Portrait

Sur les traces de Pablo Rosario...

Il est la sensation du début de saison du Gym. Une sensation au visage dur, au jeu rugueux, au souffle long. Sobre, efficace, Pablo Rosario s’est engagé à Nice pour être l’un des patrons du vestiaire. En 4 matchs de L1, son emprise a poussé les murs pour quadriller le terrain. A 24 ans, l’ancien du PSV fait partie des joueurs que les Néerlandais surnomment « les aspirateurs », dans un glorieux hommage au monde moderne. Avant le derby face à Monaco, on a voulu savoir ce que cachait le parcours de celui qui attire les ballons et les nettoie, pour faire briller le collectif rouge et noir.

Il est aussi travailleur sur le terrain que discret en dehors. Alors pour le mettre complètement à l’aise, on a laissé les autres parler pour lui. Ceux qui le côtoient, l’ont affronté, l’observent et l’ont observé. Ceux qui, au coeur des années 2000, voient un gamin du quartier de Westerpark, à l’ouest d’Amsterdam, rayonner sur le terrain, dans un style qui est déjà à lui mais qui n’est pas tout à fait le sien… « La première fois qu’on a joué l’un contre l’autre, on avait 10 ans », rembobine Calvin Stengs, autre international batave du Gym, de deux ans son cadet. « Mais à l’époque, il jouait ailier droit ou n°10, à la Ronaldinho. Il dribblait, percutait. Il était très différent de ce qu’il est aujourd’hui, un milieu défensif très costaud. Il est toujours créatif, mais son rôle n’est plus le même. C’est drôle de repenser à cette époque si on la compare à maintenant… » 

A cette époque, déjà, Cristian Pablo Paulino Rosario ne laisse personne indifférent. Mais contrairement à son actuel coéquipier, qui a franchi toutes les étapes au sein de l’AZ Alkmaar, sa trajectoire n’est pas rectiligne. Son évolution non plus. Elle accompagne chaque pas en arrière d’un bond en avant, avec, en toile de fond, un mental de combattant. Adolescent, Pablo débute dans un club amateur d’Amsterdam : Swift AVV Formation. Très vite, il est repéré par Feyenoord. Repéré et convaincu. L’expérience ne s’inscrit pas dans le temps, puisqu’après quelques mois et suite à un problème lié à ses déplacements, le gamin arrête de parcourir les 60 kilomètres qui le séparent de Rotterdam et se facilite la vie en retrouvant un club amateur amstellodamois : DWS. Un choix qui lui va bien. Tellement bien que l’Ajax, Feyenoord (encore) et le PSV (déjà) ne tardent pas à lui manifester de l’intérêt. Membre d’une grande fratrie – il compte 3 frères et 4 sœurs -, Pablo opte pour l’Ajax, dont il intègre les U13.


« Il mettait déjà tout son coeur sur le terrain »


Au sein de l’une des plus grandes académies du monde, la concurrence s’avère immense. Sutout au sein d’une cuvée 1997 qui compte notamment en son sein les étoiles Van de Beek (qui inscrira deux buts au Gym lors d'un Q3 de Ligue des Champions remporté par les Aiglons, en 2017...) et Nouri.

Michel Kreek (photo ci-dessus) dirige les U13, puis les U15 de l’Ajax à l’époque, en suivant cette génération. Et se souvient, des années après, d’un Pablo entre deux âges et entre deux eaux. « Il jouait plus offensif quand il était jeune mais il pouvait déjà être aligné à tous les postes. En U15, il y avait beaucoup, beaucoup de talents dans l’équipe. Lui n’était pas un joueur qui attirait l’attention, car il faisait très bien toutes les choses simples. Et, déjà, il mettait tout son coeur et toute son âme sur le terrain, car il voulait y arriver. Entre les U13 et les U17, il a beaucoup grandi et n’a pas vraiment pu montrer ses qualités à cause des blessures. » Conséquence, Rosario n’est pas conservé à l’Ajax. Et que fait-il derrière cet échec qui aurait coupé les jambes à plus d’un ado ? « Il prend son téléphone et m’appelle », répond Michel Kreek. L’ancien défenseur de l’Ajax, de Padou, de Pérouse ou encore du Vitesse Arnhem, entre temps, a rejoint le club d’Almere City, avec qui l’Ajax collabore étroitement. Il en dirige toute la section de jeunes et en entraîne les U19.


Almere, étape-clef


Kreek est emballé par l’appel. Rosario rebondit. À nouveau. Vers une étape charnière de sa carrière, à une vingtaine de kilomètres de la capitale hollandaise, dans un club « petit mais très structuré », éclaire Kévin Diaz (photo ci-dessous).

Consultant pour RMC Sport, l'ancien ailier a joué pendant 7 ans dans la patrie de Rembrandt, et a commenté l’Eredivisie entre 2014 et 2019. Il complète. « Almere n’est pas un satellite de l’Ajax, mais il travaille beaucoup avec, comme peuvent le faire ADO Den Haag, le Sparta Rotterdam ou Utrecht par exemple. Ils récupèrent les bons joueurs qui ne sont pas conservés pour les faire évoluer, si possible jusqu’à l’équipe première. Celle d’Almere joue en 2ème division, un championnat très relevé, avec beaucoup de qualité. » Rosario suit exactement la trajectoire décrite. En paix avec son robuste corps (1,88m), il s’impose chez les U19, en mettant tout le monde d’accord. « Il jouait milieu de terrain, rembobine Kreek, mais il m’est même arrivé de l’aligner comme avant-centre. Ça veut tout dire de sa polyvalence et de la polyvalence en général. Quand tu es bon, tu es bon partout. » Partout, y compris en équipe première d’Almere, où le joueur débarque comme une météorite lors de la saison 2015-16, à tout juste 18 ans. Il y empile 40 matchs, dont 34 de championnat (3 buts), avec une régularité impressionnante.

« Il était tellement bon qu’il a été sélectionné en équipe nationale U19, ce qui est une très grosse prestation pour un joueur d’Almere, poursuit son ancien coach. Et avec l’équipe nationale, il a même joué en défense centrale ! » A l’été 2016, ses prestations le conduisent à intégrer la réserve du PSV Eindhoven. Cette dernière figure également, comme cela se fait dans bon nombre de pays, en 2ème Division.


Monter pour descendre


Dans l’antichambre de l’élite, la B du PSV bataille avec d’autres réserves, mais aussi avec des équipes peuplées de joueurs expérimentés. Rosario, de plus en plus costaud, y poursuit son ascension, dans un rôle de « box to box » l’amenant régulièrement dans la surface de réparation adverse, où son jeu de tête fait des ravages. Lors de l’exercice 2016-17, il claque 7 pions en D2, découvre les U20 hollandais, puis porte le brassard de capitaine des Espoirs. La machine est lancée. Elle se fixera au coeur du jeu, dans un rôle de récupérateur, lorsqu’elle découvrira l’Eredivisie. Les entraîneurs qui lui offrent ses premières minutes dans l’élite ne sont pas étrangers à ce changement de jeu.

Pablo Rosario & Mark Van Bommel

Le premier à le lancer, en 2017-18, se nomme Phillip Cocu. Un ancien milieu monstrueux des années 90-2000, qui compte une centaine de sélections avec les Oranje et qui fit en son temps les beaux jours du Barça et du PSV. Sous ses ordres, Rosario apparaît à 14 reprises en D1 lors d’une saison où le PSV glane ce qui reste à ce jour son dernier titre de champion.


Couvé par Van Bommel


C’est véritablement lors de la suivante, lorsque Mark Van Bommel – autre milieu de terrain emblématique des Pays-Bas, du PSV, du Bayern, du Barça et du Milan – arrive à la tête de l’équipe, que le joueur d’origine dominicaine prend une autre envergure. Il s’impose, à 21 ans, comme le maillon fort de l’entrejeu.

Ce qui lui permet d’enchaîner, d’honorer ce qui reste à ce jour sa seule cape avec l’équipe nationale A (le 16 octobre 2018 contre la Belgique) et de se tailler une solide réputation.


En parallèle, il est nommé vice-capitaine et commence à faire parler de lui hors des frontières de son pays, puisqu’il enchaîne également les matchs de Coupe d’Europe.

En 4 saisons, il compile 138 rencontres avec le PSV (toutes compétitions confondues, pour 5 buts et 11 passes décisives), dont une dernière apparition officielle le 21 juillet dernier, face à Galatasaray, en tours préliminaires de la Ligue des Champions. La seule « officielle » sous les ordres de Roger Schmidt, qui a remplacé Van Bommel cet été, et qui ne lui accorde pas la même confiance que son prédécesseur. « Après 4 ans en 1ère du PSV, c’était le moment de changer d’air, résume Kreek, de découvrir un championnat plus fort. La L1 va très bien à Pablo, car en France, il y a un bon mix entre physique et technique. D’ailleurs on l’a vu sur ses premiers matchs. » « Et une super pioche pour le Gym, complète Kévin Diaz. Je suis très surpris de son arrivée, car je ne pensais pas que le club allait recruter un joueur du PSV, et surtout pas un capitaine. Il est sobre, bien formé, batailleur et agressif. Et puis il est habitué au 4-4-2 et il a un vrai leadership, sinon il ne serait pas devenu l’un des piliers du PSV, qui joue son championnat pour le gagner et les Coupes d’Europe pour aller loin. »

Cette étape rouge et noir, Rosario la partage avec ses deux compatriotes Justin Kluivert et Calvin Stengs. Lequel nous dévoile un trait de caractère de son ami. « C’est un gros travailleur. Il parle énormément sur le terrain. Il te donne beaucoup de confiance. Quand tu fais une bonne passe, il t’encourage. Il n’arrête pas, est toujours dans la bonne position, comprend toujours tout. C’est un vrai joueur d’équipe. Et humainement, c’est un mec génial. Tout le monde peut parler avec lui, n’importe quand. Quand tu as besoin de quoi que ce soit, c’est avec lui que tu vois. Il est toujours là pour toi. »

Des propos rapportés à Michel Kreek, qui conclut avec un grand sourire. « Sa qualité, c’est d’embarquer tout le monde avec lui. Il ne le fait même pas exprès. Il est toujours positif avec les autres. Pour chaque entraîneur, c’est une pièce fondamentale, il fait tout le travail de l’ombre, tout « le sale boulot », il est humble. Il pense d’abord à l’équipe et après à lui. »

Constantin Djivas
Photos : Icon Sport