Kinés, Ostéos, Docteurs

Derrière les « F1 »

Au bord du terrain ou en salle de soins, ils observent tout. Notent les moindres détails. Ajustent. Corrigent. Etirent et conseillent. Hommes de confiance et de stabilité, les ostéopathes et kinésithérapeutes du Gym oeuvrent au quotidien pour placer les joueurs dans les meilleures conditions. Prévenir, guérir, remettre les corps d'aplomb. Mais surtout pour que les Aiglons prennent conscience qu'une somme de petits efforts supplémentaires peut améliorer leur rendement final. Leur performance sur l'aire de vérité. En ce vendredi de fin de stage, zoom sur des hommes de l'ombre dont le travail se prolonge en pleine lumière.

« Leur corps, c'est une formule 1, plus performante et plus fragile qu'une voiture normale. Il faut l'entretenir pour qu'elle puisse rouler. Sa mécanique s'avère complexe, précise, bourrée de circuits et ultra fragile. Il faut beaucoup de techniciens hyper spécialisés pour régler ces machines. Alors que pour une voiture lambda, un seul mécanicien peut tout faire... » La comparaison est signée Olivier Poumarat, l'un des ostéopathes « bio-mécanicien » du Gym (avec le docteur Alexandre Gabinski). Elle esquisse d'une manière simplifiée les contours de la mission de ces « ouvriers des corps ».

La version finale et pratique se charge de dessiner le reste. Chez l'ostéo, les joueurs n'hésitent pas, se laissent guider. Confiants. Genou bloqué, mâchoire verrouillée : les « symptômes » apparaissent souvent communs aux différents postes, conséquences des déplacements et de l'activité sur le pré. Ils peuvent « enraidir » un joueur jusqu'à lui faire perdre 15° de l'amplitude articulaire (en moyenne), ce qui aura un impact négatif sur son jeu (tirs, contrôles, déplacements...) et décuplera les risques de blessures. Un coup d'oeil précis à la démarche « du sujet » suffit à établir rapidement les éléments à corriger. Reste à passer sur la table pour poser des actes sur ces idées.

« Le corps est une succession d'articulations, maintenues par les haubans que sont les muscles et les ligaments, poursuit Olivier. Tout ça est extrêmement instable car nous sommes des bipèdes. Du coup, ce sont les chaînes musculaires qui vont travailler pour rattraper le coup en permanence. Le sport de haut niveau exacerbe les déséquilibres en tirant fort dessus. Le boulot de l'ostéo, c'est de retrouver cet équilibre. De corriger le tir, et de compléter le suivi du joueur avec le kiné, pour les massages et le stretching. Un travail indispensable pour équilibrer le côté musculaire, car c'est la tension de ces haubans qui va ramener les verrouillages articulaires. Si je travaille sans les kinés, ça ne tiendra pas. Et vice et versa. »

Sens du collectif

Une fois les corrections apportées, les Rouge et Noir peuvent se diriger vers l'autre partie de leurs soins. Chez les kinés. Sous la houlette de Philippe Boulon, Rémy Garcia, Anthony Mignante et leur stagiaire, les joueurs retrouvent la table. Se soignent par les étirements. Parfois dans la douleur. Toujours dans l'intérêt général.

Un travail physique qui s'accompagne également d'une modélisation des esprits, effectuée dans un unique but : faire entrer les bonnes habitudes dans les quotidiens. «  Au-delà d'une F1 qui n'est pas vivante, il y a l'individu qui intervient, embraye Rémy Garcia. Il faut faire en sorte que le joueur prenne conscience qu'il est une F1, et que le premier acteur de sa carrière, c'est lui. Nous allons l'aider à comprendre qu'il faut prendre soin de lui, s'écouter convenablement. Pourquoi le faire, comment le faire sans en avoir apparemment besoin ? C'est ce qu'on appelle la prévention. Il faut qu'on le guide sur cette route-là, car les soins invisibles (sommeil, qualité de vie, étirements, nutrition...) font partie de la réussite d'une carrière. Ce travail est fait pour le protéger. Notre premier objectif, c'est de tout faire pour qu'il n'ait pas mal. Après, si c'est le cas, on le soigne. »

Cet idéal atteint son paroxysme en stage, où le fait de vivre en communauté facilite les échanges. Mais il reste également présent tout au long de la saison, où kinés, doc' et préparateurs physiques se réunissent au quotidien pour établir « les protocoles de prévention. » Soigner les blessés de manière à ce qu'ils reviennent plus forts, et assister les joueurs au bord de la pelouse ou en salle de soins. Un « marathon » dont la réussite est chevillée à l'effort collectif. « Chaque mauvais mouvement implique une compensation sur les autres, reprend Garcia. Un genou qui fait mal peut bloquer un dos. Prenons l'exemple d'une cuisse blessée. Le Kiné va lui redonner de la force, du maintien, de la puissance. Et l'ostéo va libérer le genou, la hanche, le dos, afin d'optimiser la rééducation. Les postes sont très complémentaires. Si tu ne fais que l'ostéo, tu ne remuscles pas ta cuisse. Et si tu ne fais que le kiné, il va te manquer l'harmonie du mouvement qui ira avec ta cuisse remusclée. Avec les deux, c'est bien. Et si tu vois le podologue qui te fait une semelle et le docteur, c'est encore mieux. C'est le collectif, et c'est sans fin. A condition que tout le monde parle le même langage et désire aller dans le même sens. Ce qui est le cas chez nous. »

C.D.