Gym. Il a tout fait au club. Si vous montez au premier étage des bureaux, la photo de son retourné est la première que vous voyez. C'est LA légende, et ça fait bizarre de se dire qu'on ne va plus le voir. »


Les années qui s'égrainent lui offrent plus de tranquillité. L'allège des contraintes d'un quotidien passionnant mais très prenant. Ce qui ne signifie pas que l'ancien défenseur quitte Nice et le Gym. Non. Marié à une Niçoise (Blanche), le mythe reste assidu à Charles-Ehrmann et présent au stade (au Ray puis à l'Allianz Riviera). Continue à raconter ses souvenirs aux acteurs du présent. Aux joueurs qui se succèdent, aux coaches, aux employés administratifs. « C'était notre papi à tous, conclut Virginie Rossetti, directrice de la communication. Celui qui savait nous réconforter les lendemains de défaite et le plus heureux les jours de victoire. Pancho symbolisait mieux que personne le Gym. Il était toute sa vie. La nôtre est bien triste aujourd'hui. »

Pancho a foulé pour la dernière fois la pelouse lors de l'ouverture de la saison 2014 / 2015, lançant ainsi la 110e année du club rouge et noir. Un soir d'été où Nice s'est offert Toulouse à l'Allianz Riviera, il a donné le coup d'envoi, le sourire aux lèvres.

Samedi dernier, les 3 coups de sifflets ont finalement retenti. Le capitaine est parti, entraînant dans son sillage une vague d'émotions, et laissant le souvenir d'une légende ayant croqué dans la vie.

C.D.