Aiglon de la saison

Un an d'ascension

« L'apprentissage du métier ». « L'explosion ». L'amour du duel et le besoin « d'aller au charbon ». Jordan Amavi n'a pas l'habitude d'emprunter des chemins détournés pour répondre aux différentes interrogations dont il est l'objet. Cela tombe bien, alors que la trêve vient tout juste de débuter et que vous l'avez élu "Aiglon de la saison", le latéral rouge et noir fait pour OGCNICE.com un bilan très personnel de la saison écoulée.

Jordan, 36 rencontres de L1 disputées sur 38 possibles : t'attendais-tu à un exercice aussi chargé ?
Franchement, non. Je ne m'attendais pas à réaliser une saison aussi pleine et à être autant utilisé. Le club me fait confiance, ce qui est forcément très bon dans ma progression. En retour, j'essaie de l'aider au maximum, car je suis là pour ça. Que ce soit sur le terrain ou en dehors.

Justement, tu as également été très sollicité pour des activités extra-sportives ou médiatiques : comment vis-tu cette notoriété grandissante ?
Ça fait partie du métier, tout simplement. Quand on est footballeur pro, on sait à quoi s'attendre. Lorsqu'on subit des coups de moins bien, se poser un peu ne peut pas faire de mal, mais le club fait attention aux sollicitations, donc je n'ai pas à me plaindre. A côté de ça, j'ai pris la suite de Kolo en tant que parrain de l'équipe Spécial OGC Nice. Un projet comme celui-là ne se refuse pas, bien au contraire. Je ne savais pas trop comment me positionner au début, et puis j'ai pris l'habitude d'aller voir l'équipe, de donner des conseils dès que je le pouvais... Je me suis attaché à ces joueurs, j'espère qu'ils vont se régaler à Los Angeles.

Y a-t-il un moment charnière où tu as pris conscience que tu étais vraiment dans la cour des grands ?
(Après réflexion) Lors de mon premier match en pro, à Lyon, au début de la saison dernière (défaite 0-4). Je sors à la 69e, sous crampes... C'était une première difficile, et je me souviens que Didier (Digard) était venu me voir à la fin, pour me dire que je n'étais plus en CFA, que je n'étais pas là pour rire, et que pour évoluer au haut niveau, il fallait faire attention à tout. Ses paroles ont fait leur chemin dans ma tête, et j'ai rapidement compris qu'il avait raison. Quand tu es jeune, tu n'as pas forcément la bonne vision du métier tout de suite, tu te dis que bien jouer au ballon suffit, que tu vas gagner de l'argent, et que tout va aller tout seul... Tu te trompes ! Au moment où tu t'en aperçois, tu grandis. Désormais, j'essaie d'être attentif en dehors du terrain, en faisant attention à l'heure où je mange, au moment où je me couche...

Justement, en jeunes, tu as été formé un cran plus haut, comme milieu gauche. Croyais-tu que tu pourrais éclore en pro en tant que latéral ?
On m'en avait parlé, mais au début, je n'y croyais pas, car c'était vraiment quelque chose de nouveau pour moi. Et puis le coach (Claude Puel) est réellement venu m'exposer sa vision des choses, en me disant que mes qualités s'exprimeraient mieux un cran en dessous, avec le jeu face à moi et tout le couloir devant. J'ai été convaincu. Pour un jeune du centre, pouvoir accomplir son rêve en devenant pro est quelque chose d'énorme, donc même si on m'avait dit que je pouvais le réaliser en tant que gardien, je n'aurais pas hésité une seconde.

Un arrière-gauche avec un bon pied droit, ce n'est pas commun...
Petit, mon père m'obligeait à travailler mon droit, donc j'ai pris l'habitude de conduire le ballon de ce pied, ce qui m'aide quand je dois revenir dans l'axe. Par contre, c'est plus difficile pour moi quand je bouleverse mes repères, et que j'évolue à droite, par exemple. Pouvoir être parfaitement polyvalent fait partie des axes de travail.

Depuis que tu t'es installé au poste, quels sont les secteurs où tu as progressé ?
Au niveau de la rigueur et du caractère. En jeunes, je pouvais compenser des situations où j'étais pris à défaut par ma vitesse, en pro ce n'est plus possible, car certains attaquants vont vraiment très vite, donc il faut savoir intervenir autrement. Avant, il m'arrivait également de baisser la tête quand je faisais une erreur, je pouvais m'énerver rapidement. J'essaie désormais de garder mon sang-froid, et de tirer des leçons de mes erreurs. Un exemple ? Pour la Der' du Ray (face à Montpellier), je loupe mon contrôle et il y a but derrière. Ce n'était pas un moment agréable, mais si la même action se reproduit aujourd'hui, je ne cherche même pas à comprendre : je dégage sur une touche, sans prendre de risque.

A contrario, quels sont les domaines où tu dois encore franchir de nouveaux caps ?
On peut toujours progresser, dans tous les secteurs. Tactiquement, je dois être encore plus attentif à mon placement, assurer les couvertures et rester bien concentré sur 90 minutes. Et offensivement, ce serait bien d'être encore plus décisif. J'ai inscrit 4 buts cette saison, si j'atteins le même total et que j'y ajoute 4 passes décisives la prochaine, ce ne sera pas mal du tout.

Quels ont été tes duels les plus chauds de la saison ?
Avec Gignac, on s'est dit quelques mots doux, c'était une véritable bataille. Dans un autre style, Aurier était également difficile à marquer, parce que c'est du solide, c'est costaud, ça rentre dedans ; un mec comme Issa Cissokho met aussi beaucoup d'impact, et possède en plus un super état d'esprit. Ce sont les premiers qui me viennent à l'esprit, mais en général, il faut être concentré en permanence, et vouloir gagner le duel à tout prix, à tout instant.

Cette volonté explique que tu sois souvent sanctionné (11 cartons jaunes reçus cette saison)...
Prendre moins de cartons fait également partie de mes axes de progression. Mais il faut le faire en continuant à être performant dans les duels. Les "un contre un", c'est ce qu'il y a de meilleur, le moment où tu montres que tu es présent. J'aime les matches où il faut aller au charbon, où il y a des contacts, mais il faut que j'apprenne à être plus malin.

Après l'année de ton explosion, tu seras forcément beaucoup plus attendu : est-ce que ça rajoute une pression supplémentaire ?
Non, ça ne rajoute rien, car je veux de toute manière continuer à travailler dur, afin de progresser et de gommer mes lacunes. J'espère montrer que je peux faire une belle carrière, et ça passe par une certaine régularité. Prouver, c'est bien. Confirmer, c'est mieux.

Propos recueillis par C.D.