Portrait

Clémentia, billet sans retour

Depuis plusieurs mois, les supporters niçois ont découvert le nom de Clémentia. Régulièrement couché sur la feuille de match la saison passée, le patronyme appartient à un grand gaillard, souriant et plein de vie. Derrière l’armure façonnée entre la Martinique et la Métropole, se cache l’histoire d’un jeune homme de 22 ans, qui s’est progressivement frayé une place dans le groupe professionnel. Et qui, samedi dernier, n'a pas tremblé pour ses premiers pas en L1. 

Des débuts au Club Franciscain, en Martinique. Le grand saut vers la métropole à 15 ans, avec un atterrissage à Drancy. Une escale dans le sud avant de rejoindre, enfin, l’OGC Nice. L’histoire de Yannis Clémentia ressemble furieusement à celle de Patrick Burner, d’un an son aîné. « Avec Patrick, on se connaît depuis tout petit, raconte le premier nommé. Se retrouver en pros, à l’OGC Nice, c’est assez fou ». Repéré lors d’une coupe disputée avec la sélection martiniquaise, le grand Yannis rejoint le club de Seine-Saint-Denis un an après son grand ami. « C’était dur, reconnaît-il. Tu débarques à Paris, il fait froid, il neige tout le temps… » Malgré le changement de décor, celui qui a très tôt choisi d’être "goal" - « à 6 ans, pour dépanner au début » - brille dans les cages de la J.A.D et tape dans l’oeil d’Arles-Avignon. Direction la cité des Papes, où il retrouve le soleil et quelques degrés en plus. Mais  il y rencontre aussi ses premières difficultés, avec des coaches qui l’envoient parfois jouer avec l’équipe 3, en DHR.

Patrick Burner et Yannis Clémentia, sous les couleurs du Club Franciscain.

« Ma mère n’a pas pris mon billet de retour »

« Lors de la deuxième année, j’ai failli craquer, raconte l'homme à l'accent créole. Si c’était pour jouer au niveau régional, autant le faire chez moi. Alors, à Noël, j’ai demandé à ma mère de prendre mon billet retour. Elle m’a dit "d’accord", mais ne l’a jamais pris… Heureusement ! » Laissé face à son destin, il s’accroche et enchaîne les bonnes performances. Au point de taper dans l’oeil des recruteurs de l'OGC Nice, où évolue Patrick Burner depuis une saison. « J’étais très heureux de le retrouver, mais sa présence n’a pas joué dans ma décision, explique le numéro 16, qui s’est tout de même installé « à 1 minute » de son « frérot » lors de son arrivée. « Ce qui a pesé ? La réputation du club, qui a toujours formé de grands gardiens ».

Les deux potes, à nouveau réunis sur la Côte d'Azur.

Bercé par les exploits de Grégory Coupet dans sa jeunesse (ex-OL et PSG notamment) - « j’aimais sa façon d’être, et de jouer. Il était fou, et très fort sur sa ligne », Clémentia se souvient aussi des coups d'éclat de David Ospina sous les couleurs Rouge et Noir. « Il réalisait des matchs incroyables. J’ai aussi suivi les performances de Mouez (Hassen) et Cardi, qui a fait 2 excellentes saisons. Quant à Lloris, que dire, à part que c’est l’un des meilleurs du monde ? »

« Atteindre le niveau de Walter »

Aujourd’hui, il suit de près la progression avec un grand « P » de Walter Benitez, devenu une référence dans l’Hexagone. « Sur le banc, j’ai beaucoup appris. J’ai découvert l'environnement du haut niveau, les stades. Tu observes la manière de jouer, les vices des uns et des autres : prendre son temps, réfléchir… Quand je vois Walter jouer, j’apprends beaucoup. J’essaye de prendre exemple sur lui. Il a énormément progressé depuis son arrivée. Ça force le respect ». Et donne des idées. « Avec du travail, je pense que je peux atteindre son niveau. J’ai encore une grosse marge de progression. Mon point fort, c’est le jeu aérien. Mais je dois encore progresser dans le jeu au sol et au pied ».

« Je rêve de ce moment depuis tout petit... »

« Côtoyer l'élite la saison passée m’a donné envie de continuer », raconte celui qui  se sent «  de plus en plus à l’aise dans le groupe » après une première année passée à « écouter, et à scruter les comportements des patrons comme Alass' (Plea) ou Dante ». Désormais plus volubile, le portier joue son rôle à fond lors des séances d’entraînement. « On travaille dur avec Lionel (Letizi), qui est toujours dans la recherche de détails pour nous améliorer. Il m’a notamment appris à mieux garder les ballons, plutôt que de les repousser. Avec les autres gardiens, on travaille pour nous mais aussi pour Walter : quand on est bons on lui permet d’élever son niveau. On aide aussi les attaquants ».


Hormis les matchs amicaux, Clémentia n’était jamais apparu au niveau professionnel jusqu'à samedi dernier, et un baptême du feu victorieux face à Amiens (2-1). «  Je stressais un peu avant le match mais ça allait mieux une fois arrivé sur le terrain à l'échauffement, a-t-il simplement commenté à l'issue de la rencontre. Je me suis senti comme quand je jouais avec la réserve. Je rêve de ce moment depuis tout petit. Je vais essayer de me réveiller mais ça va être compliqué. »

Fabien Hill