Le témoin

« Morgan ? Un pur stratège ! »

Quand Morgan Schneiderlin se prépare à retrouver Strasbourg, les anecdotes fleurissent de toutes parts, que l’on habite aux portes de l’Italie ou de l’Allemagne. Morgan, « l’enfant de Zellwiller », Morgan l’Anglais, Morgan l’international… Difficile de se frayer un chemin au milieu de petites histoires au service d’un long parcours. Pour éviter les redondances, OGCNICE.com s’est orienté vers le début du chemin. Vers les premiers pas en L1 d’un Morgan qui n’est plus enfant mais qui n’est pas tout à fait homme, ni Anglais, ni international. Avec, en guise d’aiguilleur, un certain Jean-Marc Furlan*, qui l’a lancé dans l’élite. 

« Quand tu peux débuter en L1 à 18 ou 19 ans, c’est que déjà, intrinsèquement, tu es un joueur de qualité ». Au bout d’un fil imaginaire, la voix est bien réelle. Tout comme la gouaille, l’accent du sud-ouest et la propension à démolir une barrière avant même qu’elle ne s’érige. Personnage du football français, réputé pour son amour du jeu et la manière dont il le transmet, Jean-Marc Furlan dirige actuellement l’AJ Auxerre. En pleine semaine de match officiel, il n’a pourtant « pas fait de manières » pour parler du passé avec précision et bonhomie.

Le passé en question ? La saison 2007-08, où il dirige le RC Strasbourg et où il offre à Morgan Schneiderlin ses premières minutes en L1, juste après que Jean-Pierre Papin l’eut lancé en L2 lors de l’exercice précédent. Entre les deux étapes, un changement de taille : l’objectif des Alsaciens. En l’occurrence la lutte pour le maintien après le combat pour la montée. Au coeur d’un parcours compliqué, donc, Furlan fait jouer Schneiderlin 3 fois, dont une au stade Vélodrome, face à l’OM. Et explique, 12 ans après, son choix avec facilité. « Mon idée, en tant que coach, n’est pas de faire des calculs. Je mets les joueurs que je considère être les meilleurs. Morgan n’était pas  un garçon très expansif, bavard ou prolixe, mais quand il rentrait, il dégageait beaucoup d’autorité tactique et technique. Et la chose la plus importante, c’est qu’il était plus fort que les autres au niveau stratégique, comme pouvait l’être Blaise Matuidi à Troyes. Quand les autres comprenaient en deux secondes, il ne lui en fallait qu’une. Si tu veux aller plus haut, c’est ce qui fait la différence. » 

 

"Si tu es athée, tu peux dire que c’est la nature qui lui a donné, si tu es croyant que c’est Dieu"

 

Cette dimension stratégique pouvait-elle, à 18 ans, annoncer le parcours qui fut le sien, à Southampton, Manchester United, Everton et en équipe de France ? « Franchement non, parce qu’on ne peut pas prévoir ces choses-là. Je vais même te dire autre chose : à l’époque, moi, je ne doutais pas qu’il puisse devenir un grand joueur, mais j’ai douté de son choix. Il était un gamin, moi un jeune entraîneur. A Strasbourg, on venait de descendre, il nous aurait fait énormément de bien, et il a pris le risque de partir en Angleterre, le pays où le football est né, où il est le plus populaire et où la pression est énorme. Et l’Angleterre l’a changé... Voir le joueur qu’il est devenu et le voir rentrer en France, à Nice, ça me fait franchement plaisir. C’est bien pour lui comme pour le club ».

Si le temps, le football et le rythme effréné qui les lie éloignent parfois les hommes, ils bouleversent rarement les idées. « Le combat, la défense, l’oeil : Morgan est un pur stratège du football, termine Furlan. Je ne parle même pas de la technique, parce qu’il est très doué, mais tu as des joueurs de N2 qui sont des « freestylers » et qui ne peuvent pas jouer en pro. Lui, il a toujours eu une capacité à lire le jeu des adversaires et de ses partenaires avant les autres. Et ça, ça ne se travaille pas. Si tu es athée, tu peux dire que c’est la nature qui lui a donné, si tu es croyant que c’est Dieu. Comme je le répète souvent aux joueurs, c’est inné. »

C.D.
Photos : Icon Sport

* Ancien joueur professionnel, Jean-Marc Furlan (62 ans) est un entraîneur expérimenté. Passé par Libourne, Troyes, Strasbourg, Nantes et Brest, il officie désormais à l'AJ Auxerre, pensionnaire de L2.