Interview

Louvel : « C’est un honneur »

Johann Louvel (44 ans) dirige la réserve de l’OGC Nice depuis le 13 juillet. Homme d’expérience et de terrain, passé par toutes les strates du centre havrais, le banc des pros et l’académie Mohamed VI, le coach prend progressivement ses marques dans son nouvel univers. A un mois du début du championnat de N3, il nous livre ses premières impressions, avec humilité, plaisir et ambition.
 

"S’il y a un vrai projet sportif excitant aujourd’hui en France, c’est à Nice"


Johann, pourquoi avoir choisi de rejoindre le Gym après le Havre et le Maroc ?

Pour une bonne raison : s’il y a un vrai projet sportif excitant aujourd’hui en France, c’est à Nice. J’avais d’autres opportunités, mais le Gym et les hommes qui y sont ont été déterminants dans mon choix. Julien Fournier (directeur du football), Manu Pires (directeur du centre de formation), Fred Gioria (talent manager) sont des personnes saines, reconnues et extrêmement compétentes dans le monde du football. Donc mon choix s’est fait naturellement.

A quelles facettes de ce projet as-tu été sensible ?
La plus importante, c’est la cohérence d’ensemble. Tout est pensé et axé autour d’une vraie ligne directrice. Quand on travaille en formation, on est là sur le long terme. Les résultats n’arrivent peut-être pas tout de suite. C’est pour ça qu’il y a besoin de cohérence, de bas en haut, des jeunes à la première, avec des hommes qui connaissent le football, qui sont performants et efficaces. Tous ces critères, je les retrouve ici.

As-tu déjà eu l’opportunité d’échanger avec Patrick Vieira ?
Oui, dès son retour de stage. Le premier contact a été à la hauteur de la personne. Patrick est quelqu’un d’extrêmement ouvert. C’est pour moi une qualité importante et c’est très gratifiant de se retrouver au milieu de ce genre de personnalités. En plus de sa compétence, c’est quelqu’un d’extrêmement classe.

C’est important pour toi de savoir que des passerelles fortes existent entre le centre et les pros ?
Bien sûr ! Encore une fois, si on veut avoir un projet cohérent entre la formation et l’équipe première, il faut des hommes disposés à le mettre en œuvre. Patrick a ce profil et c’est plaisant de travailler avec lui.

Quels objectifs te fixes-tu cette saison ?
Notre priorité est d’alimenter l’équipe première, de former et d’amener les meilleurs éléments au maximum de leur potentiel. Tout ça passe, en amont, par un bon recrutement. Même si nous cherchons toujours la gagne, au-delà des matchs du week-end, nous devons préparer les jeunes à répondre aux exigences du dessus, que ce soit sur le plan athlétique, technique ou mental. C’est ce qui est difficile, car il y a une marche importante avec le très haut niveau requis par le monde pro.

Qu’as-tu retiré de ton expérience de 3 saisons au Maroc ?
J’ai passé 22 ans au Havre et je voulais vivre une expérience à l’étranger. Je ne regrette pas du tout. Chaque culture, chaque joueur, chaque profil a des spécificités sur le plan du jeu. En tant que formateur et en tant qu’homme, c’est très enrichissant. Sur le plan du management aussi. Je trouve que cela m’a permis d’élargir encore plus mon champ de compétences.

Quelles différences as-tu noté dans la formation des jeunes entre le Maroc et la France ?
L’Académie Mohamed VI est une structure prestigieuse. Elle fonctionne comme un centre de formation tel qu’on le connaît en France, avec un objectif un peu différent, puisqu’il s’agit de former tous ces jeunes à l’exigence et aux habitudes du football français et européen, qui est assez différent de ce qu’ils ont connu dans leur parcours. On travaillait beaucoup avec l’Espagne aussi. C’était quelque chose de très intéressant.
 

Âge pivot


Qu’attends-tu de la collaboration avec les différents formateurs du Gym ?

Je crois qu’on va être très complémentaires car nous avons la même approche. Mes liens avec Manu Pires et Fred Gioria vont être primordiaux, parce que les jeunes, à 18-19 ans, arrivent dans une période de formation très délicate pour eux.

C’est-à-dire ?
Ils peuvent être appelés avec l’équipe première et jouer, puis redescendre en réserve, voire en 19. Certains font un entraînement et peuvent se croire arrivés… A nous de les maintenir dans le bon état d’esprit et sur le bon chemin. C’est pour ça qu’au niveau humain, c’est extrêmement important qu’entre l’entraîneur de la réserve, le directeur du centre et le responsable adjoint de l’équipe première en charge des jeunes talents, il y ait une communication constante. Le joueur doit sentir que le discours est le même à tous les étages, que nous sommes là pour l’encadrer et l’aider à terminer au mieux sa formation. Pour moi, un jeune de 18 ans qui monte du centre ne doit pas être dans les mêmes conditions qu’un joueur de 30, aguerri et confirmé. A 30 ans, on a une grosse partie de sa carrière derrière. On a fait ses preuves. A 18, même si on s’entraîne avec les pros, rien n’est fait. Après 300 matchs de haut niveau, la donne sera différente. Mais en attendant de franchir le pas, il ne faut pas se tromper d’approche ou de comportement.

Tu as passé 22 ans au Havre, est-ce que tu vois des similitudes entre les centres des deux clubs ?
Avant tout, comme je l’ai dit, il y a de la cohérence et du sérieux. En arrivant ici, j’ai également rencontré des personnes qui aiment leur club et qui y sont viscéralement attachées. Pour moi c’est une force pour l’institution. C’était aussi le cas au Havre, un club auquel je suis attaché, mais si je dois être honnête, avec les années, je le ressentais moins. Beaucoup de personnes que j’ai bien connues ont quitté le club, d’autres sont arrivées. J’avais besoin d’un nouveau challenge. Ces valeurs très fortes, je les ai retrouvées ici à Nice et elles permettront au club de continuer sa route pour aller encore plus loin.

Dans quel état d’esprit abordes-tu cette nouvelle aventure à Nice ?
Avec beaucoup de plaisir, une grosse envie de réussir et l’ambition de mettre ma pierre à l’édifice. Je veux mener à bien la mission qui m’a été confiée. C’est un honneur pour moi de travailler à l’OGC Nice.

Tu as vu passer beaucoup de joueurs au Havre, as-tu des exemples de "formation réussie" ?
Le premier auquel je pense, bien sûr, c’est Didier Digard (entraîneur adjoint des U17 rouge et noir). Je l’ai connu en tant que joueur, pendant des années, et je le retrouve à Nice. Quand vous êtes formateur, c’est une grande fierté de voir le chemin parcouru par un jeune, surtout quand il devient éducateur derrière. Ensuite, au Havre, si je dois citer quelques exemples de formation réussie, je pense à Riyad Mahrez (Manchester City), Ferland Mendy (Real Madrid) et Benjamin Mendy (Manchester City). Ce sont des références de très haut niveau qui, au moment où je les coachais, avaient l’âge des jeunes que j’ai aujourd’hui. Cela me permet d’avoir « des points de passage », des repères par rapport à ce que les jeunes doivent faire pour y arriver.

Tu as vu rapidement que ces joueurs étaient faits pour le haut niveau ?
Un joueur, pour avoir un potentiel, d’après moi, doit posséder deux qualités très fortes. S’il ne les a pas et qu’il est moyen partout, c’est très difficile de passer au haut niveau. Avec 2 points forts, vous pouvez avoir quelques manques à côté, mais c’est une bonne base sur laquelle s’appuyer pour progresser. Les joueurs cités sont des footballeurs qui avaient ces deux points forts très, très développés. Par contre, mon travail était de les structurer sur le plan mental, de les amener vers l’exigence du haut niveau. Si on prend Mahrez, par exemple. Je ne lui ai pas appris à faire ses dribbles et ses crochets, ça, c’était en lui, dès le début. Par contre, je l’ai mis dans un état d’esprit d’efficacité lorsqu’il faisait ses gestes, de compétiteur pour faire mal, dans ses dribbles, ses efforts, ses courses. Ferland (Mendy), il fallait le canaliser, lui apprendre à prendre le couloir pour terminer par un centre, pas simplement pour le plaisir de se projeter. Le tout en ne négligeant jamais les replacements et les phases défensives. C’est sur tous ces aspects là que j’ai l’impression de pouvoir impacter. Et c’est justement sur ces détails que la différence se fait entre ceux qui arrivent à passer le cap mentalement et les autres.

Tu as également côtoyé Kevin Anin au Havre...
Complètement. Je sais qu’il a laissé une trace importante à Nice et que le Club continue de lui rendre hommage*. J’ai une grosse pensée pour lui que j’ai très bien connu à ses débuts en pro, puisque j’étais alors adjoint de l’équipe première. C’est d’ailleurs avec lui qu’on est champions de Ligue 2 et que l’on remonte en Ligue 1. C’est une personne très attachante avec qui j’avais une relation particulière, un affectif. A tel point qu’il pouvait jouer devant 3.000 ou 80.000 personnes, cela ne changeait rien pour lui, mais par contre, si vous lui disiez que sa maman, ses proches ou son meilleur ami étaient en tribune, il était capable de se transcender pour eux, pour qu’ils soient fiers de lui. Pour moi, Kevin était parti pour être un jour dans le top 5 des clubs européens, extrêmement complet, très bon techniquement du droit comme du gauche, avec une puissance extraordinaire. Il possédait un jeu aérien de très haut niveau et  dégageait une telle puissance qu’il aurait très vite été parmi les meilleurs au monde à son poste.

Est-ce que tu es prêt à avoir de très jeunes joueurs sous ta responsabilité pour les faire évoluer ?
Bien sûr, c’est le but. On travaille en commun avec les U19 avec l’objectif d’aspirer les plus jeunes pour gagner du temps. Aujourd’hui, tout va très vite dans le football, on a des jeunes au haut niveau à 17-18 ans. C’est notre rôle de les préparer au plus vite. Ce qui est primordial, c’est le mental et l’équilibre autour d’eux. Ce n’est pas parce qu’on joue en N3 à 17 ans qu’on va être pro, ou parce que l’on fait 2 ou 3 matchs avec l’équipe première que tout est gagné. C’est ce qui est le plus dur à faire comprendre. C’est là que l’entourage joue un rôle primordial. Si vous avez un environnement peu lucide, le jeune va s’enflammer. Par contre, s’il est entouré de personnes saines, il gardera la tête sur les épaules et sera patient.

Un dernier mot sur le championnat, le calendrier vient de tomber : est-ce que tu connais cette poule du sud ?
Je vais la découvrir car j’étais plus habitué à jouer des équipes du nord. Avec la CFA du Havre, j’ai eu l’occasion de venir en Corse pour jouer contre Bastia et Furiani. Ce qui m’importe plus que les équipes que nous allons affronter, c’est la progression de nos jeunes et que cette expérience les amène à être dans une exigence pour répondre au haut niveau.

Calendrier : le championnat débutera à Corte

Le calendrier de la N3 est tombé ce jeudi. Les joueurs de Johann Louvel débuteront leur championnat en Corse, sur le terrain de Corte, le 29 août. Leur dernier match de l’année 2020 se tiendra au Cannet-Rocheville (le 5 décembre).

2021 se lancera par un derby, puisque les Aiglons recevront Cannes le 9 janvier. Enfin l’ultime journée de la saison est programmée au 29 mai. A cette occasion, les Rouge et Noir iront à Istres.

► Cliquez ici pour découvrir le calendrier complet.

M.C.

* Paraplégique depuis son accident de voiture le 4 juin 2013, Kevin Anin a été contraint de mettre un terme prématuré à sa carrière. Pour lui rendre hommage, l'OGC Nice a retiré son numéro, le 17, et lui adresse une pensée lors de chaque rencontre à l'Allianz Riviera, où sa photo apparaît sur les écrans géants à la 17e minute.