Vu de Marseille

Et le derby dans tout ça ?

Pense-t-on déjà à Marseille – Nice dans la cité phocéenne ? Alors que la demi-finale retour d’Europa League entre l’OM et Salzbourg se déroule ce jeudi, la réponse ne fait guerre de doute. Ce qui ne signifie pas que les Marseillais n’ont rien à dire à propos de la 36e journée de L1...

Journaliste « historique » de la Provence et écrivain, Mario Albano a donc décroché son téléphone pour faire le tour de l’actualité, de l’OM et du Gym. Un bon moyen de prendre le pouls d’une cité provençale en ébullition.

 

«  Le fait que le Gym n’ait pas plongé est remarquable » 

 

Le Marseille – Nice de dimanche

« Aujourd’hui, franchement, personne, à Marseille, ne pense au match de dimanche, car l’enjeu de la Coupe d’Europe est trop important. Nice a beau être l’un des gros rivaux, le match a beau être intéressant au niveau du classement, la demi-finale prend le pas sur tout. Quel que soit le résultat, on ne pensera pas vraiment à cette 36e journée. Si l’OM se qualifie, jusqu’à dimanche, les gens vont surtout attendre de savoir comment aller à Lyon (où se déroule la finale de l’Europe League, mercredi 16 mai), et c’est ce qu’ils voudront lire. Si Marseille est éliminé, vendredi sera le jour où tout le monde se remettra, et samedi celui où on entrera dans le match de Nice. Beaucoup de choses vont dépendre de ce soir ; ne serait-ce que physiquement, car en ce moment, à l’OM, il y a un blessé à chaque match. On ne sait pas non plus quel sera l’état mental. Bref, l’OM besoin de gagner par rapport à Monaco et Lyon, pour le Gym, la 5e ou la 6e place est en jeu. Une fois qu’on a dit ça, aujourd'hui, on a tout dit ».


La saison marseillaise

« Dans toute son histoire, l’OM est allé 6 fois en demi-finale de Coupe d’Europe, donc une des saisons où il y va est forcément une des plus belles. D’autant que ça s’est accompagné de matchs assez forts. La demie aller contre Salzbourg (2-0) avec le record d’affluence, le match de Leipzig, (là aussi avec un record), avec le renversement de situation et les 5 buts. Avant ça, les rencontres contre Braga et Bilbao étaient aussi assez remarquables, celles contre Ostende et le retour contre Domzale n’étaient pas mauvaises. Il y a les résultats et le spectacle. Ce n’est pas « 4 mois de flamme et puis plus rien », comme avec Bielsa. Nous sommes début mai, ça tient encore... »


La saison du Gym

« L’Europe est difficile quand ce n’est pas une habitude. Quand on joue tout le temps, un rythme s’installe, pour les joueurs, mais aussi pour les gens qui travaillent au club.

S’il n’y avait pas eu l’Europe cette saison, le Gym serait peut-être plus proche de Marseille, Lyon et Monaco. Mais il ne faut pas avoir la mémoire courte. Après Puel, Germain et Ben Arfa, ils sont repartis avec un nouveau coach, Lucien Favre, ont réalisé une saison 2016/2017 exceptionnelle et derrière, avec l’enchaînement des matchs, c’est logique qu’il y ait des difficultés. Le fait que Nice n’ait pas plongé, pour moi, est remarquable. Remarquable, aussi, car ça joue au ballon. Malgré les départs, malgré l’Europe, l’équipe de cette saison a su remonter, l’élimination (contre le Lokomotiv Moscou, en 16e de finale d’Europa League) ne l’a pas détruite. Mieux, elle s’est replacée dans la course et, encore une fois, est candidate à l’Europe. Quand on pense qu’il arrivait au Gym de jouer le maintien il y a quelques années, c’est même fou. S’il réussit à terminer européen - et je pense qu’il va le faire, car je le vois meilleur que Rennes -, chapeau ».

 

« Le Gym, une des plus belles équipes du championnat »

 

Les joueurs actuels qui symbolisent l’OM ?

« Le n°1, c’est Thauvin. A Angers, il a marqué son 20e but de la saison en L1 (+ 10 passes décisives). L’année dernière Gomis avait mis 20 buts aussi. Que deux joueurs atteignent cette barre coup sur coup, ce n’était plus arrivé depuis Papin en 92 et Boksic en 93. Et Thauvin est un ailier, alors que tous les joueurs qui ont inscrit plus de 20 buts en L1 avec Marseille sont des avants-centres (Zatelli, Skoblar, Papin...).

Le numéro 2, c’est Luiz Gustavo. Lui, il est présent depuis Nice, où il a marqué son 1er but et où il s’est affirmé comme l’un des leaders. Maintenant il parle Français, c’est le vice-capitaine, il a acquis une grande importance au fil des semaines et des mois. Il est bon partout… Et puis il y a une montée en puissance de Payet en 2e partie de saison, donc je le place en 3. Durant les 6 premiers mois, il a souvent été handicapé par des blessures, mais c’est un des éléments qui font la différence entre un OM qui se cherche et un OM rayonnant, comme en Europe. C’est même le symbole ».

 

Les joueurs qui symbolisent le Gym ?

« Balotelli, pour tout ce qu’il représente… C’est le type de joueur qu’on n’aurait jamais imaginé voir en L1, à part à Paris et Monaco. Au début, on pouvait croire qu’il était cuit, comme quand Vieri signe à l'ASM ou Morientes à l’OM. Lui non : c’est sa 2e saison et il continue à marquer. De temps en temps, « il est entre deux », mais il a mis quand même 15 buts en L1 (23 toutes compétitions confondues, ndlr).

Ce qui est remarquable et qui fait du Gym une des plus belles équipes du championnat, c’est qu’il possède 2 buteurs à la même hauteur. Paris a Cavani et Neymar ; Lyon, Diaz et Depay ; Nice, Balotelli et Plea. Je trouve que ça symbolise bien la volonté offensive de l’équipe ».

 

Vos Marseille – Nice à vous ?

« Trois me reviennent en tête. J’en ai d’ailleurs parlé avec les acteurs de l’époque, car je m’occupe des papiers historiques. Celui de décembre 1970, d’abord. Skoblar prend Serrus de vitesse, place un tir croisé, marque… mais le ballon sort car le filet est troué, donc l’arbitre donne un 6 mètres ! Il y a un attroupement et les Niçois reconnaissent finalement qu’il y a but…

Autre souvenir. Lors d’un match en janvier 74, Didier Couécou marque un ciseau retourné magnifique. A cette époque-là, il avait le nez cassé et un masque de protection. La photo de son but – sur laquelle on voyait Baratelli - a été élue meilleure photo de sport de cette année.

Un autre OM - Nice assez spectaculaire s’est déroulé lors de la saison d’après, 74-75. Sauf que celui-là, c’était une mascarade... L’OM avait acheté Beretta à St-Etienne, le président du Gym de l’époque (Roger Loeuillet) avait porté réclamation en disant qu’il y avait des illégalités dans le transfert. Donc la rencontre avait été reportée – ce qui tombait bien, car le Gym avait pas mal de blessés ce jour-là. Fernand Meric, président de l’OM et propriétaire de cinémas, avait quand même organisé le match au Vélodrome... et 3000 supporters s’étaient pointés au coup d’envoi. Les joueurs marseillais avaient reçu la consigne de se préparer normalement, donc ils étaient entrés sur le terrain et avaient donné le coup d’envoi – sans personne en face. Sur la première action, Georges Beretta déborde, centre pour Robert Buigues, qui marque… C’était une parodie (rire). Et Buigues m’avait dit qu’il avait quand même contrôlé car il ne voulait pas passer pour un con... »

Propos recueillis par C.D.