Ecole des gardiens

Le Gym des deux mains

Ils sont les garants d’une tradition centenaire. Celle qui, de Lamia à Lloris, en passant par Baratelli, façonne depuis 115 ans d’illustres portiers. L’un a donné de sa personne pour participer à la renommée d’une école qu’il contribue désormais à structurer. L’autre l’a toujours observée avec respect, avant de l'intégrer cet hiver. Enfin le dernier – le plus jeune – fut élevé selon des principes qu’il inculque à son tour. A eux trois, Nicolas Dehon (entraîneur adjoint en charge des gardiens), Lionel Letizi (entraîneur général des gardiens du centre de formation) et Jérémy Quiez* (entraîneur des gardiens des équipes de jeunes) symbolisent le Gym des deux mains. Celui qui a brillé hier, brille aujourd’hui et se cultive à la racine. Habitués à travailler ensemble et à échanger au quotidien, ils se sont réunis et ont partagé leurs réflexions communes autour du poste, de leur travail et de leur collaboration. Une discussion riche et passionnée.

Quels sont les principaux axes du projet de l’école des gardiens du club ? : Lionel Letizi : Notre projet est guidé par la volonté d’uniformiser et de structurer notre manière de procéder avec tous les gardiens du club, quelle que soit leur catégorie. 

Jérémy Quiez : Ce projet est construit autour de trois grands axes : les coachs, avec les arrivées de Lionel à la formation et de Nicolas chez les professionnels ; les contenus et l’individualisation du travail. Les contenus concernent notamment la bibliothèque numérique que nous mettons en place. Il s’agit d’une plateforme sur laquelle les entraîneurs du club pourront échanger, publier des morceaux d’exercices et de séances et ainsi avoir une base de données.

Nicolas Dehon : Cette bibliothèque numérique, c’est quelque chose de très intéressant qui n’existe dans aucun des autres clubs par lesquels je suis passé...

J.Q. : En ce qui concerne l’individualisation, on s'oriente vers du « spécifique dans le spécifique », c’est-à-dire travailler en fonction des profils et des besoins de chaque gardien. Ça demande de tester les joueurs et d’élaborer une fiche type. Enfin, il y a le pôle recrutement et l’établissement de structures. On a notamment conclu un partenariat avec une école de gardiens à Marseille, le but étant que son responsable devienne le recruteur des gardiens dans le bassin marseillais. À terme, on souhaite en conclure d’autres en France. 


Nicolas, tu as succédé à Lionel au poste d’entraîneur adjoint en charge des gardiens de l’équipe première en janvier dernier. Comment s’est opérée cette transition ?
N.D. : Naturellement, parce que je suis dans la continuité de ce qu'il faisait. À mon arrivée, nous avons fait un scanner des gardiens, de leurs qualités et de leurs défauts. Cela m’a soulagé et donné un temps d’avance par rapport à ce que je souhaite mettre en place. La relation que nous avons est un plus. Je trouve ma place dans cette structure et je m’y sens heureux. 
 

Dehon : « Une vraie dynamique »


Comment s’organise la collaboration entre vous trois ?

N.D. : Notre structure présente un avantage : nous avons tous les 3 des profils complémentaires. Lionel est un ancien pro et sa carrière parle pour lui. Sa présence est un grand atout pour attirer les jeunes. Jérémy fait partie de la nouvelle génération et porte un regard différent tandis que moi, j’ai évolué au sein de plusieurs clubs. Il n’y a pas d'entraîneur qui soit « parachuté » dans cette organisation. Tout le monde est façonné et a les mêmes idées. Il y a une vraie dynamique. On a chacun notre rôle, mais une telle structure, avec des passerelles et des échanges, je n’en avais jamais connu auparavant.

Lionel Letizi : D’autant que nous avons la même sensibilité et la même vision du poste. Il peut arriver de travailler avec des entraîneurs de gardiens qui ont leur propre façon de voir les choses, mais ici, à l’OGC Nice, ce n’est pas le cas. Ce que Jérémy et moi demandons aux gardiens à la formation, on sait que Nicolas le demande tout en haut. Il y a une réelle continuité. 

En quoi le métier diffère t-il entre la formation et les professionnels ?
L.L. : Ayant connu les 2, je sais que la formation présente deux avantages : tu as du temps et de la liberté. Sur une semaine pleine, tu peux tout travailler et tester des choses : le lundi, la technique, le mardi, l’aspect athlétique, le mercredi, les situations de jeu, le jeudi, les ballons aériens et le vendredi les relances. Chez les pros, c’est plus difficile à mettre en place...

N.D. : ... Parce que chez les pros, tu as l’échéance du match et le gardien doit être bon le jour J. En jeunes, le but est de former pour l’avenir. Au plus haut niveau, tu peux aussi être amené à jouer tous les 3 jours. Il faut alors gérer l’aspect mental et faire en sorte que le gardien conserve de la fraîcheur, dans sa tête et dans son corps.

L.L. : À la formation, Jérémy était seul avant et il avait optimisé au maximum les choses. Aujourd’hui, je suis avec lui, nous travaillons ensemble. Pour le recrutement, on a mis en place un protocole pour essayer de séduire les gardiens qu’on estime avoir du potentiel. On a notamment un spécifique filmé sur le terrain hybride des pros lors des détections, on est en contact avec les entraîneurs de leur club, on échange et on fait un retour, vidéos à l’appui. À la formation comme à la préformation, il y a toujours un entraîneur des gardiens pour encadrer les jeunes. 
 

Letizi : « Différent de mon époque »


Vous êtes dans le métier depuis plusieurs années, quelles évolutions a connu le poste de gardien de but ?

N.D. : La plus grosse vient des règles, qui ont changé. Quand je jouais, par exemple, le gardien pouvait prendre à la main une passe de son coéquipier donc forcément le jeu au pied était moins poussé qu’aujourd’hui.

L.L. : Cette règle entrait en vigueur lors de ma première année en pro. Que le temps passe... Avec le recul, la chance que j’ai eue quand j'ai débuté - et je ne m’en rendais pas compte - c’est que je n’avais pas d’entraîneur spécifique. Avec Albert Emon, j’étais tous les jours avec les autres joueurs, je participais aux « toros » et aux exercices de conservation donc ça m’a aidé pour le jeu au pied. Ensuite, Dominique Baratelli est arrivé et je travaillais avec lui deux fois par semaine, mais les points sur lesquels on appuyait n'avaient rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. A Metz, sous Joël Muller, par exemple, c’était des longs ballons et en avant. Nous n'avions pas besoin de bosser pour repartir au pied de derrière.

Le poste de gardien de but est particulier. Quelles relations avez-vous avec les entraîneurs et autres membres du staff ?
L.L. : Il y a nécessairement des échanges. Les gardiens doivent participer aux entraînements collectifs et se retrouver le plus possible en situation de match, avec le jeu devant eux. C’est important pour qu’ils puissent s’inscrire dans le collectif. Dès la « préfo », il y a deux spécifiques par semaine et une séance dans laquelle ils ne mettent pas les gants et évoluent exclusivement avec les joueurs de champ.

J.Q. : C’est là que le nouveau statut "d'entraîneur adjoint en charge des gardiens" prend tout son sens. On participe à la préparation des séances collectives avec les coachs, pour y intégrer les gardiens. On peut ainsi concevoir l'entraînement au mieux par rapport à nos attentes et leurs besoins. On échange beaucoup tous ensemble, pour optimiser les séances afin que le rendu bénéficie à tous.

N.D. : Chez les pros, c’est la même chose, mais ça dépend aussi de la philosophie de l’entraîneur. Parfois, il prend les gardiens à l’entraînement, d’autres fois non et on s’adapte en fonction de cela. 
 

Quiez : « Des gardiens techniques »


Quelle est votre vision commune du « gardien type » de l’OGC Nice ?

J.Q. : Pour établir ses caractéristiques, nous nous basons sur le projet du club et la façon de jouer de l’équipe. Notre marque de fabrique, c’est de former des gardiens bons avec leurs mains... mais aussi avec leurs pieds.

L.L. : C'est ça. Un gardien qui sache jouer au pied pour pouvoir ressortir proprement le ballon, qui puisse évoluer haut, qui ait une bonne gestion de la profondeur, qui soit agressif et bon sur les ballons aériens. Chez les petits, on cherche à former des gardiens pour qu'ils sachent tout faire. À la formation, on répète la même chose, mais plus vite et plus fort. L’objectif, c’est d’amener chez les pros un gardien qui ait le moins de défauts possible.


N.D. : Ce sont des principes « à la française », mais c’est intéressant aussi de voir ce qui se fait ailleurs. Comme Lionel, j’ai travaillé avec des gardiens brésiliens, allemands, italiens... Tous ces échanges sont enrichissants. 

Qui sont les autres entraîneurs des gardiens à l’OGC Nice ?
J.Q. : À l’école de foot, on commence les spécifiques à partir de 8 ans. Melvin Maurice s’occupe des catégories U8 à U10 ; Nicolas Gillis et Grégory Choquenet des gardiens des U11 à U15 du groupe qui n'appartient pas à la section sportive. Sur ladite section sportive, c’est Nicolas, Grégory et moi. À la formation, Grégory est en apprentissage, comme je l’ai été à mon époque, et il fait le lien. Il est le référent préformation gardien de but à plein temps.

L.L. : Il y a aussi Bernard Cora, avec qui je travaillais chez les pros, qui est devenu le préparateur physique des gardiens. Ça va toujours dans le sens de l'individualisation du travail. Il établit les programmes de musculation, de renforcement et de développement physique en fonction des spécificités du poste.

N.D. : C’est un poste important car il permet de soulager les entraîneurs de gardien qui peuvent se concentrer sur la technique pendant les séances. 

*Bios Express :

Nicolas Dehon : Débuté à l’INF Vichy, le parcours de gardien de but de Nicolas Dehon se poursuit à Troyes, alors en DH. Après avoir connu 7 montées en autant de saisons, il intègre le staff de l'ESTAC aux côtés d’Alain Perrin. Parti au Havre dans le staff de Philippe Hinschberger, Nicolas Dehon travaille successivement au PSG auprès d’Antoine Kombouaré puis à l’OM avant de retrouver la capitale pour 3 saisons avec Laurent Blanc puis une avec Unaï Emery. Après une courte expérience à l’Amiens SC, il arrive à l’OGC Nice en janvier 2020 et intègre le staff de Patrick Vieira.

Lionel Letizi : Ancien gardien professionnel, Lionel Letizi débute sa carrière à l’OGC Nice où il évolue entre 1992 et 1996. Après des expériences au FC Metz, au PSG et aux Glasgow Rangers, l’international français (4 sélections) termine sa carrière dans son club formateur en 2011. C’est dans le Comté qu’il entame sa reconversion au poste d’entraîneur des gardiens, dans le staff de Claude Puel. Depuis janvier 2020, il occupe le poste d’entraîneur général des gardiens du centre de formation.

Jérémy Quiez : Arrivé à Nice à l’âge de 15 ans, Jérémy Quiez intègre le centre de formation de l’OGC Nice. N’ayant pas franchi le cap du professionnalisme, l’ancien gardien reprend des études à la faculté de sport avant de devenir entraîneur adjoint pour les gardiens de but aux côtés de Thierry Malaspina. Jérémy Quiez est dans le staff de l’OGC Nice depuis 9 années.​ 

 

M.S. / C.D.