Rétro

Lilian Laslandes : « Ce douzième homme... »

Dix ans déjà. Une décennie que le grand blond a enfilé ses chaussures rouge et noir. Dix buts au compteur en 2003/2004, l'attaquant retrouve les Girondins. Puis revient au chevet d'un Nice souffrant, en janvier 2007. Le retour du grand blond. En deux saisons et demi au total, l'international a marqué quelques buts et beaucoup d'esprits. Le sien compris.

Eté 2003. Tu quittes Bastia pour Nice. Qualifiés pour la Coupe Intertoto, les Aiglons cherchent à confirmer...
Ils sortaient d'une première saison de folie en Ligue 1. Ils avaient longtemps fait la course en tête avec un groupe soudé. Des joueurs confirmés que Gernot (Rohr) m'avait invité à rejoindre. Je garde le souvenir d'une intégration très simple au sein d'une petite famille.

Sportivement ?
On tapait tous les gros à la maison, puis on craquait dans les vingt dernières minutes. On était généreux, valeureux mais toujours trahis par ce petit flottement en fin de match. De tête, je revois celui contre le PSG. J'ouvre le score dans les premières minutes, nous tenons jusqu'à la 80e avant d'encaisser deux buts, coup sur coup.

La même année, tu as réussi un triplé lors d'un... 2-2 !
Nice – Ajaccio, l'une de mes premières au Ray. J'ouvre le score sur penalty. Ajaccio égalise puis fait le break sur un but que j'inscris contre mon camp. Heureusement, je marque une nouvelle fois, et dans la bonne cage. Une tête croisée sur corner, je crois.

Lilian Laslandes lors d'Auxerre - Nice

Après seulement une saison en rouge et noir, pourquoi as-tu rallié Bordeaux ?
Michel Pavon venait de reprendre l'équipe et m'a appelé. Ce n'était pas évident, j'avais l'impression de devoir quelque chose au Gym. J'avais même pris le soin d'en discuter avec les leaders de la tribune, qui m'avaient compris. L'occasion était belle et dans ma tête, à 32 ans, je m'imaginais terminer ma carrière en Gironde.

Janvier 2007, Lionel Letizi et toi retrouvez pourtant le Gym...
Mon temps de jeu avec Ricardo s'était réduit et en parallèle, je voyais le Gym en très mauvaise posture. J'ai ressenti le devoir de rendre la pareille au club qui m'avait laissé rentrer chez moi deux ans et demi plus tôt. Avant mon premier match, je suis allé discuter avec Tchoa (capo de la Populaire Sud) des tensions qui commençaient à se dégager des tribunes. Dans la foulée, je loupe un penalty et nous perdons 1-0 contre Toulouse ! Nous étions au plus mal... Lorsqu'on croyait faire le trou, nos concurrents gagnaient aussi. L'expérience fut éprouvante, mais nous nous sommes finalement sauvés contre Paris (1-0, Marama Vahirua, 36e journée).

« Nice, un plaisir de tous les jours »

2007/2008 : Nice accroche une la huitième place...
Une magnifique saison marquée par la révélation et la confirmation des Lloris, Ederson, Balmont, Koné... Il y a aussi eu ce derby à Monaco, avec ce maillot camouflage qui avait tant fait polémique. On s'acheminait vers une défaite et je marque dans les arrêts de jeu, sur une remise de Vincent Hognon (vidéo ci-dessous). Un super souvenir... Le seul bémol : cette fin que je n'ai pas vue venir. A l'hiver, le club m'a proposé de prolonger. Afin d'éviter la paperasse, je leur ai donné rendez-vous en fin de saison. Il y a eu des changements entretemps et ça ne s'est pas fait. Il n'y a pas de rancoeur : j'en ai discuté avec les personnes concernées. Mais je regrette simplement de ne jamais avoir su quand j'allais disputer mon dernier match.

L'après-Nice ?
J'ai un peu accusé le coup et complètement coupé du football. Je me suis mis au handball, le sport de ma mère et ma sœur, à Pauillac, ma ville natale. Une bonne expérience, mais la présence systématique des journalistes a fini par me déranger. Il y avait toujours une caméra braquée sur moi, alors que je ne jouais qu'en équipe 3 ou 4, pour le plaisir. Le reste du club n'était jamais mis en valeur ; ça m'a vraiment gêné. J'ai rejoué au football en amateurs, à la Pointe du Médoc. Nous sommes montés en DHR et avons manqué de peu l'accession en DH. Je me suis désormais retiré et je suis gérant de plusieurs affaires dans la restauration. J'anime aussi des entraînements spécifiques pour les attaquants au Stade Bordelais, après l'avoir fait aux Girondins.

Avec le recul, les coéquipiers qui ont compté ?
Des mecs comme José, Pancho, Sammy, Poussin, Chouf, Evi et tant d'autres... Puis le staff, forcément. « Boul » (Philippe Boulon, kiné), Nabil (Ouled-Gharbia) et les autres. J'ai beau être supporter bordelais, j'assimilerai toujours mon aventure niçoise à un petit choc émotionnel. Ce stade, ce public et ces personnes que j'avais plaisir à retrouver chaque matin. Nice, c'était un plaisir de tous les jours.

Koné, Ederson, Meslin : tu avais aussi le don de faire briller tes partenaires...
A Auxerre, je jouais avec Pascal Vahirua et Cocard, ou Diomède et Marlet. Donc plutôt dans l'axe. Mais à Bordeaux, je suis revenu à un 4-4-2 où je faisais beaucoup marquer, effectivement. Sur 20 buts de Wiltord, j'ai dû donner 10 passes décisives. A Nice, c'était pareil. J'étais plutôt du genre à peser, servir d'appui avant de marquer.

Pourquoi les attaquants seuls en pointe sont-ils aujourd'hui préférés aux duos ?
Ces dernières années, on nous a beaucoup parlé de vitesse, de débordements. Mais sans la jouer grand tacticien, je crois que les entraîneurs vont de plus en plus ressentir le besoin de peser dans l'axe. Un avant-centre a intérêt de savoir à la fois garder le ballon et marquer. Du temps où j'observais Chamakh, je le voyais tout faire à lui seul. Il était énorme. Mais tout le monde n'en est pas capable.

« Dario a du Pauleta »

Ton avis sur Dario Cvitanich ?
Il me fait un peu penser à Pauleta. Pas dans tous les registres, mais il a cette capacité à attirer les ballons devant le but. Il est un peu moins tueur, mais utilise mieux les espaces et sait mettre à profit sa vista. Je ne connais pas assez Bosetti et Maupay pour en parler mais Cyril Rool m'en a dit beaucoup de bien. Si je peux me permettre un conseil, j'espère juste qu'ils ne partiront pas trop tôt en quête d'argent. Qu'ils pensent d'abord à prouver, être régulier et gagner des titres en France. Pour le reste, ils ont le temps...

Lilian Laslandes lors de la Der' du Ray

La Der du Ray ?
J'ai immédiatement répondu à l'invitation. Ce stade restera mythique. J'y ai vécu beaucoup de moments forts. C'était une belle dernière journée, où j'ai croisé pas mal de vieilles connaissances, toujours avec le même plaisir.

Le Gym d'aujourd'hui ?
Claude Puel apporte sa rigueur, ses vérités. Ce qu'il était sur le terrain. Le classement ne sera peut-être pas aussi brillant chaque année, mais le club s'en donne les moyens. Il se structure. Avec son nouveau stade dans une si belle ville, il va peut-être falloir compter sur l'OGC Nice dans les prochaines années.

Nice – Bordeaux ?
Les Niçois n'ont lâché aucun point dans leur nouveau stade. Après une mauvaise passe, Bordeaux ressort la tête de l'eau, mais ne tient pas encore tout un match. Ils vont devoir changer ça s'ils veulent espérer quelque chose. Je respecte trop ces deux clubs pour pronostiquer, mais je m'attends à une partie plaisante. Pour ma part, je le commenterai depuis Bordeaux, sur Girondins TV.

Un mot pour les supporters ?
Les joueurs qui sont passés et ceux qui suivront resteront toujours marqués par l'ambiance que sait mettre ce public. Un douzième homme dans sa splendeur. Niçois ou adversaire, j'ai toujours estimé que soutenu par un tel public, le Gym partait avec un avantage dès le coup d'envoi. Je suis fier d'avoir porté ces couleurs et je suis ravi que la génération actuelle les récompense de leur soutien. L'Allianz Riviera ? Je n'ai pu répondre favorablement à l'invitation du club pour l'inauguration. Mais je compte bien venir découvrir ce beau stade.

 

Y.F.