Interview

Todibo : 1 saison en 10 dates

Sur le terrain il n’a jamais failli. Alors que les matchs sont terminés, sa mémoire prend le relais avec efficacité. Chaque détail, chaque action, chaque but, chaque incidence au classement, chaque effusion, chaque meurtrissure : tout est limpide dans l’esprit de Jean-Clair. Alors au moment de jeter un dernier regard dans le rétro’, Todibo, joueur le plus utilisé par le coach Galtier, décortique la saison 2021-22 en 10 grandes dates.   

Nice 0–0 Reims - 8 août 2021 (J1)

« Le premier match d’une longue saison. Un très bon souvenir, malgré le 0-0. On tombe sur une défense assez coriace. On se crée des occasions, on joue bien au ballon, malheureusement on n’arrive pas à mettre ce but qui nous aurait permis de prendre directement les 3 points. D’un point de vue général, pour un 1er match de championnat, on a été pas mal, voire très bon. On a eu des arrivées tardives, il me semble qu’on a Melvin qui signe juste avant le match contre Milan. Du coup il fallait que chacun trouve ses repères, qu’on comprenne les choix tactiques du coach, son plan de jeu. 

Sur un plan personnel, je n’ai pas forcément donné de signification à ce match. Mon 1er match à l’OGC Nice, c’était à Monaco (prêté au Gym à l’hiver 2021, JC s’est engagé au club au mois de juin de la même année, ndlr). Par contre, c’était le retour du public et ça a fait énormément de bien. Il y avait eu le Milan juste avant, même si ce n’était pas pareil, car une fois que le championnat débute vraiment, tout devient différent. C’était aussi le premier clean sheet d’une saison où on est resté la meilleure défense… »

Lille 0–4 Nice – 14 août 2021 (J2)

« Notre première victoire. Et on se dit très vite que la saison s’annonce belle… On va sur la pelouse du champion de France, d’ailleurs c’est le match où ils célèbrent le titre avec leur public. On en met 4. On sécurise les 3 points. La saison d’avant, on n’avait pas frappé une fois là-bas.

Ça a sauté aux yeux sur ce match mais l’équipe avait déjà changé, même en préparation. Sauf qu’en prépa’, c’est toujours plus compliqué. Un nouveau coach était arrivé, avec de nouvelles idées dont il fallait s’imprégner très rapidement, en plus de ça des idées qui demandent beaucoup d’efforts physiques. On n’était pas forcément prêts à fournir tous ces efforts au début de l’été. C’est pour ça qu’on n’a pas eu des résultats positifs lors des amicaux. Mais franchement, ça ne m’a pas inquiété, je savais que c’était une période de transition et que ça allait venir. On s’est adapté.

Battre le champion n’est pas forcément significatif. Ce qui l’est, en revanche, c’est le fait d’en mettre 4 et de ne pas prendre de but. Ça veut dire qu’on peut battre les gros du championnat. À la fin du match, c’est dans nos têtes et c’est bon pour la confiance. »

Nice 2–2 Monaco - 19 septembre 2021 (J6)

« Les deux premiers buts qu’on encaisse… Dommage. On n’a pas forcément fait une très grosse première mi-temps, Monaco non plus, par contre ils ont été très réalistes, comme à leur habitude. C’est une équipe comme ça. On rentre en 2ème mi-temps avec l’envie de faire mieux, on y arrive. On accroche le nul, on a l’occasion du 3-2, voire du 4-2 : un pénalty et une autre grosse opportunité derrière pour les enfoncer. On a manqué de réussite. La dynamique du match nous était favorable, on n’a pas su en profiter.

Personnellement, je n’ai jamais douté de Monaco, même quand ils étaient dans le dur. J’ai répété tout au long de la saison qu’on devait faire attention à eux. À un moment ils étaient loin du podium, mais je me disais toujours : « Attention, quand Monaco lance une série de victoires, c’est difficile de les arrêter. » Ça s’est encore vérifié. Si tu regardes bien, c’était comme ça l’an dernier aussi : ils ont envoyé une série de victoires et ont tout remonté. »

Lorient 1-0 Nice – 22 septembre (J7)

« Première défaite. Ce n’est pas une conséquence du derby, parce qu’on fait une très bonne deuxième mi-temps contre Monaco. Face à Lorient, on ne fait pas un mauvais match non plus, on est même plutôt bon, mais on se fait avoir sur un fait de jeu. Il me semble que Justin sort sur blessure, qu’on se retrouve à 10, et qu’ils ont un coup de pied arrêté offensif. On est déséquilibré, on n’a pas la bonne réaction, il y a un décalage sur Monconduit, qui marque sur une super frappe. Derrière, on pousse, on pousse, on a pas mal d’occasions, des coups de pied arrêtés, des corners bien tirés. Sur ce match, on s’en sort mal, on ne marque pas. Je me rappelle que j’étais sorti. Comme on prend des risques, on perd l’équilibre, Lorient pousse aussi en contre. Ils n’arrivent pas à mettre le 2ème… et on rate encore un pénalty. »

Nice 3–2 Lyon - 24 octobre (J11)

« Le premier renversement de situation. Pour moi, Lyon est la meilleure équipe qu’on ait jouée cette saison, aller et retour. Malheureusement pour eux, ils ne sont pas bien classés à cause de leur manque de régularité, mais je le répète : c’est la meilleure équipe qu’on ait affrontée en termes de jeu. 

Sur ce premier match, c’est un gros rapport de force entre eux et nous. On ne se débrouille pas mal, ils se débrouillent très bien. Ils trouvent un décalage sur Toko Ekambi sur du jeu long, il frappe, Walter repousse, et derrière il joue le 2ème ballon en taclant. Le rapport de force continue, les deux équipes sont dans le match, même si on est dominés. On se procure quelques occasions, on arrive à sortir les ballons. En 2ème mi-temps, il y a un une-deux entre Aouar et Paquetà, frappe d’Aouar et but. Break. Là, on se dit que ça va être compliqué, mais on n’a pas le droit de lâcher. On est des compétiteurs, il va falloir arracher un but qui nous délivrerait et nous donnerait une dynamique positive pour aller récupérer au moins un point. Youcef entre, il ramène sa patte, Evann et Alexis aussi. Tout change. On réduit le score et derrière, Kadewere prend un rouge à cause d’une faute inutile sur Melvin… À partir de là, ça devient compliqué pour eux. Ils n’auraient jamais dû jouer à 10 ce match parce qu’ils maîtrisaient.

Youcef… C’est un élément très important de l’effectif, quand il est sur le terrain, on sait qu’à droite, on a une pile électrique qui fera les efforts, défensifs et offensifs, pendant 90 minutes, sans jamais s’arrêter. Il est rentré, il était en feu total. Il en a fait des matchs comme ça… Il fait le même à Rennes, en tant que titulaire. Il a fait du Youcef. Lyon était fatigué, ils ont descendu d’un cran leur bloc car ils étaient à 10. On a su en profiter. »

PSG 0-0 Nice (5-6 tab) – 31 janvier (8ème de finale de Coupe de France)

« C’est une grosse performance de notre part. L’une des plus grosses de la saison selon moi, notamment défensive. Dans le jeu, malgré la domination du PSG, qui domine aussi la L1, on a réussi à produire des choses. On a fait le match qu’il fallait. On arrive à les battre à la roulette des tirs au but. On a su rester costaud et on a eu un très, très grand Marcin. Les tirs au but ? J’y suis allé. J’aime bien. Il ne faut pas avoir peur. Il y avait du monde qui me chambrait pendant le match et sur la séance. Ça me fait rire, pour moi c’est normal. À Paris, ça se passe comme ça, même en jeunes. Il y a toujours un moment dans le match où je vais entendre ce qui se dit en tribune, que ça me concerne ou pas, mais c’est très limité dans le temps. Sur 90 minutes, je suis tellement concentré que je n’entends rien, à part dans ce petit moment où je tends l’oreille, souvent quand le jeu est à l’arrêt.

Pour moi, Paris, c’est quelque chose à part, c’est là où j’ai grandi. Le premier match de foot que j’ai vu, c’est au Parc des Princes : Paris – Lorient, à l’époque des Erding, Kezman, Hoarau, Ceara. Ce n’était pas le Paris d’aujourd’hui, mais c’était Paris. Paris et Barcelone, c’étaient mes deux équipes. J’aime bien jouer contre Paris. »

Nice 4-1 Marseille – 9 février (¼ de finale de Coupe de France)

« Le public est un peu revanchard, nous aussi. Par contre il n’y a aucune animosité, la vie est comme elle est, on ne peut pas remonter le temps. La donne est simple : on veut aller au bout en Coupe de France, donc on doit gagner. On fait l’effort qu’il faut alors qu’on ne démarre pas bien. Melvin marque un csc de la fesse.  Ça ne nous a pas forcément touchés et ça nous a fait du bien d’avoir le public derrière nous. Ils nous ont poussés, poussés. On sort un grand match. Amine fait un grand match, Justin aussi. Nos offensifs sont en forme, je n’avais pas peur, même après leur but. J’avais confiance, je savais que les gars allaient assurer devant. J’avais la sensation que le match ne pouvait pas nous échapper. Marseille ne pouvait pas nous battre chez nous cette saison.

Après ce match, on va à Lyon. Dur. Je le répète : au-delà de la fatigue et de tout ce qui peut suivre, Lyon était la meilleure équipe de la saison. Ils nous mettent un 2-0 et peuvent nous en mettre plus. On ne fait pas le match qu’il faut. Malgré tout, leur premier but est discutable, un pénalty de Moussa Dembele. La main de Justin est discutable, parce qu’il se plaint d’une charge de Lukeba dans le dos. Malgré la Var, l'arbitre siffle. Dembele le rate, mais comme un joueur entre dans la surface, l’arbitre refait tirer une deuxième fois, et là il marque. Dans la foulée, un pénalty pour nous n’est pas sifflé, sur Khephren. Malgré leur domination, malgré notre non-match, on a eu des ressources pour pouvoir faire quelque chose. Les ressources et l’occasion du 1-1 qu’on ne nous a pas donnée. Mais honnêtement, Lyon a complètement dominé et contrôlé le match. »

Nice 2–0 Versailles - 1er mars (1/2 finale de Coupe de France)

« Il n’y avait pas de doute à avoir. À ce moment-là, on est 3ème de L1. Pour moi, ça aurait été une honte qu’une équipe de N2 vienne nous battre chez nous. Il fallait se donner à fond, les prendre au sérieux, comme si on allait jouer Paris ou Marseille. C’est ce qu’on a fait, c’est tout à notre honneur. On ne leur a pas manqué de respect, on ne les a pas pris à la légère. On a joué, on a gagné. Franchement, on n’avait pas peur dans le vestiaire. On a fait le match qu’il fallait. C’est la suite logique. Au vu de notre parcours, ça aurait été idiot de ne pas aller au Stade de France à cause d’un manque d’humilité. 

Derrière Versailles, on bat Paris à la maison. Un très bon souvenir, avec un but salvateur d’Andy. Que demander de plus ? On a mis tous les ingrédients qu’il fallait dans cette semaine : on se qualifie en finale de Coupe de France, on bat Paris chez nous et les 3 points nous permettent de repasser à la 2ème place. »

Nice 0–1 Nantes - le 7 mai (finale de Coupe de France)

« Toute ma vie, j’aurai des remords par rapport à cette finale. On pouvait gagner le titre. Avec le parcours qu’on a, on se dit qu’il est à nous. On fait l’entame qu’il faut. Après cette entame, plus d’une personne se dit qu’on va gagner. Malheureusement, on commence à reculer, à perdre l’équilibre de l’équipe, on ouvre des brèches à Nantes, même en première période, mais mise à part la sortie de Marcin dans les pieds de Ludo Blas, on est assez solides. Ils ne sont pas dangereux. Même en deuxième période, ils ne sont pas trop dangereux. Il y a un pénalty sifflé sur une action litigieuse, on court derrière le score, sans trouver le chemin des filets. On aurait dû le faire bien avant leur but, dès la première période, on a manqué d’efficacité. Cette saison, à chaque fois qu’on marquait, on devenait une équipe compliquée à jouer. À part Lille, je ne pense pas qu’on ait perdu un autre match en menant.

Photo : Arnaud Baumela

Avant la finale, j’étais tellement concentré sur ce qu’on devait faire pour gagner que je n’ai pas fait attention à tout ce qu’il y avait autour. J’étais excité, je voulais jouer, je voulais gagner. J’étais trop concentré pour me laisser perturber. Mais avec le recul, il y avait quand même des choses magnifiques… »

Reims 2-3 Nice – 21 mai 2022 (J38)

« Toute une saison qui se joue sur un match... Avant Reims, il y a de la fatigue mentale, la saison est longue, on a fourni beaucoup d’efforts et malgré tout, on n’est pas maître de notre destin. Savoir qu’on peut gagner et tout perdre, c’est dur, éprouvant, et en plus on se retrouve menés 2-0 à la pause… La victoire est un soulagement, parce qu’elle nous permet d’accrocher une place européenne, ce qui fait énormément de bien. Quand on perd 2-0 à la mi-temps, il y a de la frustration, parce qu’on sait qu’on peut mieux faire, mais on ne panique pas. Au vu de ce qu’on a fait toute la saison, on sait qu’on est capable de retourner ce genre de situation. C’est ce qu’on a fait. 

Personnellement, on m’a mis au courant des résultats avant de revenir sur le terrain. Du coup, ça a m’a boosté encore plus, je me suis dit et on s’est dit que rien n’était joué. D’ailleurs c’est très rare que je pense à la défaite pendant un match. Tout peut se passer sur un terrain, alors j’y ai cru du début à la fin et j’ai bien fait. Ce match résume bien notre saison. On a été une équipe solide mentalement, on aurait pu passer certains caps, notamment au niveau mental, parce qu’on a souvent dû être en difficulté pour sortir la tête de l’eau. On aurait pu se faciliter la vie. Sur le 2-2, j’étais soulagé mais j’avais quand même envie qu’on aille chercher les 3 points. On s’est donné à fond jusqu’à la fin pour accrocher ce 3ème but, synonyme de victoire. Quand on met le 3-2, Morgan, très peu après, me dit que Rennes est en train de perdre. À ce moment, je suis archi-content, c’est pour ça que je suis comme un fou au coup de sifflet final. Pour moi on est 4ème. J’ai vite été déçu parce qu’on m’a dit que Rennes avait égalisé à la dernière minute contre Lille. C’était dur. 

D’un point de vue global, la saison me laisse un goût amer. Je suis persuadé qu’on aurait pu faire beaucoup mieux que ça. En revanche, on ne va pas faire la fine bouche : arracher une place européenne sur cette dernière journée nous a fait un grand bien. Avec du recul, on peut dire que la saison s’est jouée sur plusieurs matchs parce qu’on a perdu beaucoup de points bêtes face à des adversaires qui ne nous étaient pas supérieurs. Il faut que ça nous serve de leçon pour l’avenir.  

Sur un plan personnel, cette saison m’aura fait grandir dans tous les domaines. Je me sens bien, important. J’espère que la saison prochaine sera encore plus belle ! »

 


C.D.