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Qui es-tu, Damien Della Santa ?

Il se décrit lui-même comme « un enfant de la Coupe du Monde 1998, qui vient des poussins C de l’AG Caen ». Une manière, pour Damien Della Santa, d’expliquer qu’il est tombé dans la marmite du football quand il était petit. Depuis, le jeune papa de 32 ans n’en est jamais sorti. Mieux, il en a arpenté tous les recoins. Passé par le monde amateur avant de s’épanouir dans le milieu pro, éducateur depuis l’âge de 14 ans, travailleur acharné, l’homme, qui enseignait également à la FAC d’Amiens, a collaboré avec de nombreux clubs, en France et à l’étranger, avant de s’engager au Gym à temps plein, début janvier. Sa spécialité ? L’étude des phases arrêtées. Sa méthode ? Le développement des compétences « motrices et cognitives ». Son objectif ? Mixer les deux, les inscrire dans un cadre collectif, et en faire profiter le groupe de Christophe Galtier, dont il est désormais un entraîneur-adjoint. Le tout en ayant un regard sur les autres clubs de la galaxie INEOS. Entretien.

Damien, quels sont tes premiers sentiments depuis ton arrivée au club ?
C’est une immense fierté de rejoindre l’OGC Nice. C’est le contexte idéal pour moi, un club ambitieux qui est encore en train de grandir. J’espère grandir en même temps que lui et amener ma pierre à l’édifice. J’ai été très bien accueilli par le coach et son staff. Ils m’ont tous rencontré individuellement et mis à l’aise. Je suis content d’être ici, motivé. Intégrer à temps plein le milieu pro, a fortiori dans un tel projet, c’est un rêve d’enfant qui se réalise. J’ai fait des sacrifices depuis que j’ai commencé dans le foot amateur, j’ai gagné le droit de commencer ma carrière et de disputer ma chance. Car pour moi, quelque chose de nouveau commence aujourd’hui.

Tu intègres le club à temps plein, mais tu as un historique ici…
J’ai travaillé avec le club l’année dernière ! Au début de la saison 2020-21, l’équipe était la pire d’Europe sur les corners défensifs, avec 1 but encaissé tous les 11 corners ! J’ai vu ça et je connaissais Adrian Ursea, donc je lui en ai parlé alors qu’il était adjoint. Quand il a pris les commandes de l’équipe, il m’a demandé de l’aider. J’ai donc travaillé comme consultant, je préparais les matchs avec lui, avec des propositions de solutions et des analyses de l’adversaire. Et surtout, en priorité, on a bossé sur un changement de système défensif.

Le fameux passage de la zone à l’individuel…
Exactement.

Changement payant…
On est passés d’un but tous les 11 corners à 1 but tous les 59. Ce sont des chiffres qui ressemblent à ceux des meilleures équipes d’Europe. Comme le Gym a concédé énormément de corners, il y a eu beaucoup de buts. Si on ne prend que les chiffres, ce n’est pas magique, mais si l’équipe était restée sur le rythme du début de saison, elle aurait, toujours selon les chiffres, pris 21 buts de plus. Julien Fournier (Directeur du Football) m’a dit l’année dernière que si ça marchait bien, il voulait qu’on continue. Quand il a senti qu’il y avait une opportunité, il m’a présenté au staff qui a accepté ma venue. C’est comme ça que ça s’est fait.

« J’ai envie de toucher le haut niveau, d’être jugé, de sentir la pression,»

Damien Della Santa, entraîneur adjoint en charge des phases arrêtées

Te voilà désormais avec le coach Galtier…
C’est impressionnant. J’en suis tellement heureux.

Qu’est-ce que ça change de faire partie d’un staff à temps plein ?
Quand tu es consultant, tu ne gagnes pas les matchs et tu ne les perds pas. Je suis un grand compétiteur, je vis pour ça. J’ai envie de toucher le haut niveau, de gagner des matchs, de perdre, d’avoir des challenges, d’être jugé, de sentir la pression, d’aider un staff et des joueurs à performer dans la durée. Envie d’être sur le terrain, de mettre « les mains dans le moteur ». Être avec les autres, réfléchir ensemble : c’est ce qui me motive.

Même si les résultats s’observeront sur le long terme, te fixes-tu des échéances à court terme ?
La raison veut que l’on juge le travail sur le long terme. Mais dans le haut niveau, le long terme n’existe pas. Il faut être performant dès demain, gagner, ne pas prendre de buts sur phases arrêtées, en marquer. Comme je l’ai dit, je fais aussi ce boulot pour être jugé chaque week-end, même si ce n’est pas parce que l’équipe va marquer que ce sera grâce à moi, et inversement, ce n’est pas parce qu’elle va prendre un but que ce sera à cause de moi. Mon objectif, c’est qu’on sente l’impact de mon travail le plus tôt possible et que le collectif en bénéficie. Si je dois être honnête, j’ai même une priorité qui arrive devant cet objectif.

Laquelle ?
Il faut que je sois à la hauteur des attentes du coach et de la confiance que m'accordent le club et Julien Fournier ! C’est ma priorité absolue, ce que j’ai en tête avant tout. Il y a un très grand coach, un grand staff, moi j’ai tout à prouver. Même si le coach me dit que je ne passe pas un examen, c’est un énorme challenge, j’ai envie d’être à la hauteur. Tout le reste suivra.

Tu disais un peu plus haut connaître Adrian Ursea. Où vous êtes-vous rencontrés ?
Il a fait la même formation que moi en Suisse. Une formation aux préférences motrices et cognitives sur l’approche « ActionTypes ». Cette formation part d’un constat :  toutes les techniques, dans tous les domaines de la société, sont construites à partir des meilleurs. Pour apprendre à tirer les coups francs, on prend exemple sur Juninho et on copie sa méthode. Or, chacun est différent. Cette formation permet de travailler sur cette différence et sur les différences, par un tas de procédés physiques et de techniques, pour aller plus loin dans l’individualisation du travail, même si je préfère employer le terme d’individuation.

Pourquoi ?
Parce qu’on reproche déjà l’individualisme au sport, alors que l’individuation, c’est le rapport de l’individu dans son milieu et son environnement. Les deux agissent ensemble, ce qui me convient bien mieux ! La prise en compte de l’individu lui permet d’aller plus loin. Beaucoup plus loin. Si on transpose cette méthode au football, elle ouvre de nombreux horizons, s’applique à de nombreux domaines. L’un de ces domaines, ce sont les phases arrêtées.  

« Aujourd’hui, 1 but sur 3 est marqué sur coup de pied arrêté, dans toutes les compétitions »

Damien Della Santa

 

D’une manière pratique, comment les travaille-t-on ?
De plusieurs façons. On peut d’abord travailler avec les frappeurs, pour trouver les critères de réalisation qui leur conviennent, comme la course d’élan optimale. Leur course d’élan, qu’on identifie et qu’on leur fait répéter, répéter, et répéter encore. Il y a aussi le travail avec les « receveurs » : la recherche de tout ce qui les rend à l’aise, de leur type de départ le plus fort, de leur angle préféré… Bref, tout ce qui permet d’optimiser les choses, au cas par cas. Aujourd’hui, 1 but sur 3 est marqué sur coup de pied arrêté, dans toutes les compétitions. C’est important. Mais les joueurs n’aiment pas ça. Il n’y a pas le temps. C’est redondant. Donc il faut trouver des méthodes pour aller plus loin, des procédés pédagogiques pour que ça leur plaise, quelque chose qui s’articule avec les envies du coach et avec le fonctionnement de l’ensemble du staff. C’est ce qu’a suscité ma venue ici.

Et comment travaille-t-on les touches ?
De la même manière. Il y a déjà le lanceur qui est important. Ça peut paraître bête mais ça ne l’est pas. Des touches, il y en a 40 par match, 20 par équipe. C’est une des phases de jeu les plus présentes et ce n’est pas celle que l’on travaille en priorité. Donc déjà, il faut intégrer de la technique, travailler la coordination avec les receveurs, construire des options pour que les joueurs puissent conserver, avancer, se créer des occasions en fonction des zones, ou au contraire récupérer le ballon. Aujourd’hui, les stats, c’est que tu perds le ballon une fois sur deux quand tu as une touche dans les mains. Si on arrive à améliorer un peu ça, ce sera positif.

Comment intégrer les phases arrêtées au planning de travail de l’équipe ?
Je fais de diagnostics et je propose un plan de travail au staff. Ensuite le coach valide ou ne valide pas, il prend ce qui l’intéresse. Comme tous les adjoints, l’idée, c’est de prendre l’espace que le coach donne. Mais l’un des principes de ma méthode, c’est de diviser le travail des systèmes de coups de pied arrêtés en sous-systèmes.

C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que pour optimiser le temps qui me sera donné, et pour qu’il n’empiète pas sur le travail de l’ensemble du groupe, on va identifier les axes de développement, créer des ateliers pour les améliorer, et bosser par petits groupes. Par exemple ceux qui vont frapper, ceux qui vont être amenés à recevoir, ceux qui sont au deuxième ballon. Je suis convaincu que les combinaisons, c’est fini. Aujourd’hui, il y a des analystes de partout, qui passent leur temps à décortiquer les matchs. Les joueurs ont des milliers d’informations. Tu ne peux pas leur donner 5 combinaisons en plus. Par contre, je pense qu’il faut mettre à disposition des outils, construire des repères communs, pour qu’ils puissent trouver des solutions et s’approprier les phases arrêtées comme ils s’approprient le plan et les principes de jeu, parce qu’à la fin, ce sont eux qui sont jugés. On n’y est pas encore, mais c’est ce qu’on veut mettre en place sur le long terme, au Gym comme dans les équipes d’INEOS.

 


Propos recueillis par C.Djivas