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Ancien joueur, nouveau coach : la vie d’Audel

A Nice tout le monde le connaît. Au Gym aussi. Pourtant rien ne fut simple pour Johan Audel (36 ans), le nouvel entraîneur des U14 du club. Parti rouler sa bosse au loin, l’ancien attaquant, aux 250 matchs en pro, est revenu chez lui pour démarrer sa seconde vie. Aiglon hors de la norme, le voilà rentré dans un jardin qui a changé, animé par l’envie de transmettre, de former. Porté par son histoire, son parcours, ses échecs et ses victoires.

Le temps demeure un juge impitoyable, capable de mettre à mal les esprits les plus robustes. Dans les mémoires rouge et noir, la cause est entendue : Jo’ Audel avait tout pour percer à l'OGC Nice mais n’a jamais joué avec les pros. L’esprit garde ses failles, ses faiblesses, et comme la vérité, doit s’habiller de nuances pour bien viser. Après s’être entraîné deux ans avec l’équipe fanion, au début des années 2000, l’attaquant, à la pointe de vitesse tonitruante, effectue une seule apparition en match officiel, en 32e de finale de Coupe de France, face au Troyes « de Jérome Rothen » (0-0, défaite aux tirs au but, le 15 décembre 2001). Il croque aussi dans 7 matchs amicaux, jusqu’au jour « où Gernot (Rohr) vient me voir pour me dire que je ne passerai pas, rembobine-t-il. J’étais déçu mais je n’en veux à personne, parce que ça a forgé mon caractère. » 

Ce caractère lui permet de rebondir une semaine après son départ d’un club qui a toujours été le sien. A l’autre bout de la France, Claude Puel, alors à Lille, lui demande de le rejoindre pour une semaine d’essai. Dans le Nord, celui qui est capable d’évoluer à tous les postes offensifs est accueilli par un jeune défenseur brésilien, avec qui le courant passe de suite : « Dante était là et m’a aidé. L’essai s’est bien déroulé. Tout a commencé*. »


 

« A leur âge, j’étais dans le dur »


Les succès se construisent sur les échecs : l’histoire d’Audel avec le club fondé en 1904 le prouve. Alors que sa vie d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier, les deux restent trop rapprochées pour que la première ne se nourrisse pas de la seconde. Ce qui se remarque dans « un parler vrai » taillé dans les virages, qu’il transmet comme un mantra à ses jeunes protégés. 
« La première chose que j’ai dite aux jeunes ? Qu’ils sont à une période charnière, celle des premières tentations, et que pour percer, il ne faut penser qu’au foot et aux études. Que j’étais à leur place, à leur âge, et que j’étais dans le dur ! A l’époque, on avait deux équipes et moi, je jouais en 2 ».

Sec, rapide, précis et, forcément déroutant. « Tu pourras demander à Serge Recordier (actuel recruteur des Aiglons, ndlr), avec qui je m’entends super bien. C’était lui l’entraîneur de la 1. Moi, j’étais en dessous avec Bernard Castellani. Je ne faisais pas ce qu’il fallait, Serge a voulu me piquer. Il a bien fait, ça a marché. Le week-end, je voyais mes potes partir en 15 nationaux et moi, je jouais en excellence. Mais je me suis accroché, j’ai mis une quinzaine de buts et la saison d’après, j’étais le seul mec de la 2 à entrer au centre. »

20 ans plus tard, le coach du Gym, c’est lui. Ou plutôt l’un des coachs, puisque les U15 et les U14 du club sont dirigés quotidiennement par un collège de techniciens, avant que les groupes ne soient séparés le week-end, les U15 R1 avec Pascal Bistarelli et les U14 R1 avec Johan Audel.

Comment la bascule entre le joueur et l’entraîneur s’est-elle effectuée ? « Naturellement, souffle l’intéressé. J’aurais pu m’orienter vers autre chose, comme le monde des agents. Mais même durant ma carrière, j’ai toujours su qu’après, ce que je voulais, c’était entraîner. Et surtout entraîner les jeunes. » L’après débute par un an de réflexion. Celle-ci aboutit à un premier poste à l’OGC Nice, à la tête des U10, où il « profite du superbe travail de Thomas Olivetti » pour se régaler avec une « belle génération ». Transmettre, apprendre, écouter, agir  : l’ancien du Beitar Jérusalem déguste un cocktail qu’il avait déjà goûté en tant que joueur. Il s’en délecte et travaille parallèlement avec Matthieu Esposito, à la tête de l’équipe fanion de la section féminine, pour passer ses diplômes (le BEF).


Regret, rêve et objectif


Ce nouveau départ prend un autre tournant à l’été 2020. Après une discussion avec Julien Fournier (directeur du football), Johan Audel passe un entretien avec Manu Pires (directeur de la formation) et Fabrice Garrigues (directeur de la préformation). 2h30 plus tard, l’entretien s’est mué en discussion, avec le football et l’échange d’idées au coeur des débats.

La bascule s’opère. Jo’, que l’on pouvait apercevoir aux quatre coins du département pour des matchs de jeunes il y a peu, monte en U14 et prend également en charge tous les attaquants de la préformation. Avec déjà, dans un coin de la tête, les idées claires, et l’attente d’une jolie collaboration avec Marama Vahirua, qui occupe les mêmes fonctions au centre. « Marama est mon ami, glisse-t-il, mais c’était surtout un super attaquant. A terme, on doit être capable de préformer le profil de joueur défini au-dessus, lors des réunions techniques. Je suis très heureux d’être encadré par Fabrice Garrigues, qu’on ne présente plus, et par les autres coachs. Mon objectif, c’est de faire progresser les jeunes, de me structurer en passant des diplômes pour devenir un vrai formateur. Nouveau stade, nouveau centre, Europe, ambitions au niveau des jeunes : l'OGC Nice grandit de plus en plus. Le projet est top, je suis investi à 200 %. Je rêvais de ça... »

Une conclusion en guise d’introduction, derrière laquelle le coeur prend le dessus sur l’esprit. « Tout le monde sait l’attachement que j’ai pour le Gym et la ville. Ici, j’ai ma famille, mes proches, mes potes. Je connais le monde amateur, les clubs des quartiers. Quand je vois ce que fait Lyon, en sortant des Benzema, Fekir, Aouar (etc), je réfléchis et je sais qu’ici, on peut en faire autant. Mon grand regret, c’est de ne pas m’être imposé en pro chez moi. Pour effacer ça, je veux aider le plus de joueurs de chez nous à le faire... ».

* Bio express

Né à Nice le 12 décembre 1983, Johan Audel totalise 257 matchs en pro, pour 45 buts et 20 passes décisives.

Ses clubs (par ordre chronologique)

OGC Nice

Lille OSC

FC Lorient

Valenciennes

Stuttgart

FC Nantes

Beitar Jérusalem

C.D.
Photos : B.P. / IconSport