Interview

Lucien Favre : « C'est spécial de revenir ici »

Il est revenu avec le même sourire qu'il arborait tout au long de ses deux premières saisons en rouge et noir. Quelques heures après sa première séance avec le groupe, le technicien suisse a retrouvé le fil d'une aventure qui lui avait manquée. Et qu'il aborde avec autant d'ambition que d'envie. Prêt à retrouver l'ambiance de la Côte d'Azur qu'il a tant aimée.

Quatre ans après votre départ, vous attendiez-vous à revenir ? A quel moment est-ce devenu concret, « je vais revenir » ?
L'Europe m’intéressait de manière générale. C'est quand même quelque chose de spécial, de revenir là. Ça s'est bien passé lors de la saison 2016-2018 au niveau sportif, sur le plan humain. J'ai connu beaucoup de personnes avec lesquelles je gardais un contact régulier. Peu avant l'OGC Nice, il y avait un autre club, mais quand il y a eu l'OGC Nice, je me suis dit : "Là j'y vais". Il y a plusieurs raisons. D'abord, c'est très intéressant ce que fait Ineos. Ce qu'ils veulent construire et continuer de construire, c'est quelque chose de très important. Au niveau humain, je connais pas mal de personnes, c'est très agréable de venir dans un club comme ça. J'ai gardé le contact avec beaucoup de monde, dont le monsieur qui est à côté de moi (Jean-Pierre Rivère). C'est toujours mieux comme ça, j'aime bien qu'il y ait un côté humain. Sportif et humain. 

Connaitre le club vous permettra-t-il d'être performant plus rapidement ? Avez-vous senti le club grandir depuis votre départ ?
Je ne sais pas, mais c'est un avantage de connaitre plusieurs personnes, d'autant que la relation est bonne. J'ai travaillé avec Jean-Pierre, c'est important de connaitre ces personnes-là. Ineos, c’est un projet énorme. Les objectifs, puisqu'on va parler de ça, je pense que d’ici 2 ans, Nice doit faire en sorte de progresser, de faire de belles choses pendant la période de transferts et de finir régulièrement parmi les trois premiers. Si on voit les analyses d'Ineos, ils sont premiers là, premiers ici, etc... C'est différent, car les autres sports sont individuels. Et là, c'est un sport collectif. Donc c'est un peu différent.

Pour atteindre ces objectifs, l'effectif actuel doit-il être remodelé ou a-t-il beaucoup d'atouts ?
Non, il ne sera pas remodelé, mais il y aura certainement des transferts. C’est capital et ce n'est pas moi qui le dis. Wenger le disait aussi à Arsenal. 

Vous parliez de l'importance du mercato pour réaliser une bonne saison. Avez-vous pu travailler dessus, anticiper, même si l'officialisation de votre arrivée ne s'est faite qu'aujourd'hui ?
On travaille tous, en bonnes relations. Il faut échanger les idées qu’on a, les joueurs qu’on voit pour prendre la bonne décision. Ça doit être aussi intuitif, mais il faut se poser d’autres questions des fois, faire participer les autres. Je me souviens qu'à Yverdon, j'étais avec mon président, on s'est dit qu'on choisit un joueur. Il s'avère qu'il est parti en même temps que le joueur, qui a grillé trois feux rouges. Il m'a appelé et m'a dit : " Je ne veux pas le prendre". J'ai dit ok, on ne le prend pas. De manière plus globale, les transferts, c'est l'été et l'hiver. L'hiver, vous n'allez pas faire 10 transferts, mais ces périodes-là sont capitales.

"Il y a des bons joueurs, une bonne mentalité"

Que pensez vous de ce groupe ? Avez-vous déjà une idée précise de comment vous voulez le faire jouer ?
J'ai découvert le groupe ce matin. J'avais regardé quelques matches de l’OGC Nice, quelques enregistrements vidéos, comme je fais pour d'autres clubs. Il y a des bons joueurs dans ce club, une bonne mentalité. C'était le premier entraînement, il a duré une heure, ce n'est pas long, mais ça été très bien. C'était très intéressant. J'ai vu beaucoup de choses positives.

Quelles différences y a-t-il entre le Lucien Favre de 2016 et celui d'aujourd’hui, sur la vie, sur le football ?
Le foot change sans arrêt, c'est un des reflets de notre société. J'essaie toujours de m’améliorer. C’est ce que je continue de faire. En plus, il faut être à l’écoute d’autres personnes. Il y a des tas de choses à faire pour progresser. J'ai fait comme d'habitude, j'ai fait une pause, après 5 ans de travail. Il faut toujours analyser les choses, s’adapter à l’évolution du foot, ça change. Ce n'est plus la même chose qu'avant. C'est différent. Si vous comparez le football des années 2000 et celui de 2022, ça a beaucoup changé. Qu'est-ce qu'il faut faire à l'entraînement ? Est-ce qu'il faut plus corriger les joueurs ? Il faut s’adapter. J'ai essayé de m’améliorer, sur des trucs que je garderai personnels. 

Lors de votre premier passage, vous avez utilisé plusieurs schémas tactiques. On est fin juin. Est-ce que vous vous dites déjà lors de la première journée, on évoluera en 4-3-3 ?
Tu dois t’adapter à tes joueurs, tous les entraîneurs le font, à tous les niveaux. D’ici deux ans, l'objectif est de finir régulièrement dans les trois premiers, et même plus. (Sourires échangés avec Jean-Pierre Rivère) Je le prends pour moi, c'est pas grave. Il faut dire la vérité, c'est l'objectif, mais il faut un peu de temps. Qu'est-ce qu'on constate ? Le Brésil 70 jouait en 4-2-3-1, c'était fantastique. Bon, on ne va pas retourner en 1970 (rires). Liverpool joue en 4-3-3, qui se transforme en 4-4-2 défensivement, car Salah revient côté droit, même si ce n'est pas souvent. À Manchester City, Guardiola n’a pas changé son équipe cette année. C'était un 4-2-3-1, un 4-3-3. De Bruyne était souvent devant ou ils jouaient parfois sans avant-centre. Les meilleurs moments du Bayern Munich, en 2013-2014, en 4-2-3-1, c'était Robben à droite, avec un pied gauche, c'était Ribéry, que vous connaissez bien, à gauche, avec son pied droit ou qui débordait côté gauche. C'est donc un mélange de 4-3-3 et de 4-2-3-1. C'est le système le plus fiable. Les positions sur le terrain sont toutes occupées. À trois, ce n'est pas toujours le cas. On peut toujours changer, surprendre l’adversaire, en passant en 3-4-1-2, 3-5-2. Cependant, je crois que les joueurs préfèrent jouer dans leur position. Si tu leur proposes sur un match, ça va, mais on est obligé de s’adapter. C'est sur ça qu’on va travailler. On peut aussi faire une grande saison avec un autre système, gagner des titres avec un autre système. En 2002, le Brésil avait gagné la Coupe du monde avec une formation à trois derrière. Il ne faut jamais être carré, carré, carré. Mais ces équipes-là sont souvent en 4-2-3-1 ou en 4-3-3.

Sur le contour de l'effectif, des jeunes joueurs sont sollicités. Y en a-t-il que vous souhaitez absolument conserver ?
Oui, Gouiri, Thuram vont rester. Todibo aussi va rester. 

"En été ou en hiver, des différences se font, avec un ou deux joueurs"

Lors de l'intersaison entre votre première et votre deuxième saison, vous aviez perdu des joueurs. Avec Ineos, c'est une garantie de ne pas revivre d'été difficile ?
C'est comme ça, ça arrive. Les moyens n'étaient pas comparables. Ces périodes-là sont très importantes, il faut bien les maîtriser. En été ou en hiver, souvent, des différences se font, avec un ou deux joueurs. Ça peut faire des différences énormes, pour un titre ou une qualification.  

Lors de votre premier passage, vous ne vous étiez pas occupé du recrutement. Est-ce que c'était une condition de votre retour, d'avoir un vrai regard là-dessus ?
Le recrutement avait été fait tardivement, mais c'était bien. Je regardais quand même. On me disait, je peux prendre celui là ou celui-ici. Je disais, oui, c'est pas mal. Je vérifiais juste les données disponibles. Je ne veux pas dicter quoi que ce soit, je ne serai jamais comme ça. J'aime bien échanger mes idées, puis on tranche, car, au bout d'un moment, il faut prendre des décisions. Des fois oui, tu dis il faut absolument le prendre, même s'il y a un petit risque. Si vous voulez un jeune joueur, estimer son talent, c'est dur. Vous pouvez vous tromper. Si des fois vous avez une bonne intuition, il faut aller au bout. Ensuite, il faut convaincre les autres, qui peuvent vous dire s'ils sont d'accord ou pas. Quelques personnes participent à ça.

Le départ de Benitez a-t-il été décidé de manière collégiale ? Y a-t-il besoin de renforcer ce secteur ? Quel regard portez-vous sur Marcin Bulka ?
Pour Benitez, je ne suis pas intervenu, car c'était déjà acté. Il y a beaucoup de choses que je regarde. Je vais observer à l'entraînement pendant les 10 prochains jours, beaucoup de joueurs, dont le gardien. Bulka m'a fait bonne impression. Mais c'est clair qu'il faut qu'on recrute.

Un joueur est toujours là, c'est Dante. Comment l'avez-vous retrouvé ? 
Il est toujours bien, de bonne humeur, il rigole toujours. Il est toujours positif. Il calme tout le monde, il motive tout le monde. Je sais ce qu’il va faire comme métier.

Vous allez retrouver l'Allianz Riviera, avec les supporters. Vous êtes parti, mais vous avez gardé une belle côte d'amour. Comment appréhendez-vous ce retour ?
J'espère que ce sera magnifique, je me réjouis. J'aimais bien ce stade, c'était magnifique. J'adorais ça. Il y avait une bonne communion entre nous et les supporters. Je me réjouis vraiment.