Interview

Manu Pires : « Le véritable projet démarre en 2020-21 »

Crise sanitaire, championnats arrêtés, jeunes confinés, travail à distance : comme l’ensemble du pays et une grande partie de la planète, le centre de formation de l’OGC Nice doit faire face à une situation inédite en ce printemps 2020. Malgré 1000 contraintes, cette période permet à Manu Pires et ses équipes de préparer l’avenir. Au clair, en dépit de quelques zones d’ombre liées à l’actualité, le directeur de la formation rouge et noir profite du bilan de la saison pour entrer dans les grandes lignes du projet de demain. 

Manu, comment s’est déroulée la période de confinement ? 
C’était une situation unique pour tout le monde. Personne n’aurait pu imaginer que ça arrive, nous avons dû nous adapter, d’autant que ça a été plus long que les 15 jours annoncés initialement. On est restés à la maison, les gamins aussi. Ils ont eu un programme athlétique à suivre, concocté par les préparateurs. On est conscients que travailler physiquement ou taper dans un ballon seul, c’est difficile. Pareil pour les cours, que les professeurs ont assurés à distance. Ce n’était évident pour personne. La FFF a arrêté tous les championnats. Les mesures sanitaires n’ont pas permis de reprendre, donc il était hors de question de mettre en danger les jeunes. Au vu de ce qui se passe, les mesures ont été les bonnes.

Avez-vous de la visibilité quant à la saison prochaine ? 
Pas encore à propos des dates. Par contre, en ce qui concerne ce que nous pouvons maîtriser, oui. Avec la cellule de recrutement, qui œuvre sur le long terme, on avait déjà bossé sur la prochaine saison et sur celles d’après. Maintenant, comme partout, et encore plus avec la situation actuelle, il y aura du recrutement tardif.  Des garçons de l’extérieur sont en mesure de renforcer nos équipes de jeunes, nous étudions beaucoup de profils. Les groupes sont faits à 99 %, nous sommes en train de tout finaliser.  L’OGC Nice devient de plus en plus attractif, tant mieux : à nous de ne pas nous tromper. 


« Il nous faudra 6 à 8 semaines de travail pour être bons »


Donc pour l’instant, les dates de la reprise ne sont pas encore fixées ?

C’est ça. Celles des vacances non plus. Nous attendons les décisions de la FFF, c’est elle qui définit les dates du championnat. Une fois que ce sera fait, on établira notre calendrier. La prépa’ sera sûrement un peu plus longue que d’habitude, car les organismes vont être fatigués par une telle interruption. Je pense qu’il nous faudra 6 à 8 semaines de travail pour être bons. 

Quel bilan général tires-tu de la saison 2019-20 ?  
Un bilan relativement correct. L’équipe pédagogique s’est renforcée, le staff aussi, c’est une très bonne chose. Nous poursuivons notre travail de structuration avec de l’apport de compétences. Sur le terrain aussi, les choses avancent. Nous étions arrivés au bout d’un cycle, nous travaillons sur un nouveau. Ça demande du temps et c’est passionnant. 

Quel cycle ? 
En réserve – car il s’agit essentiellement de la réserve -, des garçons étaient là depuis quelques années. A un moment, il y a une certaine forme d’usure psychologique chez eux. Cette usure s’accompagne souvent d’impatience, que ce soit chez les joueurs ou leur entourage, alors qu’au contraire, la patience est une vertu. Dès que certains s’entraînent avec les pros, ça débouche sur des revendications. Or, ce qu’il faut que tout le monde comprenne, c’est que les décisions, ce sont nous qui les prenons ! Certains avaient besoin de partir pour voir s’ils arrivaient à toucher au niveau pro, ils sont partis. Désormais, nous avons hâte d’attaquer avec des jeunes qui ont envie de travailler dur. Surtout qu’ils sont appelés à travailler plus qu’avant.

C’est-à-dire ?
On ne transigera plus avec le travail. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais les nouvelles générations veulent tout, tout de suite, sans forcément mettre tout en œuvre pour l’obtenir. Ils prennent l’exemple de Mbappé, Camavinga ou Dembélé. Certes, ils peuvent s’inspirer de ces joueurs sur le terrain, mais c’est tout. Ce sont des cas uniques qu’on ne peut pas copier. Chacun a sa propre histoire, la leur est hors normes. D’une manière générale, on a besoin de se retrouver à travers de vraies valeurs, notamment celle qui a conduit nos parents et nos grands-parents : le travail. Le travail se perd alors qu’il est la base de tout. Nous voulons lui rendre sa juste place. 


« Réunir toutes les entités du club est historique »


Cette saison, la préformation est également passée dans le giron de la SASP...

C'est quelque chose d'historique ! Travailler de la même manière de bas en haut, c’est la volonté de tous les clubs. C’est ce que nous sommes en train de mettre en place. Nous sommes en lien direct avec la préformation, je travaille beaucoup avec Fabrice Garrigues (directeur de la préformation). De la même manière, nous sommes attentifs à l’école de foot. Quand j’ai un trou dans mon emploi du temps, par exemple, il m’arrive d’aller voir les jeunes de la préfo’. Ça peut se faire discrètement - des fois je me cache - ou d’une manière plus directe. C’est important de voir, de réfléchir, de se mettre en mouvement. Le véritable projet démarrera lors de la saison 2020-21. Le bâtir est excitant...

Quel en est le fil conducteur ? 
Faire travailler toutes les catégories avec une même philosophie. Nous ne sommes pas très loin de cet objectif mais il reste beaucoup à faire. Nous recrutons des joueurs qui possèdent les mêmes  caractéristiques, nous mettons en place des entraînements avec les mêmes exigences. Il y a également de gros efforts d’effectués sur le suivi des joueurs en préfo’ et l’aspect individuel du travail. Nous sommes obligés de nous adapter à l’évolution de la société. Aujourd’hui, les joueurs sont contents quand un coach leur parle en tête à tête. On note que lors des séances individuelles ou en petits groupes, ils sont beaucoup plus réceptifs. Ils ne changeront pas, à nous de nous adapter pour en tirer le meilleur et les amener le plus haut possible. Pour l’instant, j’estime qu’il y a 2 équipes au club : les pros et la formation. Et quand je parle de formation, ce n’est pas seulement la N3, mais tout le centre. La 3e équipe, c’est la préformation, on travaille pour la rendre encore plus performante. 

Un projet global passe également par une scolarité adaptée ? 
Bien sûr ! Nous avons la chance d’avoir une structure privée, avec des profs qui se déplacent. Là aussi, nous travaillons beaucoup, parce que nous avons une responsabilité par rapport aux jeunes et à leurs parents. La scolarité est un volet très important, un point essentiel entre la réussite du sport et l’échec. En formation, 9 garçons sur 10 vont vivre du fruit de leur diplôme plutôt que de celui du foot. C’est un fait que personne ne doit oublier. Pour les familles et les joueurs, on se doit d’avoir une scolarité de haut niveau.

Quels objectifs peux-tu fixer pour la saison 2020-21 ? 
Avoir un maximum de jeunes qui postulent à des séances, voire des matchs avec les pros. C’est l’objectif de tous les centres. Notre fierté, c’est d’observer les jeunes franchir le cap, s’entraîner, faire des bancs et des entrées tout en haut. Par ailleurs, notre niveau d’exigence doit être toujours plus important et nos joueurs doivent vouloir tout gagner, tout le temps. Chaque jour et chaque week-end. 

Dans le rétro’

Manu Pires a tiré un bilan de la saison 2019-20 catégorie par catégorie. 

N3 (11e du groupe D)
On était plein d’espoirs à la trêve car on avait fini très fort 2019. Malheureusement, on est mal repartis en 2020. Il y a eu beaucoup de blessés, les 4 points de pénalité nous ont fait beaucoup de mal. Certains joueurs ont vécu des désillusions. L’année 2020 a été très dure, mais on a quand même injecté du sang frais et donné du temps de jeu à des plus jeunes. C’est le point positif. En N3, la porte est grande ouverte. Un jeune peut jouer en réserve un week-end, en U17 un autre et en U19 le 3e. Tout doit rester comme ça, inscrit dans une logique de performance appuyée sur des passerelles très fortes entre toutes les catégories.

U19 (4e du groupe D)
C’est une saison encourageante. On a raté le coche sur certains matchs clefs qui nous auraient permis d’accrocher les premières places. L’équipe a aussi été handicapée par des blessures en janvier - février. Emerse et son staff ont bien travaillé parce que les U19 ne sont pas une catégorie facile, vu que les meilleurs éléments montent en N3. Cette saison a permis aux jeunes U17 de s’étalonner en 19, voire en réserve. C’est pour ça que la saison est satisfaisante, malgré le regret de ne pas avoir accroché le podium. 

U17 (3e du groupe D)
Malgré 3 changements d’entraîneurs (Patrick Cordoba, Fabrice Garrigues et Bruno Rohart) et une saison tronquée, ils ont réussi, chaque fois, à bien se réadapter pour aller batailler dans ce championnat qui n’est pas si évident. Ils ont accroché le podium, c’est bien, et encore, on avait l’espoir de finir très fort. Le groupe a été très réceptif, avec pas mal de joueurs intéressants qui ont joué en N3. On a pu mesurer leur qualité, même s’il reste beaucoup de travail à effectuer avec eux.

C.D.