Récit

« Dès que j'ai vu un peu d'espace... »

Durant le confinement, les supporters du Gym ont été invités a élire leur plus beau but depuis la remontée du club dans l’élite. Le grand vainqueur de cette élection se nomme Ricardo Pereira. Le 30 avril 2017, face à Paris, l’international portugais offrait un chef-d’oeuvre aux 33 190 supporters de l’Allianz Riviera. Pour le 12e homme, aucun Aiglon n’a fait plus beau depuis 20 ans. Que se cache-t-il derrière cette merveille ? Quelle trace a-t-elle laissé dans la mémoire de ses protagonistes ? Retour sur un instant d’éternité.

20 secondes. Trois joueurs qui touchent le ballon. Le terrain avalé, la lucarne nettoyée. Nous jouons la 48e minute d’un Nice – Paris au sommet, point d’orgue d’une saison sublime. Tout ce qui fait le foot se compile dans un mouvement collectif : le combat, le dribble, l’accélération, la temporisation, l’appel à vide, la frustration, le choix difficile, l’audace, la réussite. Tout part de loin et tout finit haut. Bref, tout résume ce qu’incarne cette promotion 2016-17 des Aiglons.

Au départ de l'action, donc, il y a un bloc rouge et noir très bas. Compact. Chacun y joue son rôle, à commencer par les premiers défenseurs : les attaquants. Dans ce registre, Younes Belhanda n’a pas d’égal. Tout au long de la première période, l’international marocain sort le grand jeu. A ses coups d’éclat offensifs, il ajoute un punch et une agressivité qui donnent une juste image de sa palette.

En tête à la pause (1-0), le Gym subit, dans ses 30 mètres, au retour des vestiaires. Suite à un mauvais contrôle de Meunier, l’ancien Montpelliérain met son corps en opposition. Ecarte les coudes, fait le ménage, campé sur ses appuis. Trois Parisiens se referment autour de lui, en pressant haut. Malgré le défenseur belge sur le dos, il slalome entre Matuidi et Di Maria, puis transmet à Souquet avant qu’Aurier ne puisse intervenir. Le risque est gros. Le risque est payant. 

 

Souquet : "Je ne peux pas trouver Mario"

 

Souquet gagne 40 mètres dans le couloir droit, sans personne devant lui. Belhanda suit l’action qu’il a initiée. Avec Balotelli, ils sont 3 Niçois contre 5 Parisiens. Mario pique dans le dos de la défense francilienne qui s’arrête sèchement, pour le mettre hors-jeu.

Neuf fois sur dix, Souquet aurait servi l’Italien. Mais sur ce coup, l’actuel latéral du MHSC se retient, « car je pense que je ne peux pas forcément le trouver, rembobine-t-il, trois ans après. Je me dis que peut-être je ralentis l’action, mais tant pis. Au final, j’attends, cela laisse le temps aux autres d’arriver ». L’autre, en l’occurrence, se nomme Ricardo.

Ce dernier a donné le tournis à Maxwell durant toute la première mi-temps. Conséquence : le Brésilien est sorti à la pause et, en seconde période, la bombe qui fait actuellement les beaux jours de Leicester se trouve face à Aurier, qui a basculé à gauche. Ce dernier, qui défend sur son mauvais pied, recule et oriente son corps de manière à résister « en vitesse » au débordement du Portugais. Cette orientation sera fatale. « Depuis des semaines, Ricardo travaille des frappes de gaucher », s’amuse Dalbert, dans le vestiaire rouge et noir, après le coup de sifflet final. La remarque est vraie. Elle explique la suite.

Même s’il a de la dynamite dans les guiboles, Ricardo ne déborde pas : il s’engouffre dans l’axe qui s’ouvre devant lui. « C’était un truc que j’avais tenté les matchs d’avant, contre Lille et Toulouse, explique aujourd’hui l’ancien de Porto. La semaine avant Paris, on avait beaucoup travaillé devant le but à l’entraînement, je m’étais appliqué sur ce geste. C’est pour ça, dès que j’ai vu un peu d’espace, j’ai essayé ».

Le ballon termine sa course dans la lucarne de Trapp. L’Allianz Riviera se lève. « C’est un beau souvenir, un des plus beaux buts de ma carrière, termine Ricardo. Paris, chez nous, avec une grosse ambiance. J’avais ma mère, mon neveu, une amie dans le stade. C’était parfait, je n’oublierai jamais ».

C.D.