Nice - Nantes

Emerse Fae : d'une école à une autre

Près de 200 matchs en L1 au compteur, disputés avec deux tuniques. Celle du Gym, avec qui il a achevé son parcours de joueur. Celle de Nantes, avec laquelle il l'a démarré. Quand les deux clubs de sa vie se rencontrent, la confrontation n'est jamais tout à fait classique pour Emerse Fae (31 ans). Avant la 9e journée de L1, le coach de U17 nationaux niçois livre un regard pertinent sur son rôle de formateur. Le tout en érigeant des passerelles entre le moment où il s'est éveillé au football et celui où il est chargé de transmettre ses idées.

Emerse, que symbolise pour toi un Nice-Nantes ?
Un match vraiment « bizarre ». D'un côté, il y aura mon club formateur, où j'ai effectué toutes mes classes et débuté ma carrière. Le club de la ville où je suis né. De l'autre, il y a celle qui m'a adopté. Le club où j'ai achevé mon parcours de joueur, m'ayant à la suite offert ma première expérience d'entraîneur. Pour moi, ce sera un match particulier. Les deux équipes doivent prendre des points, pour des raisons différentes.

Que représente pour toi la formation « à la Nantaise » ?
Une formation basée sur la technique individuelle, l'intelligence de jeu. Le mouvement perpétuel, la disponibilité, la générosité. Quand j'ai débuté, nous avions une équipe composée de petits gabarits. Nous compensions par de la qualité technique, et tous les principes énoncés plus haut. La « formation à la Nantaise », si je devais la résumer simplement, je dirais que c'est avant tout la promotion du plaisir, et l'envie de régaler ses coéquipiers. De se déplacer comme il faut pour leur permettre de te donner le ballon dans les meilleures conditions, ou de te battre pour récupérer celui qu'a perdu ton collègue...

Est-ce que ça impacte la manière dont tu exerces le métier de formateur ?
Forcément. Quand tu as baigné dans ces idées toute ta vie, la perception des événements en est obligatoirement impactée. J'ai grandi avec cette vision du foot, c'est ma manière de voir ce sport. J'essaie d'inculquer ces valeurs à mes jeunes. D'ailleurs, ils n'ont qu'à regarder ce qui se passe en équipe première actuellement pour comprendre de quoi je parle. Quand on voit le milieu Mendy-Seri-Koziello, sa disponibilité, sa technique, sa générosité, on oublie que ces joueurs sont de petits gabarits. Ils entrainent tout le monde avec eux.

Qu'est-ce qui a changé par rapport à l'époque pas si lointaine où tu étais toi stagiaire ?
Les mentalités. Aujourd'hui, les jeunes sont pressés d'arriver au haut niveau, et ne s'en donnent pas toujours les moyens. Leurs modèles se nomment Pogba ou Martial, des joueurs éclos très tôt. Je crois qu'ils n'ont pas tout le temps conscience des sacrifices que nécessite une carrière. Des efforts qu'il faut faire. Certains peuvent croire que le talent suffit. C'est faux, car beaucoup de joueurs ont du talent. A mon époque, nous étions également des passionnés de ballon. Tous. On ne loupait pas un match, on connaissait tous les joueurs. On voulait être professionnel car on aimait le ballon par dessus tout. Il n'y avait pas d'internet ou de réseaux sociaux. Aujourd'hui, certains jeunes veulent plus le faire pour être connu, ou avoir des avantages. Je pense que ceux-là font fausse route. Et je ne parle pas ici de l'OGC Nice, mais des jeunes générations en général, selon les retours que je peux avoir en échangeant avec mes homologues.

Qu'est-ce que le jeune joueur que tu étais à Nantes aurait pensé du coach Emerse ?
Du bien. En football, on doit toujours s'adapter, c'est ce que j'essaie de faire. Je suis un entraîneur proche de mes joueurs, plus proche que mes formateurs l'étaient à mon époque. La différence d'âge y fait peut-être, comme le fait que certains jeunes que j'ai venaient me voir au Ray, quand je jouais, ou peuvent trouver des images fraîches de cette période-là.

Au contraire, qu'est-ce que coach Emerse pense de l'apprenti pro Fae ?
Sans prétention, j'aurais bien aimé m'entraîner. J'avais des qualités sur le terrain, ne faisais pas de bruit en dehors. A l'école, j'étais bon élève, toujours à l'écoute, sérieux. La seule chose que je voulais, c'était percer...

Tu as la plus jeune des promotions du centre. Est-ce une lourde responsabilité de la mettre sur de bon rails ?
Oui et non. Oui parce que les jeunes découvrent déjà le monde adulte. Ils arrivent des U15, où ils se baladaient, se confrontent à de meilleurs adversaires. Ils découvrent une autre facette du foot. Et puis ils font partie de la 4e équipe du club, ce n'est pas rien. D'un autre côté, mon rôle est facile, parce que les jeunes ne sont pas lâchés dans la nature. Ils font partie d'une structure professionnelle et savent qu'ils n'ont pas le droit à l'erreur. C'est une catégorie charnière. Et personnellement, prendre des joueurs pour les accompagner d'un point à un autre est un défi que j'adore relever.