Supporters

Mémoire 2.0

Pendant le confinement, un groupe Facebook a pris de plus en plus d’ampleur : OGC Nice Histoire. Géré et animé par Serge Gloumeaud, auteur de plusieurs ouvrages sur le club, il a permis à de nombreux passionnés de partager en ligne des morceaux du patrimoine rouge et noir. L’histoire – la petite – retiendra que le temps et sa relativité leur ont permis de se mettre en mouvement au moment où tout s’est arrêté, tourné vers l’avenir en piochant dans le passé. Le leur et celui de la collectivité. Mémoire 2.0.

Serge, depuis quand existe le groupe OGC Nice Histoire?
Je l’ai lancé en 2013 mais il était un peu en sommeil parce que j’avais pas mal d’autres choses à côté. Avec le confinement, j’ai un peu fouillé chez moi. Dans le cadre de la préparation de deux de mes livres, le Ray et un club dans la ville, j’avais fait beaucoup de recherches dans les archives municipales et départementales, donc j’avais de la « matière » à disposition. Je me suis dit que c’était bien de la partager.

Et vous avez été rapidement suivi...
C’est ça. J’ai pensé qu’il devait y avoir un tas de choses dans les caves des supporters. Je ne me suis pas trompé : certains ont des archives incroyables. Eux aussi ont profité du confinement pour aller chercher leurs souvenirs. Il y a des documents et des objets rares, très rares même. C’était bien de remuer tout ça dans ce groupe qui a attiré un public particulier : essentiellement des gens de 30, 40 ans et au-delà. Mon but, ce n’est pas qu’on soit 15 000 mais que nos échanges soient intéressants.

Quelles différences y a-t-il avec les autres plateformes d’échange entre les supporters, comme le Forum ?
Le Forum, ça fait un moment que je n’y vais plus. C’est souvent très négatif. D’une manière générale, c’est plus un lieu pour ceux qui veulent débattre, ce n’est pas forcément ce que je recherche. Sur Facebook, la particularité, c’est qu’il y a moins de jeunes. Et la seule chose que je souhaite, c’est qu’il y ait une atmosphère positive dans ce groupe. Qu’il soit un endroit agréable où l’on puisse parler du bon vieux temps, même si certains souvenirs ne deviennent beaux qu’avec les années.

Il existe aussi un certain a priori vis à vis de la qualité des échanges sur les réseaux sociaux...
Je ne suis pas un grand fan des réseaux sociaux. Mais quand je vois les efforts de tous les membres pour retrouver des archives, je dois dire que ça m’a réconcilié avec certaines mentalités. A tel point que je suis devenu accro à ce groupe. On doit être en 1500 et 1600. Certains anciens sont archi-pointus, dès que je poste quelque chose, dans le quart d’heure, ils sont capables de me dire de tête le match, la saison, la journée… Nous sommes entre passionnés, on essaie de cultiver ça, pas uniquement des souvenirs. Chaque fois qu’il y a une information, on tente de la factualiser, de la structurer et si possible d’apporter des anecdotes autour. L’objectif, c’est de publier des choses qu’on ne retrouve pas ailleurs et, surtout, de le faire dans une atmosphère positive.

« La vedette de ce groupe, c’est le club, pas les supporters »

Vous attendiez-vous à ce que des gens connus vous rejoignent ? 
Pas du tout, ça m’a surpris. Il y a même d’anciens joueurs ! Certains ne font que passer car on a parlé d’eux dans une publication, comme Barraja, Bocchi ou Valencony, qui a réagi après une photo de l’avant-dernier tir au but qu’il a arrêté en finale de la Coupe de France 1997.


D’autres sont bien plus actifs : Bruzzichessi et Bati Gentili publient leurs propres photos et échangent avec les supporters. Ça permet d’avoir « l’info à la source » et toutes les explications qui l’accompagnent. Encore une fois, je suis très attentif à ce que ce soit quelque chose de bienveillant. Globalement, il y a peu de messages négatifs, et s’il y en a, je les enlève. C’est pour ça que les joueurs viennent sur le groupe. Certains s’y retrouvent alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis des décennies. La vedette du groupe, c’est le club, son histoire, l’équipe, les joueurs. Pas les supporters.


Il y a même le fils de Numa Andoire ! 
Oui, que je connaissais pas du tout. Il y a aussi le petit-fils de Serge Pedini, grand joueur des années 50. Il partage un tas de souvenirs de son grand-père. Il y a beaucoup des familles d’anciens et ce qui me plaît, c’est que ces familles publient des photos mal prises, on voit vraiment que ce sont des vraies qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Un a publié la revue Miroir Sprint avec l’équipe qui a gagné la Coupe de France… et le trophée de l’époque.

Avez-vous été surpris par quelques publications ? 
Complètement. Une vidéo m’a sidéré : elle montre le stade du Ray, à la fin des années 20, quelques années après sa création. Je crois que le match est France-Suisse. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est aussi ce qu’il y a autour du stade, le quartier. L’oncle d’un membre a également publié une photo impressionnante du trophée du jeune footballeur, avec le Ray derrière. On a aussi retrouvé l’équipe féminine du Gym des années 70…

La surprise Arlette

Comment ? 
Grâce à un message d’Arlette, qui jouait ailier droit dans cette équipe, en 1973-74. Un jour elle publie une photo… Personne ne savait qu’il y avait une équipe féminine, donc j’ai fait une interview d’Arlette (à consulter en cliquant sur ce lien), où elle me raconte comment ça se passait, où elle me donne plein d’anecdotes super. Arlette s’est mariée avec un jeune du centre de formation de l’époque. Sur la photo, tu vois l’équipe féminine avec le maillot JVC, qu’avaient l’habitude de porter Katalinski et les autres. C’était un sacré moment. D’ailleurs Arlette a retrouvé d’anciennes joueuses grâce à ce groupe.

Faites-vous beaucoup d’interviews ? 
Non, parce que ça prend du temps. J’ai fait Bruzzichessi, Gentili, Arlette et Jean-Marc Michel, qui est un peu un mythe pour notre génération C’est le symbole des années 80 du Gym, où les images étaient rares et où on attendait ses commentaires le lendemain du match pour savoir ce qui s’était passé. Il nous a raconté comment il vivait ça (à lire ici). C’était une autre époque.

Y a-t-il une pièce que vous cherchez à tout prix ?
Je ne cherche rien en particulier. Pour moi, c’est toujours une bonne surprise quand on m’envoie un message et qu’il est en attente publication. A chaque fois, je me demande ce qui va apparaître, c’est un moment magique. Dès que j’ai une photo ou un objet qui sort de l’ordinaire, je le partage. En France, on n’a pas la même culture de l’histoire qu’en Angleterre, en Italie ou en Espagne. Mon but, modeste, est de faire ressortir souvenirs et images pour prouver qu’aujourd’hui, nous, supporters, nous sommes les héritiers de tout ça.

Comment accorder le passé au présent ?
Pour moi, l’OGC Nice, ce n’est pas seulement le stade, c’est une histoire. On peut inculquer cet état d’esprit en faisant ressortir les choses de cette histoire, pour que personne n’oublie, ni les anciens, ni les jeunes. Il faut avoir cette culture de la mémoire, des souvenirs. Certains disent qu’on est des nostalgiques, qu’il faut penser au présent. C’est vrai, d’autant que le présent, c’est aussi la mémoire de demain. Donc il faut la soigner et bien penser à garder des choses, journaux, maillots, objets, pour constituer un patrimoine.

Enfin quel est votre regard sur les actions menées par le Gym avec les anciens Aiglons ?
Ça va dans le bon sens, tout comme les vidéos historiques que le club diffuse sur les réseaux sociaux et qui se rapprochent de ce que font les Anglais. Je vais souvent au Café des Aiglons avant les matchs, c’est un très bon moyen de parler avec les anciens. Ça maintient leur investissement et leur lien avec le Gym. Après, ce serait bien qu’il y ait encore plus de monde pour les accueillir. C’est déjà le cas pour certains – je pense notamment à Djelmas -, mais si ça pouvait être pareil tout le temps, ce serait très bien. Petit à petit, tous les événements mis en place par le club participent à ce que je décrivais plus tôt. Être supporter, ce n’est pas seulement 90 minutes. Nous sommes tous les garants d’une longue histoire et c’est à nous, ensemble, de la faire vivre et de la préserver. 

Propos recueillis par C.D.

* Une heure et demie avant chaque rencontre du Gym à l'Allianz Riviera, un ancien participe au rendez-vous "Raconte moi" au Café des Aiglons. Il passe ainsi un agréable moment avec les supporters, puis se rend sur la pelouse de l'Allianz Riviera, où il reçoit le trophée des Anciens Aiglons au centre de la pelouse. 

CONTRIBUEZ AU Café des Aiglons

Inauguré en 2014, le Café des Aiglons, situé dans le Musée National du Sport, est le temple de la culture rouge et noir. Pour que ce temple soit vivant, les collections sont renouvelées régulièrement, grâce à la générosité des collectionneurs, des supporters et des Anciens Aiglons, qui n'hésitent pas à prêter ou faire don de différents objets pour contribuer au dynamisme du lieu. 

Si vous voulez participer à cette belle aventure, grâce à des pièces inédites qui raviront les amoureux du Gym, veuillez contacter l'adresse suivante : 

► mongymmafamille@ogcnice.com