Conférence
Claude Puel : « Concentrons-nous sur le jeu »
Claude Puel a repris lundi les rênes de l’équipe, un peu plus de neuf ans après son départ de Nice conclu sur une 4e place. Avant de diriger l’entrainement de reprise, il s’est confié face aux micros. Avec passion, motivation et la nécessité de permettre à ses joueurs de retrouver cohésion et confiance.
Quel est votre sentiment à l’heure de ce retour ?
Je suis très heureux de revoir certaines têtes, de pouvoir échanger avec vous. Quand ces derniers mois on me questionnait sur mon avenir, je ne savais vraiment pas de quoi il serait fait. Je n'avais pas fermé la porte, j'ai eu pas mal de sollicitations mais jamais je ne me suis lâché, entre guillemets. Parce que j'avais trouvé un certain équilibre de vie, des centres d'intérêt, et je n'étais pas en manque. Même si je reste toujours un grand passionné de football. J'ai toujours marché un petit peu au déclic, et jamais de façon carriériste (…) Et puis, le président m'a sollicité. C'est vrai que ce challenge m'a parlé. Le président a parlé de club de coeur. Nice en fait partie, c'est ma région. Il y a aussi Monaco. Et même si parfois il y a une rivalité, elle est saine entre ces deux clubs auxquels je suis attaché.
Je viens pour un challenge très difficile. Quelque part c’est ce qui me motive. J’aime bien les choses difficiles, entre guillemets. Ce sont des challenges qui me parlent. Et, en plus, revenir ici c’est aussi renvoyer l'ascenseur parce que j'ai pris beaucoup de plaisir à Nice. J'ai travaillé avec le président pour faire grandir ce club. On a beaucoup travaillé sur les structures comme ce centre d’entrainement, sur les effectifs et on a essayé d'inscrire le club, je dirais, dans le futur. Et je pense qu'il est bien installé.
Le club a un petit problème de passage et on va essayer de l'aider à passer ce cap. En faisant en sorte, jusqu'à la fin de saison, de faire un corps avec les joueurs, le staff, pour redresser la situation. Avant d’espérer plus, il nous faut bien rester concernés sur notre sujet, remonter au classement et nous éloigner de places dangereuses. Et ça, le faire à travers, je dirais, des choses simples. En essayant de partager au maximum avec les joueurs de façon à les rendre homogènes, et d’avoir une même réponse sur le terrain. De telle sorte qu'ils puissent non seulement participer à la remontée du club, mais entre guillemets, se réconcilier avec tous les amoureux de l'OGC Nice.
Par quoi allez-vous commencer ?
Déjà connaitre au mieux l’effectif, en m’appuyant sur les retours de chacun. Je connais pas mal de monde du staff, par exemple: César Arghirudis (Entraîneur adjoint en charge de l'analyse du jeu) à Saint-Étienne. J'ai eu Julien Sablé à Saint-Étienne également, qui sera mon premier adjoint. J'ai connu Benoît Delaval (directeur de la performance) à Lille. J’ai un petit peu mis le pied à Florian Maurice à Lyon, en lui confiant le poste de recruteur au départ.
Après, il faudra aller très vite à l'essentiel. Donc, je vais m'appuyer beaucoup sur ces premiers entraînements, sur ces premiers matchs, sur les gens en place, sur les membres du staff qui me partagent leur sensibilité. Chacun a des sensibilités différentes, et j'ai besoin d'écouter un petit peu tout le monde pour me forger une première idée.
Et après, il y a l'observation, bien sûr, au quotidien qui va me permettre d'affiner tout ça. C’est des situations que j’ai connues à Leicester, à Sainte-Étienne, et puis là aujourd'hui, où il y a un mécanisme où il faut mettre des choses simples en place avec les joueurs, aller à l'essentiel, ne pas se perdre, ne pas se laisser dominer par toute une foison de renseignements ou de personnes qui sont de bonne volonté et qui veulent apporter leur contribution. Il ne faut pas se laisser noyer par toutes sortes de choses. On va essayer d'être le plus précis possible, parce que les joueurs ont besoin de reprendre petit à petit de confiance, ils ont besoin de clarté et de choses simples pour retrouver une certaine cohésion et, petit à petit, cette confiance nécessaire.

Le contexte avec les supporters était compliqué en fin d’année. Est-ce que vous pensez que la tendance peut s'inverser ? Est-ce que ça a été un sujet de réflexion ?
Non. Ceux qui m'ont suivi dans mon parcours, notamment à Nice, savent que j'ai connu les supporters avec différentes facettes. Je sais qu'ils sont très exigeants et qu'ils peuvent le manifester parfois un peu durement. J'ai connu ça aussi. Ça n'empêche pas que j'ai toujours reçu, depuis mon départ de Nice, énormément de remerciements, de considération de la part des Niçois. C'est important d'avoir tous ces retours et ça montre qu'avant tout, il y a de l'amour pour ce club. Et de temps en temps, peut-être que ça dépasse certaines limites, mais ils ont besoin d'avoir confiance en leur équipe. J’ai envie d’ajouter quelque chose, à la fois pour vous, les médias, mais aussi pour les supporters qui sont très passionnés. Parfois, l'expression d'une équipe peut poser question parce qu'on dirait que le joueur ou les joueurs ne donnent pas tout, qu’ils pourraient faire plus, qu’ils ne mouillent pas assez le maillot… C'est une revendication qu'on entend souvent dans ces cas-là. Mais pour moi, ça n'existe pas. Le joueur donne tout. Quels que soient les aléas. C’est simplement que leur expression est moins bonne, leur leadership, ce qu’ils peuvent dégager parce qu'ils ne sont pas en confiance. Ils ont perdu une certaine légèreté. Ils sont lourds dans leur tête, ils sont lourds dans leur expression, dans leur physique, et ça donne une sensation des fois que le joueur ou certains joueurs ne se battent pas. Mais ce n'est pas vrai. Jamais je n’ai considéré de toute ma carrière qu'un joueur joue contre son équipe, ou ne donne pas son maximum. Mais par contre, il faut être derrière eux. Si nos supporters sentent autour de l'équipe, dans l'équipe, une cohésion avec des choses simples, qu’elle se rebatte ensemble, avec de la cohésion, et naturellement, petit à petit, de la confiance, cela va traîner derrière elle tous ces supporters amoureux de l’OGC Nice. Et il y en a beaucoup, je peux vous le confirmer. Même quand on m'interpelle à Monaco, je demande toujours si la personne supporte Monaco ou Nice. Et la réponse c’est qu’il y a énormément de supporters de Nice. C’est rassurant, ça veut dire que tout le monde est capable et prêt à repartir du bon pied.
Pourquoi un engagement de six mois ?
Parce qu’on est là pour une mission, des deux côtés. J'aurais pu essayer de glaner une année de plus. Mais je ne sais pas si à la fin de la saison, je voudrais continuer. Le club sera libre également de prendre sa décision si ils veulent me proposer quelque chose. Et si je veux l'accepter, je n'en sais rien. J'ai atteint, comme je disais, une certaine liberté de sentir les choses et de les faire par passion et pas simplement pour avoir des années supplémentaires, avec des salaires qui vont avec, etc. Les choses, si elles doivent se faire, arriveront naturellement d'un côté comme de l'autre. Pour le moment, je me suis fixé six mois qui vont bien me changer de mon quotidien. Mais je le fais avec un grand plaisir, avec énormément de motivation, avec la grinta.
Maurice (Cohen) en a parlé, j'ai essayé de me mettre au golf. Je vous avoue que je suis fâché avec le golf depuis pas mal de temps… (sourire). Le football, ça reste ma passion, quelque chose qui me porte. Des fois, il m'interpelle quand je vois certaines choses et certaines évolutions. Mais le jeu, quand on me ramène au jeu, c'est extraordinaire. Je veux la même chose pour les joueurs. Il y a tout un côté médiatique, tout un environnement au niveau des joueurs. La fonction de l'entraîneur est extraordinaire. Elle est très difficile. Tout le temps à individualiser la performance du joueur. Je dis souvent que l'entraîneur est le seul qui rame à contre-courant, qui essaie de fédérer et de faire penser collectif à des joueurs que l'on tiraille, que l'on monte, même des fois avec l'avènement des datas maintenant. On leur dit tu dois faire plus de data pour te faire remarquer. Même si ça va à l'envers du collectif. C'est ça qui est intéressant. Les joueurs évoluent avec ce monde-là. A nous de rester avec eux, de les accompagner et de leur faire percevoir tous les bienfaits d'une homogénéité, d'un collectif. Quand on a un bon collectif, l'individu peut s'épanouir. Il a un cadre sur lequel il peut s'appuyer et il peut exprimer toutes ses qualités. C'est le terrain, c'est le jeu. C'est le terrain qui doit prendre la plus grande importance pour eux, pour le staff, pour tout le monde. C'est là où on va se réaliser.

Cela fait 4 ans que vous n’avez plus été sur un banc. Est-ce que votre méthode reste la même ? Comment comptez-vous fonctionner après cette « absence » assez longue ?
Je ne me suis pas posé ce genre de questions. Ça passe vite quand même. C'est comme le vélo. Il y a toujours des nouveautés, des adaptations. Je vois par exemple l'environnement des joueurs. Il y a le staff, c'est extraordinaire en qualité, en nombre autour des joueurs. Tout évolue. Il faut prendre ce tournant-là. Mais après, le joueur reste le même, inquiet. Il cherche à progresser. Il cherche à faire une belle carrière. Leur environnement est toujours bien présent pour les conseiller. Il faut travailler de concert avec toutes ces personnes-là pour amener le joueur à sa meilleure expression. C'est passionnant. En quatre ans, on n'oublie pas ça. C'est pas grand-chose. Eric (Roy) est un bon exemple. Il était resté pas mal d'années sans un vrai poste. Et il fait des miracles, des choses extraordinaires à Brest. Je sais qu'il y a beaucoup de jeunisme. Mais des fois, quand on parle de jeunisme, il y a des passades. Beaucoup sont carriéristes et cherchent avant tout à capitaliser sur les moindres temps où ça se passe bien. J'ai l'avantage d'avoir la plus grande partie de ma carrière derrière, d'être toujours passionné, d'avoir toujours oeuvré pour les joueurs, pour les clubs qui m'ont engagé et de ne pas essayer de rebondir très vite pour faire une carrière et d'aller dans un club éventuellement dit supérieur. Ça, ça ne m'intéresse pas. Je pense que ça a beaucoup d'avantages également d'avoir une certaine maturité.
Un mot sur votre relation avec Jean-Pierre Rivère. On sait qu’il y a eu des tensions à la fin de votre première expérience ici…
Avec le président, on a eu quelques petits accrochages qui peuvent arriver en famille. Quand je suis parti de l'OGC Nice, j'avais besoin de souffler, parce que ça avait été très costaud, avec énormément de travail sur tous les points, parce que j'avais en charge tout le sportif du club, On avait beaucoup travaillé sur le centre d'entraînement, sur la montée de joueurs,… On n'avait, je le rappelle, aucune possibilité financière de faire le moindre transfert, ou alors un petit transfert pour Cvitanich. Il n'y avait pas non plus un staff aussi pléthorique que maintenant, et autant de disponibilité autour de l'équipe, donc j'étais fatigué. Ça, c'était la première des raisons. Ce qui était important pour moi, c’était de voir la suite de l'OGC Nice, qui a continué de bien travailler avec Lucien Favre, qui a eu des joueurs que nous avions formés, qui ont été de très bons actifs pour le club également. Pour la petite anecdote, on s'est recroisés à Monaco il y a quelques mois, d'ailleurs pour notre anniversaire, parce qu'on est nés le même jour. Et donc on se l’est souhaité, on a parlé pendant un moment, c'était très sympa. Quand il y a du respect, il y a du respect entre deux personnes, ça n'empêche pas que des fois il y a des tensions, comme dans n'importe quel couple. Et je trouve ça sain.
Est-ce que pour vous, parler de maintien est un levier positif pour motiver les joueurs en cette fin de saison ou au contraire, il faut être ambitieux et viser beaucoup plus haut ?
Ça ne sert à rien d'avoir de l'ambition si on ne réalise pas le minimum, c'est-à-dire avoir de la cohésion, partager les mêmes sensations, la même volonté d’agir en équipe. D'abord, c'est construire un collectif qui soit bien à la récupération, qui soit bien dans son expression collective, dans le jeu. Il faudra des choses simples. Il faut être mesuré et s'éloigner d'une zone dangereuse avant de pouvoir prétendre à quoi que ce soit. Là, on va démarrer un mois de janvier très difficile parce qu'il y a une succession de matchs. Il y a des joueurs importants qui sont à la CAN et qui flambent, comme Boudaoui hier. Il y a beaucoup de blessures également. Il y a un effectif un peu bancal. Il y a beaucoup de jeunes. Il y a 19 joueurs cet après-midi à l’entrainement, dont 7 jeunes. Malgré tout ça, il va falloir trouver les solutions nécessaires pour faire un beau match contre Strasbourg. J'espère que nos supporters seront bien présents parce qu'on a besoin d'eux pour retrouver de la confiance, et dans cette reconstruction. C'est un challenge, comme je l'ai dit, qui est difficile, mais super intéressant. J'ai envie de le partager avec le président, avec Maurice, avec le staff et les joueurs. Qu’on soit tous sur la même longueur d'onde.

Est-ce que vous avez déjà identifié des postes prioritaires où vous souhaitiez un recrutement ?
On va regarder. Déjà, la première chose pour moi, c'est de connaître mieux les joueurs. Je les vois évoluer, mais après, on les connaît mieux de l'intérieur en termes de personnalité, en termes de bagage technique, physique ou tactique, et la réponse qu'ils peuvent apporter pour le groupe.
Sur le mercato, peut-être qu'il y a des choses qui ont été regardées et qui, pour moi, n'auront peut-être pas la priorité. Par contre, d'autres, où on peut être bancal, et que ce soit le cas. On espère toujours, pour les supporters, pour tout le monde, mais un mercato d’hiver, c'est très difficile d'avoir des joueurs qui apportent vraiment plus. Surtout avec, je dirais, une manne financière qui va être normale mais qui ne va pas permettre de faire des choses, des transferts ou autre. Ça veut dire qu'il faut être très précis et s'abstenir de prendre des joueurs avec qui, sur l'instant, on remplit des cases et tout le monde est content parce que ça donne l'impression d'avoir recruté. Et après, on se rend compte très vite que c'est insuffisant, que ça ne suit pas. Et au contraire d'un effet bénéfique, on aboutit à un effet négatif parce que même les joueurs se rendent compte que les apports ne sont pas suffisants. Il faut rester mesuré par rapport au mercato. Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il y a dans ce groupe, bien l'analyser et voir si on peut l'améliorer avec un joueur qui puisse apporter quelque chose. Quand est-ce qu'on va récupérer petit à petit nos blessés également ? C'est toutes sortes de questions comme ça qui m'intéressent. Les joueurs qui sont à la CAN auront sûrement une semaine pour récupérer par rapport à leur date d'arrêt. Ça veut dire que chaque fois, ça retarde un petit peu leur retour. Et j'attends aussi de mon staff qu'on soit bon pour récupérer petit à petit les joueurs blessés ou les joueurs en méforme, parce qu'il y a des joueurs qui sont revenus de blessure et qui n'ont pas encore acquis leur meilleur niveau et le niveau adéquat pour l'équipe. On est nombreux, il y a beaucoup de gens dévoués autour des joueurs. Il faut passer des paliers avec ces joueurs-là aussi. Et peut-être que la réponse viendra de tous les joueurs que l'on récupérera.
Ce serait quoi une demi-saison réussie ?
Je préfère d'abord qu'on soit tous concentrés sur le jeu. J'aimerais voir une équipe solide, une équipe petit à petit qui retrouve confiance où des joueurs s'expriment.
Quand je regarde l’équipe, il y a des joueurs qui ont par exemple de la créativité, du talent, je ne les vois pas assez tenter, s'exprimer ou réussir des choses qui déstabilisent l'adversaire. Et ils en sont capables. Je veux me concentrer sur le maintien, comme l'a dit le président. Dans notre situation, après cette série de défaites, il faut retrouver confiance et cohésion. Mais ce qui m'intéresse, c'est le jeu et de voir l'expression de mes joueurs individuellement et collectivement progresser. Ça doit s'accompagner par des résultats bien sur. Mais c'est le jeu qui permettra d'avoir des résultats. Donc concentrons-nous sur le jeu avant d'extrapoler et de se situer dans le championnat et de dire qu'on peut envisager ou se projeter sur telle place. C'est impossible en l'état des choses.

L’OGC Nice est engagé sur trois tableaux. Et on connait les difficultés de Nice en coupe d’Europe depuis deux ans. Comment l’aborderez-vous ?
La Coupe d'Europe et la coupe de France, c'est différent. En Europe, il y a une élimination. Dans l’absolu, j'aimerais me servir de ces matchs pour donner du temps de jeu à certains, les voir passer des paliers. Est-ce qu'on pourra le faire ? On a un effectif qui est réduit pour le moment. Est-ce que d'aller à l'extérieur très loin (en Bulgarie, face à Ludogorets, ndlr) avec des voyages et enchaîner trois jours après cela a du sens d’envoyer certains joueurs là-bas ? Encore une fois, on va analyser ça match après match avec la montée individuelle des joueurs et prendre en compte leurs voyages également. On doit tout regarder. On doit être très méticuleux sur chaque joueur, sur leur expression, sur leur temps de jeu, et sur leur retour ou non.
Notre staff doit nous permettre d'avoir des entraînements à la carte et d'avoir le joueur au centre de notre préoccupation et de sa meilleure expression. Pour la Coupe de France, c’est comme un match de championnat. On doit jouer ça à fond. On fait un déplacement (à Nantes, en 16e de finale, ndlr), il faudra être présent.
