Entretien

Adekanmi Olufadé : « Je n'étais pas hors-jeu »

« Oh Everson qui décale Olufadé, qui n’est pas signalé hors-jeu. La balle du K.O, la balle du K.O… C’est dedans ! » Dans un stade du Ray en fusion, un jeune attaquant togolais est venu libérer tout un peuple, à dix minutes du terme du premier derby de la Méditerranée de la décennie. 16 ans plus tard, et à quelques jours du 51ème Nice - Marseille de l’histoire, on a retrouvé la trace d’Adekanmi Olufadé. Agé de 38 ans, l’ancien international (35 sélections, 9 buts) dirige aujourd’hui le Dynamic Togolais, club de première division. Entre deux séances d’entraînement, l’ex-attaquant a décroché son téléphone pour raconter son « but du K.O. », et revenir sur sa drôle d’aventure niçoise. Entretien.

Ici, personne n'a oublié le derby de 2002...
C'était un beau match ! On a gagné 2-0 chez nous.

Vous aviez marqué votre premier but avec le Gym…
Oui, ce but a tué le match. On menait 1-0 et il poussaient fort pour égaliser. Et on a ce contre... Quand je me retrouve face à Runje, je vois qu'il est bien sur ses appuis. Dans ce cas, il vaut mieux frapper près du pied du gardien, pour le surprendre, plutôt que d'enrouler et de lui permettre de se détendre. Ce tir au premier poteau, c’est un geste que je montre désormais à mes joueurs.

16 ans après, les Marseillais pensent toujours que vous étiez hors-jeu…
Ah non, c’est impossible ! Regardez bien les images : il y a un joueur qui me couvre. C’est leur latéral gauche, je crois que c’était Salomon Olembé, le Camerounais. Ils doivent bien regarder l’action : il ne s’est pas aligné sur les défenseurs  centraux. Et de toute façon, ils ne peuvent pas mieux voir que l’arbitre de touche !

« En afrique, on danse avec les reins »

Vous célébrez ensuite votre but au poteau de corner, avec une petite danse.
Oui, c’est une danse africaine. Vous vous souvenez de Roger Milla ?

Oui, mais il n’était pas Togolais…
Il est Africain, c’est pareil ! Chez nous, on danse avec les reins, vous voyez. Depuis qu’il avait dansé de la sorte pendant la Coupe du Monde, avec le Cameroun, tous les petits africains voulaient l’imiter. C’était un modèle pour nous tous.

Comment vous êtes vous retrouvé à l’OGC Nice ?
J'étais au LOSC, et on me propose de rejoindre Nice en prêt. L’essentiel, c’était de trouver du temps de jeu, car à Lille un nouvel entraîneur était arrivé, avec ses propres joueurs. A l’époque il y avait beaucoup  d’écart entre Lille, qui jouait la Champions League, et Nice, qui montait de D2. Mon idée était de jouer mais Gernot Rohr me laissait beaucoup sur le banc.

Comment l’expliquez-vous ?
Nous ne nous sommes pas compris. Quand tu es attaquant et qu’on te fait jouer milieu voire latéral…

Latéral ?
Oui, lorsqu’on évoluait en 3-5-2, il m’alignait piston droit. Or moi, mon travail, c’était de marquer des buts. A ce poste-là, il m’était impossible de m’exprimer. Cette expérience à l’OGC Nice m’a beaucoup apporté. Il faut toujours discuter avec le coach avant d’arriver dans un club, ce que je n’avais pas fait à l'époque. Aujourd’hui, je suis coach, et je ne m’amuserai pas à faire jouer un attaquant en défense. Ces repositionnements, ça ne peut marcher que sur 1 gars sur 20.

« Le chant des supporters résonne encore dans ma tête »

Hormis la frustration relative à votre temps de jeu, quels souvenirs gardez-vous de votre passage à l’OGC Nice ?
Le premier, ce sont les supporters. Ils étaient vraiment chauds ! Encore aujourd’hui, j’ai leur chanson qui résonne dans ma tête. (Il chante) « Allez, allez l’Ogym allez, allez Nice allez, Nice allez, Nice allez, Nice allez ». Tu vois, cette chanson, elle m’a marqué. Quand ils commençaient à la chanter, ça nous donnait encore plus de force. C’était une ambiance incroyable. Et lors de la victoire face à Marseille, je vous dis pas… Battre le rival, et sa grosse équipe, alors que tu montes de D2, je crois que ça leur a beaucoup plu.

Et de la saison ?
Il y avait une superbe ambiance au sein du groupe, avec beaucoup de joueurs prêtés, et quelques africains… Lors de la phase aller, nous jouions les premiers rôles (2èmes à la trêve hivernale, ndlr). Mais en seconde partie de saison, le coach a commencé à faire jouer des joueurs en méforme, et c’est parti en cacahuète. C’est dommage, on aurait pu rester en haut, et on finit 10ème ou 11ème (10ème, ndlr).

Après un été très mouvementé, vous avez réalisé une saison bien au-delà des espérances. Comment l’expliquez-vous ?
Ce groupe, c’était comme si des frères se retrouvaient. Dès qu’un joueur arrivait, il faisait partie de la famille. On se voyait beaucoup à l’extérieur. Il y avait un lien très solide et ça s’est ressenti sur le terrain. Et il y avait aussi beaucoup de joueurs prêtés. Quand tu es dans cette situation, tu n’as qu’une envie : montrer à ton club qu’il s’est trompé en te laissant partir.

Avez-vous gardé contact avec vos anciens coéquipiers ?
Oui, j’ai souvent Kaba Diawara, et Patrick Barul. On s’appelle ou on s’envoie des messages. J’ai gardé un lien affectif avec l’OGC Nice. Comme je me suis senti en famille, j’ai gardé d’excellents souvenirs et je suis toujours les matchs du Gym avec une attention particulière.

Que pensez-vous de l’évolution du club ?
J’ai adoré la saison 2016-17. La saison dernière, ça dandinait un peu. Mais je pense que le club a tout pour devenir un grand club français.

« Un derby, ça se gagne ! »

Dimanche, il y a un certain Nice - Marseille…
C’est chez nous, et c’est un match qu’on doit gagner. Un derby, ça se gagne ! Il faut donner de la joie à nos supporters et aux dirigeants. C’était le derby le plus chaud. Contre Monaco, ce n’est pas pareil, car ils n’avaient pas de supporters. Même quand on allait au Louis-II, nous étions à la maison. Pour revenir à dimanche, on va gagner, j’ai confiance en eux.

Quel est l’équivalent d’un Nice - Marseille au Togo ?
Actuellement, j’entraine à Lomé. Le club s’appelle « Dyto ». C’est une abréviation de Dynamic Togolais. C’est mon 4e club de première division. L’équivalent de Nice - Marseille, c’est quand on joue contre Semassi de Sokode, qui est un club du centre du Togo. Ce sera très chaud, d'autant plus  que j’étais leur entraîneur lors des deux dernières saisons. Il va y avoir une sacrée ambiance. Il y aura une grosse pression, mais j'aime ça. Ça m’amuse.

Le rôle d’entraîneur vous plait-il ?
Carrément ! J’ai entraîné 4 clubs de première division, et même l’équipe nationale du Togo. Je suis épanoui dans ce métier. J’ai également les diplômes UEFA, et j’aimerais, à terme, entraîner un jour en Europe. Ca me rapprocherait de Nice (rires).

Propos recueillis par Fabien Hill