Interview

A. Ruiz : « Une forte identité à Nice »

Samedi soir, le derby face à Bastia sera comme la majorité des matchs de l'OGC Nice retransmis sur les antennes de beIN Sports. En plateau ou aux quatre coins de l'Europe, Alexandre Ruiz est incontestablement l'homme fort du football de la chaîne sportive. Celui qui anime, oriente et éclaire le jeu. Placé au coeur de débats, sous les projecteurs, le journaliste franco-espagnol a accepté, pour OGCNICE.COM, de passer en revue l'actualité du moment. Avec distance et discernement. Le Gym, la perception nationale d'un duel face à Bastia, la notion de derby, la Ligue 1... celui-ci répond à tout, n'élude rien. Et enrobe ses réponses d'un savant mélange de panache et de précision.

Alexandre, quand on prononce le mot derby, qu'est-ce qui vous vient spontanément à l'esprit ?
Des matches chauds, qui déchaînent les passions et déplacent les masses. De par ma double culture, je pense instinctivement au duel entre le Real Madrid et l'Atlético, que j'ai d'abord vécu comme supporter avant de le suivre en tant que professionnel des médias. Ce sont des matches à part, comme il en existe peu. En France, le Nice-Monaco possède cette dimension, avec les déplacements particuliers dictés par la volonté « d'aller occuper » la terre du voisin et de l'emporter. Ce duel-là possède un véritable écho national.

Quid de la confrontation entre Nice et Bastia ?
Je pense qu'il ne répond pas à la même logique. Pour moi, un derby porte en lui la notion « de guerre de clochers », une notion que l'on peut retrouver dans les Nice-Monaco, mais pas face à Bastia...

Ce match est pourtant particulièrement attendu dans les deux villes concernées. Comment cette affiche est-elle perçue au niveau national ?
Certes, il y a une grande rivalité entre le Gym et le Sporting, qui peut s'expliquer par la proximité géographique et certaines interactions entre les populations, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit perceptible au-delà des gens qui partagent ces moments-là, où au-delà du milieu du foot. Les passionnés la connaissent, mais je n'ai pas la certitude qu'un Bastia-Nice soit considéré comme un « derby » à proprement dit par le grand public et le reste de la France.

Ce qui peut expliquer que la rencontre n'a pas été choisie pour être en "prime-time" sur les télévisions ?
Au niveau de la programmation, le choix n'est pas unilatéral, mais résulte au contraire d'une discussion avec l'ensemble des clubs lors de l'établissement du calendrier. Peut-être qu'il y aurait un travail à effectuer pour exposer au grand jour l'histoire de cette confrontation, la manière dont elle est perçue dans les deux villes et tout ce qu'il y a autour.

«  Je voyais le Ray comme une forteresse »

L'OGC Nice fête cette année ses 110 ans. Avant de pénétrer dans l'arène médiatique, lorsque vous étiez juste un jeune passionné, quel regard portiez-vous sur le club rouge et noir ?
Nice est un club qui relaie vraiment la notion de ferveur. Petit, je voyais le Ray comme une forteresse, un bastion. En France, il y a également un grand engouement derrière Marseille ou Lens (entre autres), mais Nice renvoie l'image d'une structure plus petite avec une plus forte identité. Il n'y a plus beaucoup de clubs qui possèdent encore cet accent, le Gym a su le conserver.

Et actuellement, comment jugez-vous le parcours niçois ?
Cette saison, je pense que l'équipe manque un peu de constance et de maturité, ce qui peut entraîner une certaine frustration. En début d'année, le groupe a su gommer les carences des derniers matches de 2014, ce qui lui a permis de repartir de l'avant. Malheureusement, la période actuelle est un peu plus compliquée, mais peut également s'expliquer par différents facteurs. Des cadres ont connu ou connaissent encore des blessures, une incertitude a régné autour du mercato hivernal avec l'épisode Ben Arfa... C'est dommage, parce que l'équipe aurait pu avoir 5 ou 6 points en plus et être installée plus confortablement au classement.

A part Papy Mendy, qui est déjà venu vous voir dans l'émission que vous animez « le Club », quels sont les joueurs qui vous plaisent dans l'équipe actuelle ?
Mathieu Bodmer est quelqu'un que j'apprécie particulièrement, car j'ai l'occasion de le côtoyer sous d'autres prismes que le football. « Souley' » Diawara garde toujours une belle capacité de liant et incarne un excellent relais dans le groupe. J'aime beaucoup Bauthéac pour sa folie et ses facilités techniques, ou encore Eduardo pour son côté combatif...
Je trouve globalement le groupe très complémentaire.

D'une manière plus générale, quel regard portez-vous sur notre championnat ?
J'aime bien notre L1, parce que c'est l'un des rares championnats en Europe où il y a encore du suspense, en haut et en bas de tableau. Il possède une dimension de feuilleton que l'on peut aussi retrouver en Liga, par exemple, un grain de folie supplémentaire qui tient en haleine jusqu'au dénouement final.

Comprenez-vous le jugement « un peu dur » qui peut s'abattre de temps à autres sur lui ?
Je peux le comprendre. Mais il faut également se rappeler de la santé économique du football français. Même s'il peut y avoir un décalage par rapport à certaines stars évoluant dans d'autres championnats, le foot français n'est pas à blâmer, car il travaille dans les règles. Si un jour, le fair-play financier réussit à mettre tout le monde à égalité, il possèdera même un temps d'avance...

Vous avez connu de nombreuses compétitions lors de votre parcours. L2, L1, Espagne, Coupe du Monde, Ligue des Champions... Est-ce que vous prenez autant de plaisir pour chaque match ?
Je prends toujours autant de plaisir à m'accomplir par ma voie professionnelle. Que ce soit un match de L2 ou de Coupe du monde, je l'aborde toujours avec le même engouement, la même envie de commenter, même s'il y a évidemment des compétitions plus prestigieuses. A côté de la passion, je considère également que le foot est un bon indicateur de ce qu'il peut se passer dans la société, dénonce ses maux, souligne ses bienfaits. Toutes les couches sociales se mélangent dans un stade, et je trouve toujours cela particulièrement intéressant. Le jour où je n'aurai plus ce peps, je crois qu'il faudra que je me pose des questions.

C.D.