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Un beau Romand, 10 belles histoires

Quatre ans après son départ de l’OGC Nice, Lucien Favre signe son retour à la tête de l’équipe première des Aiglons. À l’endroit même où il s’est installé entre 2016 et 2018, en faisant chavirer les supporters rouge et noir. Précis, efficace, le coach Favre – ancien numéro 10 à la technique délicieuse – incarne aussi la poésie, le bon mot, le beau jeu. Avant d’ouvrir un nouveau chapitre, voici 10 épisodes qui résument à merveille son premier passage dans la plus belle ville du monde. 

« Le plus important, c’est qu’on s’accorde sur une philosophie »

Le 24 mai 2016, Lucien Favre est officiellement nommé – pour la première fois - à la tête de l’équipe professionnelle de l’OGC Nice, assurant ainsi la succession de Claude Puel. Le lendemain, l’ancien entraîneur de Gladbach prend la parole en conférence de presse, lors de sa présentation : « Un entraîneur est toujours exigeant, il a besoin de garanties au niveau sportif. Nous avons beaucoup discuté. Les dirigeants m'ont toujours répondu honnêtement, sans tergiversation. J'aime cette transparence. Le plus important pour moi c'est qu'on s'accorde sur une philosophie et qu'on s'y tienne. »

Au rayon de ses inspirations et de ses amours ? Le Brésil 70, Liverpool cuvée 74-75, le Milan de Sacchi, le Nantes de Suaudeau, le Barça de Cruyff… et un monument de l’OGC Nice, Jean-Marc Guillou : « C'était mon entraîneur en Suisse. La grande classe, j'ai beaucoup appris avec lui. »

« Ils m’ont tapé dans l’œil. Ils avaient une allure… »

Le 14 août 2016, le Vaudois officie pour la première fois en L1. Le Gym reçoit Rennes. Il n’hésite pas à titulariser Malang Sarr et Vincent Marcel. « J’ai vu des images d’eux en U19. Ils m’ont tapé dans l’œil. Ils avaient une « allure ». Je voulais voir de quoi ils étaient capables et ça s’est bien passé. » Tellement bien que Malang, 17 ans, est l’auteur de l’unique but de la rencontre. « C’est la cerise sur le gâteau, déclare Favre après le match. Il a bien joué. Il a un potentiel de progression important. Malang est très réceptif. Aux corrections, à la vidéo. Il sait qu’il a encore beaucoup de travail. Marquer pour son premier match à 17 ans, c’est quand même pas mal. Mais je vous en prie, ne parlez pas trop de lui (rires). »

Rieur au moment d’évoquer les jeunes pousses. Grave quand il s’agit de revenir sur le contexte de ce Nice – Rennes, un mois après les terribles attentats survenus sur la Promenade des Anglais à l’été 2016. « C’est dur de s’étendre là-dessus. C’est quelque chose d’impossible à digérer. Chacun le gère différemment. C’est bien d'avoir gagné pour tout le monde, mais ce n’est que du foot. »

« C’est lui qui fera la différence ici »

Le foot, justement, demeure au coeur de tous les mots du Suisse. « La qualité la plus importante d’un entraîneur, c’est l’honnêteté. Je lui ai dit ce que nous faisions à l’entraînement, les possibilités tactiques, et que je ne faisais aucune différence entre les joueurs. Les meilleurs jouent. » À qui donc s’adresse le coach Favre dans un échange qu’il révèle lui-même le 2 septembre 2016 ? À Mario Balotelli, recrue star arrivée "sur le gong" en fin de mercato.

Débarqué comme un OVNI mais avec une condition physique précaire, le colosse italien retrouve le lustre de ses 20 ans sous les ordres du "mage suisse". Qui complète ainsi son propos, avant même les premiers pas de Mario avec le maillot niçois : « Pour bien jouer, il faut du mouvement, se déplacer, défendre. C’est un travail de longue haleine. Mon travail c’est de corriger et d’améliorer les joueurs sur des points précis, les motiver. Ça, je peux le faire. Il a besoin des autres, de l’entraîneur et du staff, mais c’est lui qui fera la différence ici. Avec une bonne volonté, cela se passera très bien. Pour ce qui est de la technique, les deux pieds, l’efficacité devant le but, je ne me fais pas de souci. Il a montré par le passé des qualités énormes. »

Sous la férule du Suisse, l’Italien claquera 43 buts en 66 matchs. Ce qu'il n'a pas oublié au moment de saluer - sur Instagram - le retour de Lucien Favre à Nice ! 

« S’adapter à nos qualités mais aussi à l’adversaire »

« On a alterné 3-5-1-1, 3-4-3 etc. On a fait cette adaptation par rapport à nous, à nos qualités, mais aussi pour contrer l’adversaire. Cyprien préfère jouer dans cette position mais il faut qu’il s’habitue à jouer partout pour l’équipe. » Analyse livrée en conférence de presse, à l’issue de son premier derby face à Monaco, que son Gym emporte comme un ouragan (4-0, le 21 septembre 2016). Un match où Lucien Favre réalise un coup tactique tonitruant, en sortant Wylan du poste de sentinelle – où il évolue majoritairement depuis son arrivée au Gym le même été - pour l’installer comme un deuxième 10.

Un décryptage tactique que l’ancien coach de Dortmund répète très régulièrement face à la presse, parfois même avec un tableau à l’appui…

« C’est la fête »

Le 30 avril 2017, l’Allianz Riviera a du mal à contenir sa joie. Et pour cause : les Aiglons viennent de balayer le PSG, dans un match avec un enjeu énorme : la 2ème place de la L1, alors que le Gym accuse 6 longueurs de retard sur le PSG à 4 journées de la fin. 

Sous le regard brûlant de 33 190 Niçois, Balotelli, Ricardo et Donis offrent un succès magistral (3-1) et permettent au champion d’automne d’espérer voir plus loin que la médaille de bronze. « C’était la fête après le match, mais comme à chaque victoire. C’est un peu spécial car c’est contre Paris mais ça reste modéré. C’était un beau match, très engagé, avec beaucoup d’intensité. On fait une bonne première mi-temps. Paris était très bon aussi. C’était limite pour nous, il faut être correct. »

Correct et fair-play, malgré le succès, qui restera par ailleurs le dernier face aux hommes de la capitale jusqu’à celui décroché le 5 mars 2022, grâce à un but venu d’ailleurs d’Andy Delort. 

« 78 points, la 3e place, c'est exceptionnel »

En conclusion de sa première saison sur le banc rouge et noir, Lucien Favre conduit l’OGC Nice à Lyon. Un épilogue riche en buts, en émotions, que personne n’arrive néanmoins à enlever (score final 3-3). « On a éprouvé beaucoup de plaisir à travailler ensemble, salue l’entraîneur helvète en fin de partie. On a vécu des bons moments. On a osé, continué à poser notre jeu, à partir du gardien. Ce sont des risques, qui peuvent coûter parfois, mais sur l'ensemble ça paye. C'est pour cela que nous avons toujours voulu jouer. Au final nous avons 78 points, la 3e place, c'est exceptionnel. On est très contents mais aussi fiers de notre saison. Au début, c'était un peu tiré par les cheveux mais sur l'ensemble c'est mérité… »

En ce mois de mai 2017, l’OGC Nice valide pour la première fois une qualification en tours préliminaires de Ligue des Champions. Il boucle, en outre, une saison où il ne s’est incliné que 4 fois en championnat. Un record qui tient toujours…

« Il y a de la neige à Nice »

La citation suivante date du 3 août 2017 et d’un autre soir de légende. Un soir où tout Nice joue son avenir continental à Amsterdam, face à la grande Ajax. Les Hollandais viennent de s’incliner en finale de Ligue Europa contre Manchester United et restent sur un match nul (1-1) à l’Allianz Riviera lors de l’aller. Ils ont les cartes en mains pour passer. Les Rouge et Noir réalisent l’exploit.

Alors que l’effectif a perdu plusieurs éléments importants au mercato, que Balotelli est blessé et que Plea revient à peine d’une longue absence, la lumière vient du collectif, puis de Vincent Marcel, auteur d’un but entré dans la légende. « Ce soir, il y a de la neige à Nice : il a marqué du pied droit (rires). Franchement, c'est pour le taquiner, il a d'énormes qualités. C'est très positif ce que je dis », s’amuse le technicien après la rencontre, qui assure au club un avenir continental. « C’était « limite – limite » franchement car ils étaient très forts. Nous avons souffert, même plus. Ils sont très forts tactiquement, physiquement et techniquement. Ce sont des joueurs extra-formés, avec des qualités de percussion en 1 contre 1 sur le côté. Il y a aussi les tirs des milieux, qui peuvent tous marquer à 25 mètres. Ils ont d’énormes qualités, mais c’est nous qui sommes passés. »

« On s’est révoltés en même temps qu’on y a cru »

La deuxième saison du Romand à Nice alterne les hauts et les bas. Au plus bas, justement, Nice flirte avec la zone rouge ! Nous sommes alors le 29 novembre 2017, au Stadium de Toulouse (J15). Les coéquipiers de Mika Seri se retrouvent menés après un but de Delort. Ils évoluent en infériorité numérique après l’exclusion de Dante en fin de première période et tutoient le vide lorsque la main de Le Marchand offre le pénalty du break aux Violets. Une défaite envoie le Gym à la place de barragiste. Benitez détourne le pénalty de Durmaz et derrière, le soleil brille dans la nuit : Balotelli égalise, Srarfi – sorti du banc – offre la victoire (1-2). Sans que l’ensemble ne s’apparente à un braquage. « C’était mérité, selon Lucien Favre. On a plus joué que Toulouse. Ils marquent mais après, ils se sont arrêtés de jouer. On a eu beaucoup de possession en première mi-temps, pas d’occasions nettes. On s’est révoltés en même temps qu’on y a cru. »

Cette victoire marque un tournant. Les hommes du Comté remonte dans les hauteurs du classement, avec un tel panache qu’ils se retrouvent en position de se qualifier en Coupe d’Europe sur la dernière journée, où les attend (encore) un déplacement à Lyon. Déplacement avant lequel ils occupent la 6ème place…

« Oui, c’est mon dernier match »

Le Gym loupe finalement la dernière marche de sa saison. Esquissé au fil de la remontada hivernale, le rêve de terminer en Europe tombe à l’eau lorsque Lyon s’impose (3-2) et fait glisser le club à la 8ème place. À l'issue de la rencontre, Lucien Favre annonce son départ.


« C’était mon dernier match. C’étaient deux magnifiques saisons, même si c’était logiquement plus difficile cette année. J’ai pris beaucoup de plaisir. Nice est magnifique pour travailler. Le club est magnifique pour entraîner, je conseille ça à tous mes collègues entraîneurs. »

« Nous nous reverrons avec plaisir dans le futur »

« Mon rapport au club était très bon. Nous nous reverrons avec plaisir dans le futur avec le président ainsi que nos épouses car elles s'entendent bien aussi. La relation humaine avec tous les joueurs, sans exception, a été fantastique. J’ai travaillé avec des hommes avec lesquels on ne peut que s’attacher. Notre entente au sein du staff fut une grande satisfaction. Même chose avec le staff médical, les dirigeants, tout le monde. Il n'y pas eu de heurts, d'histoires, même quand ça tournait moins bien. C'est un club bien dirigé. Un endroit chaleureux. Les gens sont gentils. Et pour ma part, j'ai rarement des problèmes relationnels. Je respecte tout le monde. »

Dans la foulée de l’annonce de son départ, Lucien Favre s’est longuement livré sur OGCNICE.com, afin de boucler la boucle. Une boucle qui s’ouvre de nouveau, pour le plus grand bonheur de toutes les parties.  


C.D.