Nice - Nantes

Ipoua : « Cela signifie que j'ai laissé une trace »

La rédaction d’OGCNice.com a saisi son téléphone pour prendre des nouvelles de l’ancien Aiglon mis à l’honneur en marge de l’avant-dernière réception de la saison (Nice – Nantes, ce samedi à 20h). Au bout du fil, le grand Samuel Ipoua nous a retracé son parcours passionnant, du prologue à l’épilogue. Interview. 

Sam, raconte-nous ton arrivée au Gym…
Je suis arrivé en 1988, en provenance de Strasbourg. Un recruteur de l’OGC Nice, René Giordano, m’avait repéré lors d’une édition de la Coupe des Régions. Il m’a proposé un essai. Un test avéré concluant. 

Comment s’est déroulée l’intégration au centre de formation ?
À l’époque, je n’étais qu’un adolescent. Je me suis rapproché de Bob Sénoussi, Louis Gomis et Youssef Salimi. Cela m’a permis de m’adapter plus facilement. Et puis finalement, le centre, c’était un peu l’école de la vie : dès que tu ne savais pas quelque chose, tu l’apprenais grâce à tes camarades. Il y a eu de franches rigolades ! C'est grâce à toutes ces expériences de pensionnat que je suis devenu un homme.

... puis dans le vestiaire des pros ?
Même s’il y a eu des moments difficiles, lorsque tu disposes des qualités requises, l’intégration se passe toujours bien. Mais il fallait avoir du répondant pour s’imposer à Nice. 

Et toi, avais-tu cette force de caractère ?
Oui. Celle-ci me permettait de rebondir après les blessures ou lorsque j’avais des points à améliorer. Je revenais plus fort, en répondant présent sur le terrain. En plus, j’étais seul. Il n’y avait aucun membre de ma famille autour de moi. Je n’ai jamais flanché parce que j’étais investi d’une mission : réussir. 

La remontée dans l’élite

Tes années niçoises, quels souvenirs en gardes-tu ? 
Je venais du froid de Strasbourg et j’ai découvert un autre monde, un autre football, une autre façon d’apprendre le métier. J‘ai signé mon premier contrat professionnel à Nice. Nous formions une très bonne génération, même si certains n’ont pas percé comme ils l’auraient mérité.  

Nous sommes obligés d’évoquer le titre de D2 à l’issue de l’exercice 1993-94. Est-ce finalement le temps fort de ton passage sur la Côte d’Azur ?
Nous avions l’ambition de nous démarquer en hissant le club à nouveau dans l’élite. Nous avons profité du redressement financier et de l’interdiction de recruter pour que l’ossature du centre de formation soit propulsée dans le grand bain. Les meilleurs ont donc été appelés en équipe première. C’était une très bonne année, surtout quand l’objectif est atteint avec la jeune génération. 

Pour célébrer la montée en D1, tes coéquipiers s’étaient teint les cheveux en blond. Toi aussi ?
Je m’en souviens vaguement mais non, je ne crois pas. (Rires)

« James (Debbah) m’a régalé »

Tu as inscrit 9 buts lors de l’exercice 1995-96. Seul un de tes coéquipiers en comptabilisait davantage : James Debbah avec 12 réalisations. Quelle relation te liait à lui ?
Nous avions une bonne complicité. Nous nous voyions assez régulièrement à l’extérieur, que ce soit avec (Joe) Nagbé ou (Mohamed) Chaouch. James m’a régalé sur quelques matchs en me donnant le ballon pour marquer. Nous nous sommes bien amusés devant lui et moi. 

Représentait-il un modèle pour toi ?
C’était un sacré joueur, de très haut niveau. Il avait une capacité technique au-dessus de la moyenne, une justesse vraiment excellente. Comme j’étais plus jeune, James (Debbah), Robby (Langers), Jules (Bocandé), Tony (Kurbos) et Mohamed (Chaouch) ont toujours été des exemples à suivre. Je les ai toujours scrutés dans leurs déplacements et leur finition devant le but. Toujours avec beaucoup de bienveillance. C’était extrêmement enrichissant d’observer ces messieurs-là car, à mes yeux, il s’agissait d’avant-centres de référence. 

Tu as également côtoyé Lionel Letizi, Fred Gioria ou encore J.-P. Mattio… Devenus depuis membres du staff du Gym. Comment perçois-tu cela ? 
Je ne suis pas surpris. S’il y avait des garçons sur lesquels nous avions dû parier, ils seraient forcément sortis du lot. Ils ont, très tôt, développé leurs capacités à se concentrer, à analyser un entraînement ou même un joueur. Lio (Letizi) a toujours été un garçon gentil, travailleur, consciencieux et bien encadré par sa famille. J’étais d’ailleurs très proche de son père et de son grand père. Ils m’invitaient à manger chez eux, le dimanche, lorsque j’étais tout seul. Quant à Fred (Gioria), c’était un joueur de club et de devoir. 

Au Ray, les supporters chantaient un hymne à ton nom. T'en rappelles-tu ? 
Hum... "Ouah, ouah, Ipoua", c’est bien cela ? Je m’en souviens, ça me faisait plaisir d’ailleurs. Ce chant rendait jaloux, gentiment, certains coéquipiers qui n’avaient pas ce genre de distinction.

Donne-nous des noms…
Un (Yves) Mangione ou un (Mohamed) Chaouch… Et même un James (Debbah) ! (Rires)

Un grand tour d’Europe

Puis l’Inter Milan te remarque. À l’été 1996, tu rejoins les Nerrazzurri, ces géants européens…
C’est impressionnant lorsqu’une telle maison t’invite chez elle. Tu sais que tu as franchi un palier. Aujourd’hui, avec le recul, je me dis que je n’étais peut-être pas prêt à passer ce cap. 

Mentalement ? Physiquement ? 
Les deux. J’étais jeune et je me suis retrouvé avec la crème de la crème : Djorkaeff, Ronaldo, Recoba… Des mecs ayant déjà énormément prouvé à leur poste. L’erreur que j’ai faite, c’est d’être arrivé sur la pointe des pieds. À partir de là, aux côtés de tels joueurs, tu perds déjà beaucoup d’influence et tu n’es plus toi-même. Malgré tout, c’était une bonne expérience et je suis content d’y être allé.

Et ensuite, tu sillonnes le Vieux Continent… 
Je suis passé par le Toro mais des blessures récurrentes m’ont coupé dans mon élan alors que j’avais commencé à être le chouchou. Quand tu signes dans de tels clubs, composés d’un effectif d’une trentaine de joueurs, tu ne peux pas te permettre d'être absent plus de deux semaines. Quelqu’un prend ta place immédiatement et les gens n’attendent pas ton retour. Mais bon, c’est la vie…

Champion du monde, buteur en finale

 

Tu es sélectionné par Roger Lemerre pour représenter la France à la Coupe du monde militaire en 1995. Une fierté ?
Cette quinzaine a été un bon moment, passé avec de grands joueurs également. Nous nous entendions tous bien et inscrire ce but en finale… Nous étions tous vraiment heureux ! 

Justement, raconte-nous ce but victorieux !
Je m’en souviens comme si c’était hier. Vikash Dhorasoo et Olivier Dacourt m’en parlent lorsque nous nous croisons. Même Roger Lemerre m'en a touché un mot, l'an passé, aux Trophées UNFP. De la tête, je reprends un centre d’Eloi, côté gauche, dans un Stadio Olimpico de Rome bien garni à l’occasion de cette finale contre l’Iran (1-0)

Trois ans plus tard, tu disputes le Mondial 1998 avec les Lions indomptables. Comment s’est effectuée la jonction avec le Cameroun ? 
Nous étions en pleine période de double nationalité où quelques sélectionneurs étaient montés au créneau auprès de la FIFA. Ils disaient que c’était anormal que des joueurs ayant une sélection avec les jeunes soient bloqués. Puis la réglementation a changé et j’ai reçu un appel de Claude Le Roy qui m'a convoqué avec la sélection camerounaise.  

Puis l’heure de la reconversion a sonné. Était-ce une étape compliquée à surmonter ?
Dans un premier temps, non. Je me baladais un peu partout, je m’amusais avec des amis et après, je me suis rendu compte qu’il fallait trouver une occupation. Il y a eu une petite traversée du désert. Je n’ai pas fait de grandes études et il a fallu être fort mentalement pour rebondir. J’ai commencé par m’occuper du recrutement pour une équipe toulousaine. Ensuite, j’ai un peu travaillé dans les médias (beIN SPORTS, L’Équipe 21, RMC). Et en 2016, je suis parti aux États-Unis, à Miami, pour la PSG Academy. J'en suis revenu il y a trois mois. 

« Le public niçois peut être fier »

Suis-tu toujours l’actualité du Gym ? 
Bien sûr. Nice occupe une place bien au chaud, près de mon cœur. Comme toutes les formations par lesquelles je suis passé, je regarde les résultats et constate les changements chez les jeunes. 

Quel regard portes-tu sur la saison en cours ?
Il y a eu des inquiétudes par rapport aux précédentes saisons où Claude Puel et Lucien Favre ont placé le club très haut mais Patrick Vieira s’en sort remarquablement bien. J’ai d’ailleurs regardé Nice au Parc dimanche dernier (1-1), l’équipe a bien déployé son jeu. Atal a été bon et Saint-Maximin, avec un peu plus de réussite, pouvait marquer le 2-0. Le public niçois peut être fier de Patrick Vieira et de ce que l’équipe produit. 

Ce samedi, avant Nice – Nantes (coup d’envoi à 20h), tu reçois le trophée des Anciens Aiglons à l’Allianz Riviera. Comment envisages-tu ces retrouvailles avec les fans ?
Depuis que je suis parti, je suis allé deux fois au Ray. Ça fait un moment que je n’ai plus croisé les supporters niçois. Il s'agira de ma première à l’Allianz. Que le club marque le coup et me remette cette distinction devant le public, cela signifie que j’ai laissé une trace, même si elle est minime, et que les fans se souviennent de moi. Cela me donne des frissons. 

Solène Falaise

« Raconte-moi... » : Rendez-vous à 18h30 au Café des Aiglons


Avant chaque match à domicile, l'ancien joueur mis à l'honneur par le club part à la rencontre du public niçois au Café des Aiglons (Musée national du Sport, à l'Allianz Riviera). L'occasion pour lui de revenir sur ses années en Rouge et Noir, de répondre aux questions des supporters et de se livrer à une séance de dédicaces. Ce samedi, Samuel Ipoua vous donne rendez-vous à 18h30.