Portrait

Sur les traces de Billal Brahimi

Sa trajectoire est tellement rapide qu’elle regorge de rebondissements. De contrepieds, de contre-allées, de contretemps, de contres éclairs. À 22 ans, Billal Brahimi a attaqué son championnat par une passe décisive à Toulouse, lui qui avait conclu le précédent exercice par une passe décisive à Reims. Mais qui est vraiment le nouvel international algérien ? Après 6 mois au Gym, il est temps de lever le voile sur un parcours singulier. 

Itinéraire bis

À croire qu’on peut aller vite sans passer par une autoroute. Le chemin ayant mené Billal Brahimi au Gym en est le parfait exemple. Enfant de Cergy-Pontoise, c’est dans le 95 que l’ailier effectue ses premiers débordements.

Petit dernier d’une belle fratrie (il a deux frères et une sœur), il tape ses premiers ballons dans sa ville. Puis évolue dans un club voisin, Saint-Ouen-l’Aumône, pendant une saison, en 16 ans régionaux. Du classique qui s’efface bientôt devant l’appel du large. « Un jour, un agent est venu me voir pour me proposer une détection au Portugal, à Leiria, relate l’intéressé. Alors j’y suis allé. C’était en 2016, j’avais presque 17 ans, j’étais un jeune adulte. Je n’avais rien à perdre et mes parents m’ont soutenu tout de suite. J’ai pris mes valises et je suis parti une semaine. » La semaine se passe bien. Très bien. Si bien qu’une autre semaine la suit et que ladite semaine se transforme en saison. « J’ai intégré les U18 du club, sans rien signer. J’étais nourri, logé, j’allais à l’école au Portugal. C’était dur parce que je n’avais aucune base de portugais. Soit ça marchait, soit je retournais au lycée à Paris. » Le lycée attend toujours, même si la saison lusitanienne n'est pas un long fleuve tranquille pour celui qui, alors qu'il n'est pas majeur, ne peut pas apparaître en championnat. Après une année d'entraînement, un autre agent se rapproche du joueur pour lui proposer un essai à Middlesbrough en fin de saison, « du coup j’ai pris mes valises et je suis parti aussi vite que je suis arrivé. »

« À partir de là, tout est devenu canon »

Outre-Manche, l’essai est vite transformé : Brahimi s’engage pour deux saisons avec les Rouge et Blanc « et à partir de là, tout est devenu canon… ». En Angleterre, il possède le statut de semi-pro. Nourri, logé, il touche ses premiers salaires et vit désormais du ballon, dans une académie de renom et un contexte totalement différent. Un an après les terrains franciliens, le voilà sur les pelouses flambantes du Royaume d’Albion, au sein d’une institution historique, dont l’équipe première, à l’époque, vient juste d’être reléguée en Championship. 

Sous la pluie, comme sous le soleil, Brahimi apprend à vitesse grand V. Change de rythme, s’habitue à une passion devenue métier. Au sein des U20 la première saison, puis de la réserve la seconde, il prend aussi le pli d’un football britannique qui ne laisse aucune place à la fragilité. Dans les deux couloirs, il se fait aux contacts rugueux, ne s’échappe jamais, renforce son physique et érige la verticalité comme une marque de fabrique. Peu importe l’adversaire : il apporte puissance, profondeur et vitesse : « J’ai toujours été comme ça », souffle le jeune homme, qui touche progressivement à l’équipe première de Middlesbrough, entre 45 minutes en EFL Cup (face à Rochdale le 28 août 2018) et honore ses premières sélections en équipe de France U19.

Un groupe bleu où il est le seul à avoir sauté la case "formation" pour atterrir directement du niveau régional à la "post-formation anglaise", à quelques centimètres du monde pro. Un monde qui lui ouvre désormais ses portes, puisqu’à la fin de son premier bail, trois options se présentent à lui : un premier contrat pro à Middlesbrough, un autre en Espagne ou un retour en France, au Stade de Reims. « J’ai préféré revenir en France parce que c’était dans de bonnes conditions, à 1h30 de chez moi. Ma famille pouvait souvent venir me voir, ça a compté dans mon choix. »

Descendre pour mieux monter 

Son retour dans l’Hexagone s’accompagne de hauts et de bas. Pour être plus précis : les hauts se nourrissent du bas. Sa première saison le laisse sur sa faim : 6 mois dans la réserve rémoise et 6 mois blancs à cause de la crise du Covid. Nous sommes alors à l’été 2020. Après une discussion franche avec David Guion, l’entraîneur de l’équipe première du SDR, Billal sait qu’on ne compte pas sur lui en pro. Il descend de deux étages pour poursuivre son ascension et rejoint Le Mans, avec qui il « casse la baraque » en National. Sous les ordres de Didier Ollé-Nicolle, il claque 12 buts et délivre 10 passes décisives, entrant de plain-pied dans le radar de nombreux clubs pros, dont le Gym « qui me suivait déjà à cette époque. » 

La suite s’inscrit dans la même veine que son parcours : il rentre à Reims, qui ne compte pas sur lui, part 4 mois à Angers, avec qui il découvre la L1, puis débarque au Gym à l’hiver 2022 après avoir longuement échangé avec son ancien coéquipier rémois, Hassane Kamara. 

Clin d’oeil du destin

À son arrivée, les Aiglons occupent la deuxième place de la L1 et restent en course en Coupe de France. « J’ai senti tout de suite la différence, il n’y avait ni les mêmes enjeux ni les mêmes ambitions. J’ai essayé de m’adapter directement, le groupe m’a vite mis dans le bain ». La concurrence est rude, pourtant il se distingue à chaque fois qu’il en a la possibilité, comme à Monaco, où sa première titularisation s’accompagne de la distinction d’Aiglon du match. Collectivement, l’équipe traverse une période de doute, renforcée par la défaite en Coupe de France, et le mercato hivernal est souvent au centre des débats : « Ça fait partie du jeu », analyse Brahimi avec simplicité. Sans s’appesantir sur le sujet ou se défaire de son sourire. Les semaines filent et l’OGC Nice court toujours après l’Europe. Qu’il va chercher à Reims, comme un clin d’œil du destin. « Ce match était un peu spécial, avoue le n°14. Je n’ai pas de mauvaises pensées contre Reims, mais je voulais me montrer. Je n’avais jamais joué sur la pelouse d’Auguste-Delaune alors je me suis dit que si j’avais l’occasion de le faire, il fallait que je provoque quelque chose ». Ce quelque chose arrive à la 82ème minute : un centre du pied droit repris par la tête d’Andy Delort, qui envoie le Gym à la 5ème place de L1. « Franchement, c’était une belle fin. Même si pour moi ça ne s’est pas vraiment fini… »

Nouveau Fennec 

Comme tout ne fait que continuer, l’été de Brahimi se prolonge avec l’équipe nationale d’Algérie. « J’étais en vacances à Dubai mais au lieu de profiter, je m’entraînais. J’étais dans la pré-liste, ce n’était pas la première fois, mais je me suis dit : "On ne sait jamais, si tu es appelé, il faudra être prêt". Puis la liste est sortie… et j’ai vraiment compris que c’était bon quand mon téléphone a commencé à bugger à cause de tous les messages envoyés par les supporters de l’équipe nationale ! C’était incroyable. » Brahimi – qui n’a aucun lien de parenté avec Yacine, autre membre de l’équipe algérienne - apparaît trois fois avec les Fennecs. 

Cet enchaînement le gonfle à bloc. « BB » revient au Gym les batteries pleines, et attaque pied au plancher sa première préparation azuréenne. « La sélection, c’est bon pour la confiance, mais la préparation et le coach Favre m’ont aussi mis dans de bonnes dispositions. » Invité à développer sur la relation qu'il entretient avec le technicien suisse, Brahimi poursuit. « Quand tu joues, même si c’est en préparation, tu sens que tout va avec toi. Les joueurs sont avec toi, le coach aussi, c’est facile, quand c’est le cas, d’avoir confiance. Je ne manquais pas de confiance l’an dernier, je faisais la même chose à chaque fois que je jouais, mais on ne se parlait pas énormément avec le coach. Avec Lucien Favre, c’est différent, il parle beaucoup avec tout le monde, même sur le terrain. Vous avez pu le voir contre Torino, le match allait commencer mais il ne voulait pas sortir (rires). (Après réflexion) Oui, ce coach est différent. J’aime ça. »

Passeur décisif à Toulouse, Billal Brahimi espère mettre sa confiance et sa vitesse au service du collectif, au cœur d’un été brûlant : « Les objectifs sont élevés, ça donne envie, conclut-il. J’espère qu’on fera une bonne saison. Les ambitions annoncées, ça te donne envie de t’arracher, parce que si tu joues un gros truc dans une telle ville et un tel club, c’est énorme dans une carrière. »


C.D.

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