Portrait

Yoan Cardinale, plus vrai que nature

En bientôt 7 ans de vie au Gym, il n'avait jamais franchi les portes du bureau des médias du club. La démarche assurée et l'oeil curieux, Yoan Cardinale (21 ans) a réparé cette anomalie par une après-midi d'automne. Dehors, des nuages dans le ciel. Au mur, un portrait de Fabian Monzon. Dans la tête du portier, pas mal de souvenirs. « Juste avant le 1er tour de Gambardella, je m'entraînais avec les pros. Je me suis fait une entorse de la clavicule en arrêtant une frappe de Monzon. Un souvenir difficile. Mais bon, Monzon, il faut avouer qu'il frappait quand même fort. » Le ton est spontané. Mêle le sérieux, la franchise et le second degré. Un plaisir contagieux et des anecdotes à la chaîne. Découvrez l'itinéraire du 3e gardien du Gym, personnage important du vestiaire rouge et noir. « Grande gueule » modeste et pleine d'espoirs.

Un petit pont à Ljuboja en guise de baptême

« Je me souviens que lors de mon premier entraînement avec les pros, j'avais mis un petit pont à (Danijel) Lluboja dans un toro. J'avais 15 ans et demi. Après la séance, il m'avait dit que c'était bien, mais qu'il fallait éviter de lui refaire ça à lui... » Cardi' se marre au moment d'énoncer un souvenir riche de sens. Une résurgence permettant de cerner la personnalité du garçon. Insouciant, travailleur, l'enfant de La Ciotat découvre le football à St-Cyr. En pointe, « à la Inzaghi », comme il le confesse chaudement.

Il file dans les bois à l'âge de 5 ans en précisant : « Devant, ce n'était pas fait pour moi ». Promène un style explosif et casse-cou dans les divisions départementales et régionales, à l'OM, dès l'âge de 7 ans. Puis à Air Bel, en 13 ans DH et 14 fédéraux : « Je signe à Nice un jeudi. Le dimanche qui suit, on rencontre Nice avec Air Bel, avec qui je finis le championnat et... je marque un but sur un dégagement, car il y avait du vent. » Le jeune ayant tapé dans l'oeil de nombreux recruteurs rallie finalement la capitale azuréenne. Le Gym. Se fond dans la ville et tombe amoureux du club. « Ça va faire 7 ans que je suis là. 7 ans, c'est long. Le Gym représente tout pour moi. Si je suis ici et que j'ai pu réaliser mon rêve, c'est grâce à l'OGC Nice. Je pourrais même dire que je suis Niçois, que je suis né à Lenval et tout... »

Enraciné

Avec son accent chantant, Yoan n'est pas perdu sur la Côte, même s'il débarque forcément « avec beaucoup de peur » à l'adolescence. Sa famille n'est jamais loin. Très rapidement, sa gouaille et son tempérament tourné vers les autres lui permettent de s'acclimater au mieux. Ses performances  lui offrent une cape en équipe de France U19 (face à la Suisse) : « Un rêve de chanter la Marseillaise avec le maillot bleu ». Tout va vite, puisqu'il participe rapidement aux entraînements du groupe fanion. Pour autant, sa trajectoire niçoise n'est pas une ligne droite, et emprunte des virages que seuls les costauds abordent sans sortie de route.

Rapidement en concurrence avec Mouez Hassen, Yoan Cardinale apprend le rôle de doublure. Répond présent à chaque fois qu'il est sollicité. Ne lâche jamais rien. Se bat. Se forge une carapace, et analyse la situation avec un sens du collectif décontenançant. « Avec Mouez, je pense que notre situation est très claire. Ça fait 6 ans qu'on est ensemble, on se connait super bien. En dehors, on a une amitié très forte. Sur le terrain, c'est une concurrence loyale. Il sait que je ne vais pas lui faire de coups par derrière. Pareil de son côté. Si je dois être meilleur que lui, je le serai. Et pareil de pour lui, comme c'est le cas actuellement. Mais quand on est associés tous les deux, on se sent bien. On sait gérer, parce qu'on a cette complicité qui fait qu'on est libérés ».

« Lionel, ce qu'il y a de mieux pour nous »

Ces vertus morales - auxquelles se greffe un vrai talent - lui permettent de signer pro à l'été 2013. A 19 ans. A un âge où il connait déjà la maison et où il peut regarder devant.

Les balises aiguillant son chemin se montrent d'ailleurs  rarement exotiques. Les références à son poste ? « Hugo Lloris, et David Ospina. » Les hommes l'ayant marqué ? « Je suis aussi venu à Nice grâce au coach Malaspina, avec qui je me suis tout de suite bien entendu. Je vais aussi citer le coach Pires, Christophe Hernandez ou Thierry Quoex. » Sa relation avec Lionel Letizi (entraîneur des gardiens) ? « Il est très proche de nous. Il a tout vécu, les meilleurs et les pires moments qu'un gardien puisse vivre. Il nous dit quand s'affoler, quand calmer. Pour nous, c'est ce qu'il y a de mieux... » Du local. De l'authentique. Des figures tutélaires grimées de rouge et de noir.

« 3e gardien ? Le rôle le plus laid... »

Proche « de tout le monde dans le groupe », le numéro 30 joue pleinement un rôle qu'il analyse sans concession : « 3e gardien, c'est le poste le plus laid qu'il y ait dans le foot. On est là tous les entraînements. Quand les attaquants ont besoin de nous, on travaille avec eux. Et au final, on ne joue pas ou on n'est pas dans le groupe. C'est dur, mais il faut être là pour l'équipe. Dans le vestiaire, c'est important de bien s'entendre avec tout le monde, de donner des conseils au besoin. Il faut aussi montrer à Mouez et à Simon que je suis là. Qu'ils ne croient pas que je suis loin derrière. Les piquer pour qu'ils augmentent leur niveau, et prouver au groupe qu'en cas de problème, il ne doit pas avoir peur. »

Omniprésent cet été – où il porta même le brassard face à Lausanne – Yo' entend désormais emmagasiner encore plus d'expérience pour franchir de nouvelles étapes. Rapidement. Mais toujours avec mesure et discernement. « Mes objectifs à court terme ? Rester avec le groupe le plus longtemps possible, en attendant que Simon fasse son retour. Continuer à vivre les bons moments que je vis. Montrer au coach que je peux être plus qu'un numéro 3, et pourquoi pas disputer mes premières minutes en L1. »

Histoire de prouver aux caméras de toute la France que son épaule ne craint plus les frappes lourdes...

C.D.