La grande interview

A la rencontre de Régis Beunardeau

Régis Beunardeau a dirigé samedi pour la première fois l’équipe réserve de l’OGC Nice, en match amical. Figure emblématique du Mans dont il a tout connu, de la création à la disparition, il arrive à Nice après six mois à la tête de la CFA2 de l’Olympique de Marseille. A 47 ans, il succède ainsi à Manuel Pirès. Pendant plus d’une demi-heure, il s’est confié pour les visiteurs d’OGCNice.com sur sa mission et sa conception du football. Entretien avec un entraîneur passionné.

Comment s’est nouée votre arrivée ?
Tout est allé très vite. Les contacts remontent à la mi-juin. Après mes six mois à Marseille, je suis rentré au Mans. Je n’avais pas envie de repartir dans un projet qui ne me convenait pas, qui ne m'intéressait pas. Il faut aussi dire qu’avant Marseille, je sortais de six derniers mois compliqués au Mans avec la fin du club.
La direction de l’OGC Nice m’a contacté à ce moment-là. Julien Fournier (directeur général) m’a expliqué qu’il suivait mon travail depuis plusieurs saisons et il m’a présenté ce projet. Ça m’a beaucoup intéressé. Puis, Claude Puel m’a appelé. Nous ne nous connaissions pas non plus. Trois jours plus tard, j’ai pris un train et nous nous sommes retrouvés à parler de football pendant deux heures. Son discours m’a immédiatement plu. Comme je connais également Manu Pires (alors directeur du centre et entraîneur de la CFA la saison passée, ndlr) depuis longtemps, je l’ai aussi appelé.

Quelle image aviez-vous de l'OGC Nice ?
Une bonne image via un copain qui est supporter de Nice, et qui m’en parle sans arrêt depuis des années. Il y a donc ce petit côté affectif. C'est agréable de sentir de l'engouement autour d’un club.

Quels sont les contours de votre mission ?
On m’a proposé de m'occuper de la post-formation, avec la prise en charge de la CFA et d’être en relation directe avec les professionnels. Le projet du club m’a convaincu. J’ai foncé.

Vous avez été directeur du centre de formation du Mans, vous sortez de six mois en tant qu’entraîneur d’une équipe de CFA2. Votre épanouissement passe par la formation ?
Je ne suis pas un homme de lumière. J'aime bien la formation. J'ai pris mon pied dans toutes les catégories, la préformation, les U19, la CFA... Honnêtement, le projet de Nice, je ne sais pas si on pouvait me proposer mieux. La post formation en relation directe avec les pros, le tout avec de la cohésion, c'est très bien.

L'OGC Nice a placé la formation au cœur de son projet. Un élément important pour vous ?
Oui. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai accepté de venir ici. Si je peux m'inscrire dans un projet à moyen ou à long terme, c'est avec plaisir. Le parcours de Claude Puel, en tant qu’entraîneur, sa vision de choses et le fait qu'il fasse confiance aux jeunes m’a plu. De plus, le club a démontré qu’il savait faire débuter les jeunes. C'est quelque chose qui me correspond. Au Mans, c'est ce qu'on a essayé de faire. Quand j'ai pris l'équipe professionnelle, c’est parce que c'était des joueurs issus de la formation avec lesquels j’avais travaillé précédemment. Il y avait une continuité.

Quel est l'objectif pour vous d'une équipe réserve ?
Pour moi, c'est l'antichambre des pros. L'équipe réserve doit être au service des professionnels. Elle doit permettre aux jeunes de s'aguerrir dans un championnat adulte et ainsi être prêts au moment où les pros en auront besoin. Cette équipe sert aussi à relancer certains pros en manque de temps de jeu ou les remettre en forme s'ils reviennent de blessure. J'aime gagner mais je n'aimerais pas être jugé que sur mes résultats et, ce, qu'ils soient bons ou mauvais. Par exemple avec l’OM, j'étais content de passer de la 11e à la 4e place mais je ne retiens pas que cela.

MARSEILLE

Justement, que retenez-vous de votre expérience marseillaise ?
Je n’étais jamais parti du Mans donc j'ai forcément découvert autre chose. J'arrive dans un grand club français et donc avec une exigence importante. J'ai eu de très bons contacts avec les gens et j'ai eu la chance que ça se passe bien au niveau des résultats. Ça a facilité l'intégration.

Ça a été une déception que cela s'arrête ?
Sur le moment, oui. Mais aujourd'hui, quand je vois où je suis, non. Je suis quelqu’un d'assez positif. Je ne regrette jamais ce qu'il s'est passé avant. Je me sers du passé pour essayer d'avancer. Et je pense que l'expérience marseillaise m’a aussi permis de me faire plus connaître.

Y a-t-il une grosse différence entre CFA et CFA2 ?
J'ai connu le CFA dans la région du Mans et donc le CFA2 avec l'OM. Et par rapport au championnat CFA que j'ai connu là-haut, oui il y a une différence. Mais avec l'OM, on a souvent joué sur des terrains qui n'étaient pas très bons. Du coup, ça nivelle un peu les valeurs. Quand tu es dans un centre de formation qui veut faire jouer les gamins, il faut avoir des surfaces de jeu qui sont de qualité. Parce que dès que tu joues contre des mecs expérimentés, ça devient plus un duel physique. Donc je ne peux pas juger complètement le CFA2 à cause de ces terrains. Mais au niveau de l'engagement physique, il n'y a pas beaucoup de différence.
Ici, on va jouer notamment sur un synthétique. Ca me va. Je préfère ça à une mauvaise pelouse. On m’a également dit que le terrain du Parc des Sports était bon. C’est appréciable.

LE MANS

Un mot sur Le Mans ?
Je suis né là-bas, j'ai ma famille là-bas... J’y suis attaché et en même temps je peux tout à fait travailler ailleurs. Ce que j'ai vécu au Mans, c'est aussi parce que le club a toujours bien voulu de moi. Je me sentais bien. J'ai vu plein d'entraîneurs, je me faisais chambrer, on me disait que je ne pouvais jouer qu'au Mans. Mais les entraîneurs passaient et je jouais quand même. C'est que je devais bien avoir le niveau (sourire). 

Vous vous imaginiez déjà ensuite entraîneur ou dans un staff ?
J'ai longtemps été capitaine au Mans donc en général quand tu es capitaine, c'est que tu as ce côté meneur d'hommes. Au départ je voulais être professeur de sport et je n’ai pas suivi la filière classique du centre de formation. Ensuite, il y a eu la création du club au Mans et l'arrivée de Christian Gourcuff (entraîneur-joueur à l'époque) ce qui a fait que le club a grandi. Ensuite, le club s'est structuré et j'ai suivi. En étant éducateur, j’ai eu la possibilité au club de passer les diplômes. Et à la fin de ma carrière, DEF en poche, j'ai demandé au club de me donner l’occasion de voir si j'étais fait pour ce métier-là. 

Que vous reste-t-il du passage de Christian Gourcuff ?
C'est quelqu’un qui est connu pour le jeu et j'ai forcément baigné là-dedans. Il est resté trois ans au club et c'est une période qui m'a marqué. Il me fait un peu penser à Claude Puel. Ils ont réussi à mettre en place des équipes qui tenaient la route alors qu'au départ, il y avait peut-être moins de "stars" comparé à d'autres clubs. 

Pensez-vous être dans cette lignée ?
Parfois les entraîneurs oublient de faire progresser les joueurs qui sont dans leur groupe et préfèrent en changer. J'ai toujours été amené à travailler avec les gens du club et quand on m'amène des joueurs, j'essaye de les évaluer pour leur permettre de progresser et accéder au haut niveau. C'est même presque plus important que la mise en place d'un système tactique. Pour moi le bagage collectif c'est aussi un bagage individuel. Le fait de pouvoir jouer avec les autres, ça fait partie des qualités individuelles d'un joueur. 

SA CONCEPTION DU FOOTBALL

On vous décrit comme un admirateur du jeu de Guardiola. Quel esprit voulez-vous inculquer à l'équipe réserve ?
Au Mans on m'a même appelé "Pepito", le petit Pep’ (Guardiola) (rires). J’en joue un peu (sourire). Mais j'ai aussi ma conception des choses. Je suis surtout fan du beau football. Pour moi, une équipe doit savoir tout faire mais elle doit chercher à jouer avec ses qualités et ensuite essayer au maximum de créer du spectacle. Mais, par exemple, j’aimais aussi les Real - Barça pour les attaques rapides du Real, ça donnait des oppositions de style assez magnifiques. Le foot m'énerve quand il ronronne. J'aime les changements de rythme. Mais ça reste un sport collectif et les joueurs doivent le faire tous ensemble.

Au quotidien, quel genre d'entraîneur êtes-vous ?
J'aime dialoguer avec les joueurs, surtout en post-formation. C’est important de faire  comprendre les choses, d’essayer d'emmener les gens avec moi, de les convaincre. S'ils ne comprennent pas, j’essaye d'expliquer. Après, quand je vois que ça ne va pas, je suis aussi capable de gueuler, hein (sourire). 

On arrive à un moment où certains vont faire carrière, d'autres non. La dimension humaine, on y pense forcément. Comment ça se passe quand on gère un groupe ? 
Le foot est une très bonne école de la vie surtout si on fait respecter certains principes. La post formation, c'est compliqué. Par exemple, avec les jeunes qui ne peuvent règlementairement plus jouer en U19, ce sont des questions du genre : "Combien de temps ils évoluent en CFA ? A quel âge on leur permet de jouer en professionnel ?". C'est un moment charnière pour eux. Mais ce n’est pas parce qu'à 19 ou 20 ans, on n'a pas la maturité ou les moyens physiques pour évoluer au niveau pro, qu'on ne passera pas pro. C'est parfois mieux de laisser du temps.