Entretien
Mahamane Traoré : « Je suis plus mature »
Un sourire qui lui colle au visage. Une détermination inébranlable. Niçois depuis 2006 – exception faite de deux saisons en prêt à Metz – le milieu malien a grandi avec le Gym. Jusqu'à devenir, aujourd'hui, le plus ancien du vestiaire niçois.
Mahamane, déjà huit ans que tu es là...
Et oui... Ça commence à faire, même si j'ai passé deux années à Metz. Mais je suis bien ici, je suis heureux.
Tu es le plus ancien du vestiaire...
C'est ce qu'on dit, oui (il sourit). Après, il y a d'autres joueurs comme Didier (Digard) qui sont là depuis un certain temps maintenant.
Quels sont tes premiers souvenirs niçois ?
Mes essais au centre de formation, à 17 ans. J'arrivais du Mali, je me suis retrouvé seul ici. Je m'entraînais avec la CFA avant d'aller manger en centre-ville avec les intendants Philou, Serge ou Nabil. J'ai passé trois années au centre de formation, le temps de m'adapter à la France. Ça m'arrangeait, vu que je ne savais pas cuisiner (rires).
Tes débuts au centre ?
Je m'entraînais avec la CFA mais à l'époque, beaucoup de pros descendaient jouer avec la réserve. Je pense à Souleymane Camara ou même Ederson. Du coup, j'ai commencé par jouer en 18 ans Nationaux avec Anthony Modeste, entre autres. Ça date !
Ton premier match pro ?
Je m'en souviens. C'était au Louis II, en novembre 2006. J'ai remplacé Marama Vahirua. Nous avions fait match nul, 0-0. Je me souviens aussi de mon premier but avec Nice, contre Nancy (16 août 2008, photo). Je rentre à la 85e et je marque dans la foulée le but de la victoire (2-1).

Quels joueurs t'ont marqué quand tu as commencé à fréquenter le groupe pro ?
Marama Vahirua, justement. Techniquement, il était très fort. A l'entraînement, son pied m'impressionnait. Et il a mis de magnifiques buts au Ray...
Frédéric Antonetti te qualifiait de successeur d'Ederson...
Je n'étais pas d'accord. Chacun ses qualités, son profil. Il ne faut pas chercher de successeur à Zizou, ni à Eder.
« LES MEILLEURES CONDITIONS POUR DEVENIR PRO »
Du Mali à la France, en quoi ta vie a changé ?
Tout est différent. Au Mali, toutes les portes sont ouvertes à tout le monde. On ne vit pas chacun chez soi, comme ici. Au Mali, le soleil ne se couche pas aussi tard. Ici, les premières fois où j'ai vu le soleil se coucher à 21, 22 heures, je me souviens avoir appelé ma mère pour lui raconter !
Et footballistiquement ?
Ici, j'ai appris le professionnalisme. Au Mali, on mange ce que nos parents préparent. On ne réfléchit pas à ce qui est bon ou pas pour éviter les blessures. Avant, je mangeais mon assiette de riz et je partais jouer. Je ne faisais pas la sieste. Le matin c'était l'école, l'après-midi le foot. Ici, tu es cadré, mis dans les meilleures conditions pour devenir pro. C'est pourquoi venir ici, pour nous les Maliens, c'est une chance.
Ton grand frère a également joué en France...
Il y vit toujours, oui. Après une expérience au Havre, où il a notamment croisé Kevin Anin, il joue aujourd'hui en DH à Pagny-sur-Moselle, près de Metz. Et à côté, il travaille.
En jouant des matchs amicaux à Constantine puis Casablanca, le Gym a pu goûter à l'ambiance africaine...
Un engouement assez énorme. En Afrique, les gens n'attendent que ça. Les stades sont tout le temps pleins. Au Mali, il y a un stade tellement bondé que les supporters assistent au match depuis la montagne alors qu'ils pourraient le regarder à la télé. C'est l'amour du football.
« J'ai appris le plaisir de jouer en 6 »
Peut-on te qualifier de joueur timide ?
Plutôt discret. Si on ne me connaît pas, on peut m'imaginer timide. Mais c'est juste que je suis un garçon tranquille, calme.
De quoi contraster avec ton activité sur le terrain...
J'essaye de jouer avec mes qualités, de mettre le pied s'il le faut.
A un nouveau poste...
Aujourd'hui, je peux jouer en 6, 8 ou 10. Mais le choix revient au coach. La différence, c'est qu'aujourd'hui, j'ai appris le plaisir de jouer en 6. A ce poste, beaucoup de ballons passent par toi. Puis tu peux davantage te projeter. L'an dernier, je me suis malgré tout retrouvé à la finition de nombreuses actions et j'ai mis 4 buts.

Depuis ton arrivée, finalement, en quoi penses-tu avoir évolué ?
Je pense être plus mature dans mon jeu, même si je reste jeune. Et encore, l'âge n'est pas tellement significatif. Quand on voit la maturité d'un joueur comme Verratti... Dans la vie aussi, je suis plus mûr. Notamment depuis que je suis papa de deux petites Niçoises : Aichoucha (3 ans et demi) et Khadeeja (7 mois). Avoir trois filles à la maison, ça change la vie...
Que penses-tu de ta carrière ?
C'est pas mal. Mais je veux continuer de progresser, aller toujours plus haut.
Trouves-tu que le club a changé ?
Bien sûr. Ne serait-ce qu'avec l'arrivée du stade. Et dans son fonctionnement, l'OGC Nice n'est plus le même. A mon arrivée, les équipes n'étaient pas si jeunes. Aujourd'hui, peu importe ton âge, tu peux avoir ta chance. A l'entraînement mais également en match.
L'équilibre du vestiaire ?
Il y a des anciens, des jeunes... De tout. Des mecs d'origines et de caractères différents. Et qui malgré tout se mélangent tous. Personnellement, je m'entends bien avec tout le monde. S'il faut parler, je le fais.
« Il faut laisser le temps à cette équipe »
L'objectif actuel ?
Le championnat est très serré, cette année. Et le maintien n'est pas encore acquis, sachant que les équipes derrière nous ne lâchent rien. Malgré un calendrier relevé, il faut assurer notre maintien, et ensuite préparer la saison prochaine au mieux.
Comment expliques-tu que la saison actuelle ne soit pas à la hauteur de la précédente ?
Ça fait partie de la progression. Beaucoup de jeunes ont intégré le groupe ; il faut laisser le temps à cette équipe, être patient. C'est le foot : les années se suivent mais ne se ressemblent pas forcément.
Saint-Etienne, votre prochain adversaire ?
C'est une équipe chiante à jouer (rires). Ils pressent beaucoup, ils harcèlent. En attaque, Brandao ne lâche rien. Ils ont battu Lyon, ils sont en confiance et vont peut-être jouer la Ligue des Champions. Il faut se préparer au combat.
Y.F.
