Entretien

« Chacun doit prendre ses responsabilités »

Jeudi soir, la commission de discipline de la LFP a décidé de placer en instruction le dossier des incidents de Nice – Bastia, et de prononcer la fermeture provisoire de la Populaire Sud à titre conservatoire. La tribune sera ainsi fermée au public lors des prochaines réceptions de Metz et de Lyon, la semaine prochaine. Après avoir attendu le passage devant les instances pour communiquer, Jean-Pierre Rivère rompt le silence qu’il s’était imposé pour livrer son sentiment sur les événements. Sans s’exonérer des siennes, le club en appelle au sens des responsabilités de toutes les parties.

 

Comment accueillez-vous ces mesures conservatoires ?

Cela aurait pu être plus lourd encore, considérant que cela aurait pu s’appliquer à l’ensemble du stade avec un huis clos. C’est le signe que nous avons été entendus aujourd’hui et que la commission a compris notre état d’esprit. Ce sont des mesures provisoires en attendant l’examen sur le fond, on attendra donc la sanction définitive pour commenter.

Ces incidents, dont nous sommes victimes, engagent des responsabilités pour le club. Nous les assumons. Mais nous ne sommes pas seuls. Nous espérons que chacun prendra ses responsabilités dans ce dossier.
 

Ce n'est pas le cas ?

En ce qui nous concerne, oui. Depuis le premier jour, nous avons toujours dit que nous n’accepterions jamais de la violence dans un stade. Il y a des règles que nous devons respecter. L'une d'elles : la pelouse appartient aux joueurs et aux arbitres. Et les tribunes, aux supporters. Un envahissement du terrain, c'est inacceptable. 

Bien évidemment que le club va se retrouver en difficulté. Il va être pénalisé et nos supporters aussi. Ca me désole. Nous avons la chance d'avoir un public formidable, capable de soutenir son équipe de la première à la dernière minute quel que soit le score. Et quelques uns aujourd'hui vont pénaliser tout un stade ou toute une tribune. Ce n'est pas normal.

 

4 jours après, quel est votre sentiment à froid sur ce qui s'est produit face à Bastia ?

Le rôle d'un dirigeant et de tous ceux qui travaillent à l'OGC Nice au quotidien c'est de faire grandir le club, dans tous les domaines, dont l'image. On se dit qu'on aurait pu passer un super week-end avec une victoire, être dans le top 5-6 et on se retrouve avec un petit cauchemar. On a fait un grand pas en arrière en quelques secondes. C'est un sentiment un peu amer.

Le club va être montré du doigt, subir des sanctions très lourdes. Y compris économiquement. Ca va nous coûter beaucoup d'argent. Quand vous voulez attirer des sponsors, c'est aussi par l'image. On ne se rend pas compte qu'après un événement comme celui-là, remonter la pente prend beaucoup de temps. 

 

Ces mesures conservatoires vont toucher directement des milliers de supporters du Gym...

Beaucoup de gens aiment l'OGC Nice. Je suis navré qu'ils soient sanctionnés aujourd'hui, qu'ils se retrouvent empêchés dans leur envie de nous soutenir. On a une identité forte. Nous allons montrer que le club sait être fort dans les moments difficiles. On va relever la tête, et on continuera dans notre projet. J'ai envie de dire aux Niçois qui aiment le Gym de venir contre Lyon, en famille, avec leurs amis, de montrer l'amour du public niçois pour son équipe. On va démontrer qu'on est forts, et que l'ambiance y sera aussi.

Je suis très contrarié que la Populaire Sud soit pénalisée par les excès de quelques uns. C'est très compliqué de contrôler des mouvements de foule. Ils sont bénévoles, ils font un travail d'animation considérable. Nous continuons de croire dans notre modèle de football populaire, car c’est celui de notre culture méditerranéenne. Nous voulons toujours avoir une ambiance fervente, une tribune aussi belle. Nous voulons continuer d’avoir des chants, des bâches, des tifos,…

 

Vous ne vous êtes pas exprimé depuis le week-end dernier. Pourquoi ?

Il fallait laisser retomber le soufflet médiatique avant le passage devant la commission. On ne voulait pas en rajouter pour ne pas alimenter. Et, aussi, je voulais rencontrer les intervenants, savoir et comprendre avant de parler.

 

Quel déroulé faites-vous des incidents ?

Malheureusement, il y a eu plusieurs événements dans cet événement-là. D'abord cet arrêté préfectoral qui a vexé les Corses. L'attitude du joueur, ensuite. J'ai du mal à croire à un geste spontané quand on a le drapeau avec soi tout le match, puis qu'on rentre ainsi sur le terrain suivi par quelqu'un qui vous filme. Derrière, après qu’ils se sont rendu compte de ce qui était en train de se passer, une échauffourée entre joueurs débute, ce qui déclenche l'envahissement du terrain. 

On peut souligner que les services de police ont été efficaces, de même que nos stadiers, dans un rôle pas simple.

Les images sont parlantes. Elles peuvent être perturbantes mais quand on les regarde dans le détail, on voit aussi que si 150 personnes pénètrent sur la pelouse, il y en a un grand nombre qui sont là comme ça. Il y en a même qui se prennent des photos en selfie…

Quand il se produit un événement comme celui-là, cela engage votre responsabilité de club. Même si une succession d’événements - que vous ne maitrisez pas - ont fait que... Nous allons l’assumer et les sanctions qui vont aller avec.

 

Souhaitez-vous que le gardien de Bastia soit sanctionné ?

Je ne parle que de nous. Pour le reste, on ne peut qu'espérer que chacun sera sanctionné à la hauteur de ses responsabilités.

 

Quelles actions avez-vous entrepris ?

Il y a des gens qui ont été interpellés, et dans la continuité de ce que je viens de dire, nous avons porté plainte contre eux. On a aussi un agent de sécurité qui n'a pas eu le comportement qu'il aurait du avoir. Nous avons demandé aussitôt à l'entreprise qui l'emploie qu'il ne travaille plus au stade.

Mais ce n’est pas tout. Les jours de match, nous sommes locataires du stade. Nous avons accès au PC sécurité, mais nous n'avons pas la main. C'est l'exploitant, avec la police, qui dirige les caméras. Aujourd'hui, c'est compliqué pour nous. Le club n'a pas la capacité juridique d'interpeller, d'identifier,... Nous ne pouvons que consulter les images, elles ne sont pas à nous.

Ce que je souhaite, c'est que quand quelqu'un dévie de la route, il soit sanctionné pour donner des exemples. Et pour cela, il faut des interpellations. Ce qui n'est pas de notre responsabilité. On n'a pas toutes les manettes. Après St Etienne, une vague d’interpellations était annoncée. On a été loin du compte. Pour l’instant, il n'y a que quatre interpellés après samedi. On verra,…

Cela fait des mois que nous demandons la possibilité d'agir sur ce sujet. C'est par la prévention que nous arriverons à solutionner ce genre de problèmes.

Je me suis ainsi rapproché de la Ligue pour avancer sur ce sujet et avoir les moyens nécessaires à l'avenir. Cela nous faciliterait grandement la tâche.

 

Après tous les efforts que le club a fait pour soutenir le football populaire à Nice, ne craignez-vous pas, avec ces positions, une rupture avec certains supporters ?

Non, parce que le fait que nous portions plainte ne changera rien aux sanctions à leur encontre. Mais c'est nécessaire pour démontrer que nous ne cautionnons pas ce genre de faits. Tout le monde a déploré ce qui s'est passé samedi dernier.

Je ne suis pas dans la rupture, je suis dans le dialogue au contraire. J'ai vu les responsables de la Populaire Sud, ils sont désolés de tout ça, comme nous. J'ai rencontré un supporter qui sait qu'il va être sanctionné lourdement, et lui aussi comprend notre position. Ne pas le faire revient à dire qu'on acquiesce.

On est dans la difficulté, tous ensemble. Et c'est tous ensemble que nous allons trouver les solutions. 

 

Au-delà de ces sanctions se pose la question de la sécurité à l'Allianz Riviera. Qu'en pense le club ?

Ce stade a été impulsé et commandé par la Mairie. Et nous sommes très heureux d'être à l'Allianz Riviera, franchement. C'est un vrai outil, et c'est absolument nécessaire pour nous. Le Maire a confié la construction de stade avec un cahier des charges Uefa très précis. Le constructeur l'a respecté. Il ne manque pas grand-chose pour ne pas avoir ce genre de problèmes. A la livraison du stade, nous avons soulevé trois points :

1- La tribune visiteurs. On trouvait périlleux de garder ce qui avait été convenu dans le cahier des charges. Il fallait absolument une séparation entre les tribunes, complémentaire à l'existante, pour éviter le passage d'un secteur à un autre. Et nous avions également demandé un filet au-dessus de cette tribune. Malheureusement, on ne nous a pas vraiment écoutés et il a fallu St Etienne pour que la séparation soit faite, mais pas le filet.

2- Avant la livraison du stade, et lors de la livraison, nous avions évoqué la beauté de l’enceinte, nous avions noté qu’il n’y avait pas de sectorisation - pourquoi pas…- mais surtout une grande facilité de pénétrer sur le terrain. Il n'y a pas de fosse, ou de dispositif anti-envahissement. Nous avions demandé la mise en place de ces différents mécanismes. J'espère qu'on va très rapidement aboutir, désormais. En sachant que nos supporters n'y sont pas opposés, au contraire.

3- Les sièges, qui sont une crainte permanente pour moi. Ils sont d'une fragilité déconcertante. On n'a pas besoin d'une échauffourée pour qu'ils cassent et qu'ils deviennent dangereux. Ils ne sont pas suffisamment solides. Il y en a à tous les matchs. Et ce n'est pas une tribune ou une autre, il y en a aussi en présidentielle. On ne peut pas rester comme ça. Cela fait plus d'un an qu'on en parle. Il peut y avoir un drame.

En parlant de tout ça, nous ne nous exonérons pas de nos responsabilités, mais on lance un appel. Malheureusement, quand des événements comme ceux de Bastia arrivent, cela nous rend plus audibles.