Interview

Stéphane Guy lance le match

Promis, on ne voulait pas s'éparpiller en interviewant Stéphane Guy. L'objectif était de se concentrer sur le Rennes – Nice que le journaliste de Canal + s'apprête à commenter ce soir, en compagnie d'Eric Carrière (coup d'envoi 21h). Et puis. Et puis... Et puis la tentation de glisser sur d'autres terrains s'est faite trop forte. Nous y avons succombé avec délice. La 10e journée de L1 a occupé une place massive dans les esprits, évidemment. Mais la passion contagieuse du présentateur de J+1 a pris les devants, emportant les structures sur son passage. Cassant les lignes, « shakant le tout », et accouchant d'un entretien aux 1000 saveurs.

Stéphane, pour commencer simplement : c'est quoi l'esprit J + 1 ?
C'est une façon de traiter le football sérieusement sans se prendre au sérieux. Je suis comme tous les passionnés, j'ai l'impression que le ballon est plus important que la vie ou la mort... Pourtant ça ne reste qu'une bagatelle si on y réfléchit bien, un plaisir. Même si ce plaisir est fou.

Comment expliquez-vous le succès de l'émission ?
On s'attache à respecter une règle d'or : prendre du plaisir. Si tu prends du plaisir et que tu crois en ce que tu fais, forcément, ça marche. Mais une chose reste importante, que l'on fasse des reportages, des éditos, des analyses, des séquence décalées : tout ce qui est réalisé l'est avec bienveillance, de la part de véritables passionnés. Je pense que les joueurs le sentent, c'est pour cela qu'ils prennent du plaisir aussi.

La L1 avait-elle besoin de se faire secouer par de la nouveauté pour se renouveler ?
Je crois. Nous étions quelques-uns à être convaincus qu'il fallait faire cette émission. La raison demeure assez simple : il y a beaucoup de programmes de débats autour du foot. Un genre d'émission où Canal a d'ailleurs été un précurseur il y a bien des années. Nous pensions que nous étions arrivés au bout de ce genre. Pour proposer quelques chose de différent, on s'est dit qu'on avait une chance incroyable : celle de pouvoir utiliser toutes les images des rencontres à partir du lundi. Pas seulement les matchs, mais toutes les images. Une matière phénoménale à exploiter...

Quel est le joueur qui symbolise le plus l'esprit J + 1 en France ?
Il y a eu plus de 75 invités, dont les 2/3 ont vraiment dégagé quelque chose, donc ce serait difficile de n'en citer qu'un seul. On s'aperçoit que certains vrais bons personnages ne sont pas forcément les plus médiatisés. J'ai pris, par exemple, un plaisir incroyable en recevant un garçon comme Yohan Mollo, ou encore dernièrement Prince Oniangue, avec qui l'émission était lunaire...

A Nice ?
Nous avons reçu pas mal de Niçois. Le président Rivère a été l'un de nos premiers invités, cela s'était très bien déroulé. Il y a aussi Alexy Bosetti, un bon personnage, ou Valère Germain que nous avons reçu alors qu'il était à Monaco. Aucun ne nous a déçus. Actuellement, je pense qu'un garçon comme Hatem Ben Arfa pourrait raconter une belle histoire. Pour l'avoir côtoyé en Angleterre, je sais qu'il a suffisamment de richesse intérieure pour rendre un entretien profondément intéressant.

Si vous deviez faire un édito avant le déplacement du Gym à Rennes, quelle en serait la teneur ?
(Moment de réflexion). D'habitude, je fais des éditos post-matchs, c'est plus mon rôle. Pourtant, j'ai bien quelque chose en tête. Je me dis qu'il y a deux soucis dans le foot : les clubs qui ont trop d'argent et ceux qui n'en ont pas assez. Les premiers peuvent faire des bêtises, les seconds apparaissent obligés de travailler différemment pour avoir des résultats. Des joueurs partent, d'autres s'engouffrent, des opportunités se créent. La politique ubuesque de Monaco permet à Valère Germain de montrer son vrai visage. Le « n'importe quoi » de la Premier League offre à la L1 le bonheur de voir revenir Hatem Ben Arfa ; ou permet à Toivonen de partir et d'être remplacé par le très bon Giovanni Sio. Du coup, ça prête à réflexion...

Le mérite pourrait-il en revenir au fameux « entraîneur français », ce personnage que vous mettez régulièrement en lumière ?
Je vois la valeur des entraîneurs français. Il y a une école. Ce sont des garçons travailleurs, rigoureux, qui ne font pas d'esbroufe. Ils se trouvent souvent critiqués parce qu'il est dit que les équipes manquent de talent, mais on voit ce qu'ils peuvent faire quand ils en ont. Il n'y a pas à regarder bien loin, quand on observe ce que fait Claude Puel avec Nice. C'est quelqu'un qui a fait ses preuves partout, qui a de l'expérience et qui fait partie des « top coachs » français.

Claude Puel – Philippe Montanier, ce sera le match dans le match dimanche soir ?
Bien sûr, même si je connais moins Philippe Montanier. D'ailleurs, pour l'instant, on ne retrouve pas encore à Rennes la patte spectaculaire qu'il mettait à la Sociedad. Même si je suis très curieux de voir ce que cette équipe donnera quand « son quatuor de fou » de devant pourra être aligné ensemble. Quand Gourcuff sera revenu, que Ntep prendra le couloir gauche, Quintero le droit, et Sio la pointe...

On voit beaucoup de lyrisme dans vos commentaires, ce qui transporte les gens. Pour vous, le football, c'est aussi de la poésie ?
Je ne sais pas si c'est de la poésie. Par contre, ce dont je suis sûr, c'est que c'est de la passion. Je suis un dingue de foot, et je considère que c'est le moindre des respects quand on commente. On se doit de véhiculer du plaisir, même si des fois, il arrive de commenter des purges. Quand c'est le cas, je n'hésite d'ailleurs pas à le dire non plus.

Que se cache-t-il derrière le fameux « football circus » ?
Bonne question. Je crois que chacun peut le définir comme il le souhaite...

Et vous, comment le définissez-vous ?
Je me dis que je suis capable de me réveiller un matin en voyant qu'un joueur a été mis en garde-à-vue pour une affaire de chantage. Que des soucis financiers secouent le président de l'UEFA. Tout le monde voit le foot différemment. Pour certains, c'est un loisir, pour d'autres une passion, un métier, un gagne-pain, un business... Tout le monde cohabite. L'avénement des réseaux sociaux donne une dimension encore plus spectaculaire à l'ensemble. Du coup, le foot devient le casino, avec le tapis vert de tous les côtés.

Qu'est-ce qui varie dans la conception qu'en ont les Anglais ?
Ils sont plus passionnés que nous. Sans avoir les chiffres exacts, je crois qu'1/3 des Français ont déclaré être passionnés par le ballon, contre la moitié des Anglais. Ils gardent aussi une façon plus festive d'appréhender une défaite que nous, qui avons une manière plus dramatique de vivre ce sport. Par ailleurs, même si le foot anglais s'est occidentalisé, les équipes jouent avant tout pour aller chercher la victoire. Ce qui peut ne pas être le cas en France.

Ce qui est le cas à Nice...
Tout à fait. Le Gym est une équipe excitante. Je pense d'ailleurs que jouer le dimanche soir sur Canal +, à 21h, est une formidable occasion de se montrer, même si les joueurs ne peuvent pas préparer leur match en fonction de l'exposition. La belle victoire acquise à St-Etienne a été décuplée par son exposition. Tant mieux. Il faut avouer que ceux qui ne voient pas Nice tous les week-ends, qui ont quitté l'équipe l'année dernière et l'ont reprise à Geoffroy-Guichard, ne doivent pas trop avoir compris ce qui s'est passé. C'est très positif. Maintenant, j'espère qu'on va se régaler et que les deux équipes vont donner une belle image.

Propos recueillis par Constantin Djivas (Photos Daniel Bardou)