Le témoin

Jérémy Pied : « C’était extraordinaire... »

Il est des personnes que rien n’érode. Ni les années, ni les voyages, ni la distance. Formé à Lyon, Jérémy Pied (29 ans) a tout connu au Gym, un club où il est resté de 2012 à 2016 – passage entrecoupé d’une saison de prêt à Guingamp (2014/2015). Parti à Southampton à l’issue d’un exercice somptueux au bord de la Grande Bleue, l’homme de couloir n’a pas hésité une seconde avant de décrocher son téléphone pour nous donner de ses nouvelles et parler du bon vieux temps. Avec la classe d’un Monsieur et la chaleur d’un parent. 

Jérémy, première chose, donne nous de tes nouvelles.
Personnellement, ça va très bien. Sportivement, quand je suis parti, je me suis fait les croisés rapidement. Ici, ils pensaient que j’en avais pour toute la saison, mais moi, mon défi perso’, c’était de rejouer la saison de la blessure (2016/2017). Je l’ai fait. L’été dernier, il y a eu un changement d’entraîneur (Mauricio Pellegrino a remplacé Claude Puel, ndlr) et je ne joue pas beaucoup… Je ne vais pas entrer dans les détails, je préfère ne rien dire et bosser. C’est le jeu, j’ai voulu l’étranger, avec tout ce qui va avec, je ne regrette pas. Même si c’est difficile parce que quand tu es joueur, tu cherches toujours plus. D’ailleurs si tu n’es pas déçu de ne pas jouer, il faut changer de métier. J’attends ma chance et je travaille dur.

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Comment trouves-tu le foot anglais ?
Dans tous les championnats, 3 ou 4 équipes se dégagent. Ici, il y a 7 ou 8 très grosses écuries, mais ça arrive souvent que les formations du bas fassent des résultats. Ça se bat beaucoup plus, tout est décuplé. Ce qu’on voit à la télé, on le sent sur le terrain. La durée de l’entraînement ne varie pas, mais l’intensité est multipliée par 2, 3, 4… Les stades sont remplis à 95 %, et même dans une mauvaise situation comme la nôtre (Southampton est 17e après 29 journées), ça chante, ça suit, ça essaye d’aider l’équipe à 100 %. 

Continues-tu à observer la L1 ?
Bien sûr ! Je suis tout le monde.

Un Guingamp – Nice arrive (coup d'envoi dimanche à 15h). Un match entre tes deux derniers clubs « au pays »...
J’ai vu. Après toutes mes blessures à Nice, il me fallait un déclic. Il me fallait ce prêt à Guingamp. Aller là-bas, dans des conditions extraordinaires, en jouant l’Europe et le championnat, ça a été quelque chose de très bon. Je me suis relancé d’une belle manière. On a fait une 1/2 finale de Coupe de France (perdue 0-1 contre Auxerre), un 16e d’Europa League (2-1 ; 1-3 contre le Dynamo Kiev), on a terminé 10e de L1. C’était du donnant – donnant : pour le club et pour moi. Je n’aurais pas fait une belle saison à Nice derrière s’il n’ y avait pas eu ce passage à l’EAG…


« Je vivrai ces moments éternellement »


Justement, à l’issue de cette belle saison, tu rentres à Nice à l’été 2015. 
Quand je suis revenu, ce n’était pas facile, mais je me suis accroché. Et puis finalement, avec les aléas de la saison, le coach Puel m’a fait reculer d’un cran, et là tout s’est débloqué. J’ai enchaîné, je me suis régalé. J’ai découvert un nouveau poste, ça a tout changé. J’étais habitué à jouer plus haut, à droite et à gauche, j’ai appris à jouer plus bas tout en restant offensif. Cette polyvalence me sert toujours, surtout en Angleterre, où les gens adorent que les latéraux se projettent… Mais pour revenir à cette dernière saison au Gym, elle était tout simplement magnifique. Cette grinta que j’avais, qu’on avait tous, les gens l’ont vue, l’ont sentie. Nous n’étions pas parfaits, mais il n’y avait pas de menteur, tout le monde s’arrachait. Ça parlait aux Niçois... 

Cette saison revient toujours dans ta tête ?
Bien sûr ! Il m’arrive encore de regarder les images des supporters et des matchs, c’était extraordinaire. On s’écrit toujours avec Mika (Seri), Valère (Germain), Vincent (Koziello), ça restera en nous. Et si je dois te parler d’un match, c’est celui contre Saint Etienne (victoire 2-0 le 7 mai 2016)...

Quel souvenir...
C’est dur de retrouver ces émotions-là. Je pense que ce le sera toujours. Il y en a qui penseront à une finale de coupe du monde, d’Euro ou de Ligue des Champions, mais nous, à notre niveau, c’était fou. Les gens étaient bouillants, attendaient que ça se passe. Nous, on savait que ça allait arriver, mais on ne savait pas quand. Tu aurais pu mettre une 3e mi-temps, on aurait continué à courir, à pousser. Et puis vient ce doublé de Valère et derrière, l’explosion. Ces moments-là, je les vivrai éternellement. Ça a créé un lien très fort, il restera toujours. Pour moi, c’est le vrai départ de ce qui se passe actuellement.

Pourquoi avoir décidé de partir à ce moment-là ?
Parce que j’avais envie de connaître l’étranger ! En quittant Nice, certains clubs français m’ont proposé les mêmes conditions qu’en Angleterre : je n’ai pas donné suite. Si je n’étais pas parti à l’étranger, je serais resté à Nice, seulement voilà, arrivé à cette période de ma carrière, il fallait que je le tente. Et puis quitte à partir, il valait mieux que ce soit dans les bons moments, j’étais content de laisser le club comme ça. Les gens ne me l’ont jamais reproché et je crois qu’ils ne le feront jamais. Au contraire, quand je reviens à Nice, tout le monde est gentil…


« Jouer le Top 7 tous les ans, c’est hyper costaud »


Que penses-tu de l’En Avant ?
Que des bonnes choses… Le club et les supporters cultivent la sympathie, ça fait partie de l’ambiance. Tous les gens sont très proches, personne ne se met plus haut que l’autre. Quand je les vois jouer, je ressens toujours la ferveur, surtout à domicile. Ils peuvent faire tomber de grosses équipes chez eux et sont très dangereux. D’une manière plus générale, l’environnement du club est sain. Ils ont récupéré des sous, investi dans la pelouse, changé les bancs, les tribunes... Quand c’est le cas, tu envoies un message. Ça prouve que tu as envie d’aller dans le bon sens. Comme quand tu t’installes dans un nouveau centre ou un nouveau stade.

Y a-t-il quelque chose que tu n’as pas dit aux supporters niçois avant de partir ?
Je leur ai tout dit, et je leur redis surtout un grand merci. Je pense fort à eux, même maintenant. A Nice, j’ai vécu toutes les situations : j’ai joué, je n’ai pas joué ; j’ai vu la lutte pour le maintien, celle pour l’Europe. Je me rappelle du moment où on était 17e et où on avait enchaîné 7 défaites (entre le 26 octobre et le 14 décembre 2013). Les supporters étaient venus nous voir pour nous dire qu’ils ne nous lâcheraient jamais, à condition qu’on se batte. Je me souviens de tout. Et les fans qui ont tout connu savent que le Gym traverse actuellement une bonne période. 

Quel regard portes-tu, justement, sur le Gym actuel ?
Il y a de la continuité dans la performance, c’est positif. Quand je vois qu’il s’est fait éliminer en 16e de finale d’Europa League et que tout le monde est déçu, je me dis c’est bon signe… Ça signifie que le projet est beau, que les ambitions sont là. Ce qu’il ne fallait pas, c’est que le Gym reproduise notre erreur de la 1ère 4e place (2012/2013), où on réalise une grosse saison, où on se fait sortir par Limassol en tour préliminaire et où, derrière, ça redevient compliqué. Cette fois, après notre 4e place, le club a embrayé. Même si le début de la saison actuelle a été difficile, il revient bien. C’est costaud de se structurer dans top 7 de L1 et d’essayer de jouer l’Europe tous les ans. Hyper costaud. C’est un grand plaisir de suivre ça…

C.D.