Interview

Pablito : « L'amour au premier regard »

Débarqué de Rome en janvier 1999, Pablo Rodriguez a illuminé l'entrejeu rouge et noir durant 3 saisons et demie. Avec un talent à la mesure de sa longue crinière noire, une grinta innée et des buts d'anthologie, le meneur de jeu a marqué le Ray et ses supporters. Une histoire d'amour - encore une - entre Nice et un Argentin, qui a permis à la 5e ville de France de retrouver sa place parmi l'élite. 16 ans plus tard, « Pablito » a décidé de revenir s'installer sur la Côte d'Azur. Les crampons rangés et les cheveux coupés, celui qui a entamé sa carrière d'entraîneur en Uruguay n'a pas tardé à rendre visite à son club de coeur. Avant de retrouver ses supporters - il sera mis à l'honneur lors de la réception de Lille ce vendredi - le numéro 10 nous a accordé une large entrevue.

Pablo, à Nice, tu changes de prénom…
C’est clair, personne ne m'appelle Pablo ici ! Lors de mon premier match à Nice, après 20 minutes, l'arbitre nous accorde un coup franc. J’entends la Brigade Sud chanter « Pablito, Pablito… ». J’étais arrivé 2 jours plus tôt et je ne comprenais rien : je me suis demandé si c'était pour moi. J’ai eu la chance de marquer le coup franc, et ils ont continué à chanter. C’est resté depuis. Pour moi, c’est une marque d’affection de leur part. Ces supporters, ce club, cette ville... On a trouvé l’amour au premier regard, je ne l’explique pas.

« J'aimais faire des petits trucs avec le ballon »

Comment expliques-tu cette connexion entre le Gym et les Sud-Américains ?
Les Niçois aiment l’esprit sud-américain, leur grinta et leur technique. Sur le terrain, je voulais profiter au maximum. J’aimais faire des petits trucs avec le ballon : un petit pont, une talonnade, un ciseau… je pense que les supporters aiment ça.

Tu avais promis de revenir vivre ici, c’est chose faite.
Oui, ça y est ! Ça s’est mal fini avec l’OGC Nice, car j’ai été contraint de partir par les dirigeants de l’époque. J’étais triste car j’adore la ville et le club. En Argentine, tout le monde est pour le Real Madrid, le Barça, Manchester… mais moi je suis supporter du Gym ! Mes enfants aussi, ils sont à fond. Ils ont hâte de découvrir la ville et de venir voir un match ici.

Lors de ton départ, as-tu pensé à rejoindre une autre équipe française ?
Jamais. Quand j’ai quitté Nice, Metz et Saint-Étienne m’ont contacté. Mais j’avais promis dans une interview que je ne porterai jamais un autre maillot en France que celui du Gym. J’ai tenu ma parole et j’ai rejoint Leganes.

« Là pour apprendre et progresser »

 

Comment s'est passée ta reconversion sur le banc ?
J’ai été adjoint de Marcelo Gallardo au Nacional Montevideo. Comme nous avions tous deux disputé notre premier match à 16 ans, nous n'avons pas eu peur de lancer des jeunes. Ils ont su saisir l'opportunité, et beaucoup ont été transférés en Europe par la suite. Nous avons fait du bon travail et été sacrés champions. J'ai ensuite pris les rênes de 2 autres formations de D1 uruguayenne (CERRO Montevideo et Danubio). 

Qu’est-ce qui a motivé ta décision de revenir vivre ici ?
Ça fait longtemps que j’avais ça dans un coin de ma tête. Vous savez, j’ai tellement d’amour pour Nice… Et ça, c’est grâce au Gym. Mon rêve est d’entraîner l’OGC Nice un jour. Mais ce n’est pas le moment : je dois continuer à apprendre et à progresser, pour devenir meilleur chaque jour, à l'image de ce que fait Fred' Gioria (entraîneur adjoint, ndlr).

Quel souvenir gardes-tu de Fred' ?
J’ai un très bon souvenir de lui, sur le plan humain. Une semaine après mon arrivée, alors que je ne parlais pas un mot de français, il m’a invité à manger chez lui et m’a présenté à toute sa famille. Ce geste, je ne l'oublierai pas. J’ai suivi son parcours. Il a pris beaucoup d’expérience. On a échangé un peu l’autre jour, et c’était très intéressant. Il a tout pour devenir coach n°1 un jour.

« Je leur ai dit : "Aujourd'hui, on va monter" »

Quel est ton plus beau souvenir à l’OGC Nice ?
Il y en a tellement : mon premier match, les amitiés créées avec mes coéquipiers, ou encore avec Martine, notre 2e Maman (secrétaire sportive du club, ndlr). Mais si je dois en retenir un, c’est le jour de la montée, face à Istres (3-0), où nous avions besoin d’une victoire. Quand on est entré sur le terrain, le Ray était plein. J’ai dit à mes coéquipiers : « Il faut jouer tranquille et profiter de ce moment. C’est un match qu’on ne va jamais oublier car aujourd'hui on va monter ». On a eu la chance de le faire, et le bon Dieu m’a touché encore une fois car j’ai marqué le 3e but. Impossible d’oublier !

Quel regard portes-tu sur l’évolution du club ?
J’apprécie beaucoup la gestion du Président Rivère, qui a bâti un club de haut niveau. Rien n’est fait à l’improviste. Il a pensé au futur avec le nouveau centre d’entraînement. C’est un club formateur, qui forme non seulement des joueurs mais aussi des hommes. Il faut aussi souligner le travail de Claude Puel, qui nous a fait grandir comme équipe, et de Monsieur Favre, qui continue sur le même chemin. 

« Nous nous sommes habitués aux bonnes choses »

Comment juges-tu la saison de l’OGC Nice ?
Inconsciemment, nous nous sommes peut-être habitués aux bonnes choses. On demande toujours plus : la L1, puis le maintien et maintenant l’Europe. Le club avance, avec des jeunes qui s’affirment et s’imposeront pour certains dans de très grands clubs. 

Ce match face à Lille sera important...
Le LOSC a misé sur de jeunes joueurs avec Marcelo Bielsa, qui a fait du très bon travail, même si ça ne s’est pas concrétisé par des victoires. Après 6 mois, ils ont progressé et se sont adaptés, grâce également au nouveau coach (Christophe Galtier ndlr). Il faudra jouer sérieux et ne pas croire qu’on a déjà gagné. Mais pour moi, on doit prendre les 3 points à la maison. On va gagner.

En tant qu’Argentin, suis-tu les performances de Walter Benitez ?
Bien sûr. Quand il est arrivé à Nice, il m’a appelé pour que je lui donne des conseils. Je lui ai répété les mots que m’avait dits Pancho Gonzalez à l’époque : « Sois tranquille, il faut que tu travailles, tu es dans une ville magnifique et dans le meilleur club en France ». Il est encore jeune, mais il semble avoir grandi comme joueur et comme homme. Ça se ressent dans la cage, où il paraît plus sûr et plus solide. Ses performances sont suivies au pays, et s’il continue, il aura la chance d’être appelé en équipe nationale. A l’époque, même si on était en D2, j’avais été sélectionné, mais je me suis blessé au genou 2 jours avant... Ce serait magnifique de voir un Niçois avec l’Albiceleste.

« La reconnaissance, c'est après la mort, sauf à l'OGC Nice »

Après Nice - Lyon (en 2013) et Nice - Rennes (2016), ce sera la 3e fois que tu seras mis à l’honneur par le club…
La place accordée aux anciens, avec notamment la tribune réservée,  et les hommages à chaque match, ça s’inscrit dans la lignée de la gestion du club. Cette reconnaissance n’existe pas partout. Souvent, la reconnaissance n’intervient qu’après la mort, mais pas à l’OGC Nice !

L’équipe des anciens Aiglons va enregistrer un joli renfort...
(Rires). Je suis prêt ! Je prends toujours plaisir à jouer, s’ils m’invitent à jouer, même 10 minutes, je serai ravi.

Pour conclure, que souhaites-tu dire aux supporters avant de les retrouver ?
Lors de mon premier retour, au Ray, je pensais qu’ils m’auraient oublié après 10 ans d'absence… Mais leur ovation m’a beaucoup touché. Pour le 2e, à l’Allianz Riviera, ils ont encore scandé mon nom, avec une banderole en Espagnol : « Pablito, Bienvenudo a tua casa ». J’avais du mal à la regarder car j’avais des larmes plein les yeux. Ils m’ont même invité à passer la 2e mi-temps en populaire et m’ont permis d’accomplir un rêve : lancer un chant au micro. C’était magique. J’ai hâte de les retrouver ce vendredi. La dernière fois que je suis venu, on a gagné (3-0 face à Rennes). Je signe pour la même chose !

 

Rendez-vous à 17h30 au Café des Aiglons !

Une heure et demie avant le coup d'envoi de la 28e journée, Pablito partira à la rencontre des supporters au Café des Aiglons. A partir de 17h30, il répondra aux questions des Niçois, chez qui il occupe toujours une place de choix. Il recevra, dans la foulée, le Trophée des Anciens Aiglons dans le rond central. 


F.H.