Entretien

Jean-Philippe Mattio : « Le Gym, toute ma vie »

Tout a commencé « un matin de 1975 ». Le tout jeune Jean-Philippe gribouille sa première licence. Un carton qui le lie au seul club dont il ait porté les couleurs à ce jour. Plus de 300 matchs officiels au compteur, le défenseur s'est retiré des terrains en 1998. Membre de la cellule de recrutement depuis sept ans, il est également entraîneur adjoint de la CFA depuis cette saison.

Jean-Philippe, l'OGC Nice a disputé à Marseille le 2000e match en Ligue 1 de son histoire. L'histoire est belle...
Ma génération a malheureusement eu tendance à faire l'ascenseur. Il n'y avait aucune continuité. On passait 2-3 saisons en D1, on descendait, on remontait... Et depuis quelques saisons, le Gym a grandi, évolué. On trouve une stabilité. Le club fait parler de lui en bien.

Egalement parce que pendant tant d'années, il a mangé son pain noir...
Si la bande de jeunes Niçois avait lâché à l'époque, peut-être qu'on ne parlerait pas de cette 2000e, c'est vrai. Peut-être qu'il n'y aurait plus de club. Certes, nous avons encore flirté avec la relégation il y a quelques saisons. Mais nous sommes restés en Ligue 1, et c'est ce qui compte. Nous continuons de bâtir sur des bases toujours plus solides.

Claude Puel estime que la période actuelle est compliquée mais formatrice...
Je soutiens cette idée. L'an dernier, tout nous réussissait. Cette saison, on essuie quelques pépins au niveau des joueurs. Les frappes qui tapaient le poteau rentrant la saison dernière ressortent. Mais on ne peut que sortir grandi de cette expérience. Ce très jeune groupe va mûrir. Des belles années nous attendent. Sincèrement, j'y crois.

En célébrant ton 49e anniversaire la semaine dernière, tu as pu vérifier que ta cote de popularité reste intacte...
Popularité, c'est un bien grand mot (rires) ! Je suis resté discret mais certaines personnes du club ont rédigé un petit mot et posté ma photo sur les réseaux sociaux. On m'a montré quelques commentaires, dont un qui m'a marqué. Celui d'une dame qui disait que je n'étais pas un grand joueur, mais que je mouillais le maillot. C'est tout à fait ça...

En septembre dernier, les Niçois t'ont élu parmi le onze de légende de l'histoire du Ray...
Tu m'en parles et la chair de poule me vient. Moi le petit enfant des Eucalyptus qui me retrouve parmi cette équipe, c'est une immense joie. Une fierté. Je la dédie à celui qui a tout fait pour moi pendant des années : mon père.

Au premier rang, de gauche à droite : Loubet, Rool, Cobos, Langers.
Debouts : Gonzalez, H.Lloris (représenté par Gautier), Mattio, Djelmas, Bjekovic, R.Jouve.
Absent sur la photo : D.Bravo.

Ton avis sur la photo d'équipe ?
Je passe devant chaque matin, puisqu'elle est affichée au siège du club. Je me dis qu'elle est belle, mais que de nombreux autres joueurs auraient pu y figurer encore. Je pense à Jean-Noël Huck, Francis Isnard, Dick van Dijk, Dominique Baratelli... Et tant d'autres très grands joueurs qui ont marqué ma jeunesse.

La Der' du Ray ?
C'était émouvant. Retrouver tous ces gens qui ont bercé mon enfance, fouler la pelouse avec eux... C'était magnifique. Je suis un enfant du Ray. Et si je n'étais pas fan de l'Allianz Riviera à l'origine, quand je le vois aujourd'hui, je reconnais que c'est quand même quelque chose. Une magnifique enceinte, une nouvelle dimension.

« Il faut vivre avec son époque »

Le Gym pour toi ?
C'est toute ma vie. Je n'ai connu que ce club. J'ai débarqué un matin de 1975 sur le parking Charles-Ehrmann et j'ai labouré chacun des terrains du Parc des Sports. Ce maillot, je peux t'en parler. Mais ce que j'ai au fond reste difficile à exprimer. Mon sang coulera toujours rouge et noir.

Tu es pris d'un amour du maillot qui fait aujourd'hui débat dans le football moderne...
Mais je n'aime pas juger. Chaque époque est différente. Il y a un nouveau système, des enjeux, de l'argent. Si j'étais en activité aujourd'hui, peut-être que j’agirais différemment. Comparer avec l'ancien temps, ce n'est pas mon truc. Aujourd'hui, il existe certaines données. Peut-être qu'elles changeront encore dans le futur. Et telles qu'elles soient, il faut vivre avec son époque.

Peut-on encore passer toute sa carrière dans un club ?
Ça me paraît compliqué. L'aspect financier a pris tellement d'importance... Je suis persuadé de la sincérité d'Alexy Bosetti lorsqu'il dit vouloir faire toute sa carrière ici. Mais on ne sait pas de quoi demain sera fait. S'il vient à moins jouer ou si au contraire il explose, il sera compliqué pour lui de réaliser une carrière entière à Nice. Mais je le lui souhaite.

« Claude Puel, une chance pour nos jeunes »

Que penses-tu de la relève niçoise ?
Elle a aujourd'hui une chance immense : Claude Puel. Un entraîneur qui ne doute de rien, qui n'a pas peur de les lancer. Avec Manu Pires, les jeunes Niçois ont aussi l'un des meilleurs formateurs. Donc à eux de montrer les dents. Chaque jour de la semaine, chaque minute du moindre match qu'ils seront amenés à disputer.

L'OGC Nice a aujourd'hui une réputation joueuse...
Le projet du club s'inspire de celui du Barça. Dès tout petit, on demande à nos catégories de jouer au football, de repartir de derrière. Quitte à prendre des risques, parfois. Des petits aux grands, le projet est le même. Pour que demain, les gamins qui sont lancés chez les pros aient un temps d'adaptation le plus court possible.

Tu parles des joueurs qui t'ont marqué, mais à quoi ressemble le joueur qui, dans le futur, te fera rêver ?
Ce sera un joueur qui ne triche pas. Qu'il soit moyen, bon, technique ou pas, qu'il ait des temps forts ou faibles... Qu'il ne lâche jamais rien. Le football est une fantastique bulle. Tu peux avoir des hauts, des bas, des problèmes. Mais dans cette bulle, pendant 90 minutes, tu dois tout donner. Sans tricher, sans peur, sans semblant.

Y.F.