Interview
« Fraîcheur, qualité et affinités »
Moment de vie et de labeur, la préparation d'avant-saison est aussi importante pour la cohésion d'un groupe que pour la montée en régime des joueurs. Au coeur de cette phase capitale, où la douleur se mêle à la complicité dans le but « de cimenter » les individualités, Claude Puel a accepté de se poser tranquillement pour faire le point. Jeter un oeil dans le rétro, et regarder droit devant. Le verbe choisi, les idées claires et l'oeil tranchant.
Le stage
Coach, nous attaquons la deuxième semaine de reprise avec ce stage d'une semaine à Divonne-les-Bains : comment le groupe réagit-il à la lourde charge de travail ?
C'est un groupe qui est jeune, mais qui possède des habitudes de travail, donc ça se passe bien. Le danger, c'est de ne pas avoir de repos, parce que les joueurs font tout à fond. Il faut donc faire attention de bien doser, surtout par une telle chaleur. On avait déjà eu ça la première semaine à Nice, où on avait effectué des entraînements tard.
Etes-vous surpris par de telles températures ?
On ne s'attendait pas spécialement à ces chaleurs, parce que c'est quelques chose d'exceptionnel. Ici, la saison dernière, nous avions pu travailler dans la fraîcheur, il nous était même arrivé de faire des footings en k-way. Il avait fallu baisser l'intensité des entraînements lorsqu'on était rentrés à Nice. Cette fois, ça a complètement changé. Donc il faut faire attention aux charges de travail, car les organismes sont sollicités.

Qu'est-ce qui vous a convaincu de revenir pour la 3e fois consécutive à Divonne ?
On a tout ce qu'il faut. Un beau cadre, très confortable. De super conditions de travail, de beaux terrains et de belles pelouses - le principal outil des footballeurs. On a également la possibilité de courir et de faire du travail physique sur le golf, une salle pour faire de la musculation et de la prévention... Toutes les conditions requises sont présentes, c'est bien.
Que représente un stage dans la vie d'un groupe ?
C'est un moment où on a les joueurs sous la main au quotidien. L'alimentation, la récupération, les bains, les soins, le travail... Tout est axé autour d'eux, on les met dans les meilleures conditions. Et de leur côté, ils font attention, car ce sont des professionnels. Il n'y a pas de dispersion, ils ne rentrent pas chez eux avec les familles ou avec les amis, ne sortent pas, ne vont pas se balader dans la chaleur en dehors des périodes d'entraînement, comme ça peut être le cas à Nice. Le stage, c'est l'idéal pour avoir des joueurs regroupés.
« BEAUCOUP DE FRAÎCHEUR DANS LES TÊTES »
Les joueurs se comportent-ils différemment que dans leur quotidien niçois ?
En général, un premier stage se passe bien, parce qu'ils sont contents de reprendre, même si c'est un peu difficile. De bonnes affinités se créent, le groupe est jeune, sympa : tout le monde est accessible. Et encore une fois, on fait attention à avoir un effectif équilibré, qui a un bon comportement et une bonne éducation. Notre objectif, c'est de faire que les gars puissent se battre ensemble pour aller de l'avant. Pour le réaliser, c'est important d'avoir des joueurs avec un bon état d'esprit. Après, plus ça va aller, plus on va rentrer dans la compétition, plus il va falloir faire des choix. Automatiquement, il y aura des petites tensions à cause de la concurrence, car on va rentrer petit à petit dans le sujet. Mais c'est la logique du sport de haut niveau.
Quels enseignements tirer des trois jours à haute intensité ?
Il y a beaucoup de fraîcheur dans les têtes, beaucoup de qualité et d'affinités dans les jeux. Ça va s'altérer un peu en fin de stage, et notamment lors du match contre Lausanne, qui va être difficile, parce qu'il va y avoir beaucoup de fatigue. Face à nous, l'adversaire sera pratiquement prêt, à une semaine de la reprise de son championnat. On va avoir quelques difficultés, mais pour le moment, les joueurs ont encore un petit peu de jus et font de très bonnes choses.
Le Groupe
Comment se sont intégrés les nouveaux éléments ?
Très bien. Mika (Seri) était un peu surpris au départ par le rythme, le travail physique et la densité qu'il y avait. Là, il monte en régime, s'exprime de mieux en mieux et a bien pris la température. Hatem (Ben Arfa) connaissait déjà le groupe. Il a été très bien été accepté en janvier et l'est encore. Mathieu (Bodmer) l'a un peu pris sous son aile, et il fait partie intégrante de l'effectif, bien à sa place. Cependant, il a encore du chemin à parcourir pour retrouver son volume de jeu, puisqu'il est resté près d'un an sans jouer. On va le monter petit à petit, mais en tout cas, il est aussi dans l'esprit, demandeur, concentré. Quant à Maxime (Le Marchand), c'est un joueur qui a beaucoup de facilités techniques. Dès qu'on lui dit quelque chose, il corrige : ça va très vite dans sa tête.

Quelle évolution notez-vous dans les trajectoires de Koziello, Albert, Benrahma, Boscagli, Paulin et Dada, des jeunes ayant déjà participé à des stages les saisons précédentes ?
Ça fait un moment qu'ils s'entraînent avec le groupe pro ou qu'ils viennent de plus en plus souvent. Il y a des habitudes de jeu qui se sont créées, qu'ils répercutent également quand ils évoluent en CFA. Une même manière de voir le football et de le jouer. Un collectif est développé, toute une génération arrive derrière, continue à prendre de la bouteille, et fera, je l'espère, le bonheur de cette équipe de Nice dans le futur. Cette jeune génération possède des profils différents et très intéressants, qu'on amènera petit à petit. Le club aura la chance, par la suite, de les voir éclore. D'ailleurs, on en a déjà vu certains la saison dernière, et notamment sur le dernier match à Toulouse, qui a été très intéressant.
Le fait que Laurent Bonadei, nouveau coach de la réserve, soit présent à vos côtés est un bon moyen de gagner du temps...
C'est aussi pour qu'il puisse s'intégrer, même s'il connait la maison, puisqu'il y était auparavant. Ce qui est important pour moi, c'est que l'entraîneur de la CFA soit un adjoint, à l'écoute, qui développe « les gamins » selon ce qu'on veut en pro, dans les aspects tactique, technique et physique. Il faut continuer à les faire progresser sur leurs points forts, parce que c'est sur leurs points forts qu'ils feront une belle carrière. Chaque joueur a des registre différents ; c'est ce qui fait la richesse de cet effectif et de cette génération.
« Jouer sur leurs points forts », une méthode que préconise Arsène Wenger depuis des années...
Si Arsène le dit... (Il sourit)
« LE MERCATO ? ON NE SAIT JAMAIS CE QU'IL PEUT RÉSERVER »
Comment gère-t-on la période de mercato quand on est coach ?
En essayant de concerner et considérer tout le monde. Par exemple, on a pris tout le monde pour ce stage, même si on sait que certains joueurs sont susceptibles de nous quitter, et d'autres d'arriver. Bien sûr, quand on est entraîneur, on aimerait avoir l'effectif définitif le plus vite possible. Mais si on se souvient, c'est à la fin du mois d'août que nous avions pris Carlos Eduardo et Alassane Plea l'an dernier, donc on ne sait jamais ce que peut réserver le mercato. Pour autant, il y a une ossature qui est là et qui sait comment on travaille. Qu'ils évoluent ici ou ailleurs la saison prochaine, la démarche est la même : ce sont des pros qui doivent être respectés et considérés. Ils doivent également se comporter comme tel en retour.

Ressentez-vous des différences entre ces périodes et le quotidien d'une saison ?
Une période de mercato reste toujours spéciale. Même quand on continue à jouer, on peut être attaqués, tant que les autres championnats n'ont pas repris. Les premiers matches, certains joueurs qui font de bonnes choses peuvent être sollicités : je ne trouve pas ça normal ! Je militerais pour qu'on reparte en même temps que les Anglais, les Italiens et les Espagnols. On a toujours fait différemment, et je ne trouve pas ça bien.
Les Attentes
Le Gym reste sur une 11e place au classement. L'objectif est de faire mieux, tout en restant fidèle aux mêmes principes ?
On va voir où on se situe. Le classement est aléatoire. Il y a tellement peu d'écart entre les équipes, c'est tellement disputé... Il faut batailler. Jusqu'à deux - trois journées de la fin (de la saison dernière), il y avait douze ou treize équipes concernées par le maintien. Dire que l'on va terminer dans le premier tiers ou la première moitié est tout simplement impossible. Ça ne sert à rien de spéculer, à part pour deux ou trois équipes qui sont capables d'annoncer qu'elles vont terminer sur le podium, parce qu'elles ont le budget et les joueurs pour.
Quels objectifs peuvent être fixés actuellement ?
Je pense qu'il faut mettre les choses le bon sens. Se fixer des objectifs en terme de jeu : s'ils sont remplis, on aura encore plus de chances de performer et d'être performant au classement. Il ne faut pas viser une place, mais une qualité de jeu qui nous permet d'être ambitieux. Cette saison, on doit être capable de faire un bon parcours à domicile, car lors de la dernière, pour différentes raisons, on s'est senti plus à l'aise à l'extérieur, où nous avons disputé de super matches et obtenu des victoires très probantes.

Est-ce que vous avez l'impression que les attentes qui entourent le club sont parfois trop élevées ?
Il faut toujours rappeler qui on est. Rester mesuré. Savoir avec quels moyens évolue ce club, et ce qu'on réalise avec. Il ne faut pas penser qu'on va jouer les 3 ou 4 premières places avec un budget 10 ou 12 fois inférieur à certains autres. C'est impossible. Il faut savourer qu'on puisse monter des jeunes et être performant, car on l'est dans beaucoup de registres. On est mis à l'évidence de partout à l'extérieur, notre travail est reconnu. J'aimerais qu'il le soit dans sa ville et dans sa région. Il y a des bases qui sont bonnes de partout. Si ce club veut se développer et avancer, il faut une certaine stabilité et une certaine mesure. Deux défaites, ce n'est pas la catastrophe, deux victoires ce n'est pas la folie. Et ainsi de suite.
« UN JEUNE EFFECTIF QUI A BEAUCOUP APPRIS »
Une « mesure » qui a peut-être fait défaut la saison dernière...
A domicile, on a été un peu emprunté, et on n'a pas été récompensé lors de certains matches. Mais je suis content de ce qu'on a réalisé. Terminer onzième avec un jeune effectif qui a encore appris, et avec toutes les difficultés que l'on a pu surmonter, c'est hyper costaud. Ce groupe a su faire preuve de qualité et de caractère. Si nous n'en avions pas, nous n'aurions pas remporté sept matches à l'extérieur, ou nous n'aurions pas été l'équipe en France qui gagne le plus de matchs après avoir été menée (six rencontres). On a gagné à Lyon à 10, contre Marseille à 10, ça montre de la qualité mais également une grande force de caractère. Avec un an de plus, il faut se fixer un cap supplémentaire, individuel et collectif, pour continuer à progresser.

Comment, justement, travailler ce caractère au quotidien ?
En ayant des joueurs qui ont de l'ambition et qui le prouvent tout le temps. L'entraînement, c'est de la compétition. Dans les petits jeux, il faut toujours gagner, il ne faut pas accepter les mauvaises choses, et répondre présent dans l'adversité. Tout le temps.
Comment cultiver la constance, une vertu très précieuse au cours d'une saison ?
Avec du métier et de la maturité. Ça ne s'invente pas. Nos joueurs ont de la qualité, c'est pour cela qu'ils sont sollicités, y compris à l'étranger. Maintenant, il faut que petit à petit, avec l'expérience, ils sachent gérer plus de matches. Et peut être aussi gérer un environnement qui est parfois particulier, mais qui fait également partie du Gym. Ce sont toutes ces choses-là qui, avec un peu plus de métier et de maturité, doivent nous permettre d'être ambitieux et de gagner en constance.
C.D.
