Portrait

Thomas Sammut : forgeron de l'esprit

Les belles histoires s'écrivent de petits caractères, le terrain n'échappe pas à la règle littéraire. L'aventure du Gym 2016/2017 non plus. Rédigé par les joueurs, le parcours historique garde ses « entre-lignes » décisifs. Ses diagonales invisibles qui, à condition que l'on s'y penche, donnent une autre lecture au chef d'oeuvre collectif. Ses architectes de la performance, postés en retrait. La fin de saison offre l'occasion de braquer les projecteurs sur Thomas Sammut, préparateur mental arrivé à l'été 2016, et dernier exemple d'un Gym cherchant constamment à se structurer et à se professionnaliser.

Divonne-les-Bains. Juillet 2016. Sur une chaise, debout face au groupe, la chansonnette est poussée, précédée par un discours pour le moins... inattendu. « Je suis sûr que vous pouvez arriver au top et battre le PSG. » Les mots sont lâchés, joueurs et staff les accueillent avec circonspection. Thomas Sammut vient officiellement de signer son arrivée dans l'effectif rouge et noir. A 43 ans, le préparateur mental débarque pour la 1ère fois dans un vestiaire de foot. « Ce qui m'a marqué au début ? Les petits gabarits, s'amuse-t-il avec recul. Les autres sportifs dont je m'occupe ont des physiques imposants. Là, je suis tombé des joueurs plus ou moins grands, plus ou moins costauds... Je n'avais pas de repère. » Ses repères, le Nantais de naissance les a aiguisés au bord de l'eau, domaine des montagnes en "lunettes-bonnets". Issu du monde du sport, entraîneur de natation pendant une décénnie, il conduit plusieurs nageurs aux Jeux Olympiques, avant de s'orienter vers le secteur de la formation.


« J'ai animé, pendant une dizaine d'années, des séminaires d'entreprises sur le leadership et la communication manageriale. De fil en aiguille, je suis devenu préparateur mental au sein du Cercle des Nageurs de Marseille. On a monté une structure très ambitieuse. »
Une moissonneuse-batteuse porteuse de gloire, activée par des grands noms des bassins (Florent Manaudou, Camille Lacourt, Frédéric Bousquet, Fabien Gillot...), de laquelle il finit par s'émanciper. Histoire d'élargir sa palette et, progressivement, de prendre sous son aile une quarantaine de sportifs venus de tous les horizons (« tennis, basket, taekwendo, judo, escrime, water polo... ») ainsi que des cadres d'entreprises.
 

« Mon métier ne s'adresse pas aux sportifs en détresse mentale »


Son parcours fait donc escale à Charles-Ehrmann l'été dernier. Centre à l'ancienne, bureau de légende. Le coach de l'esprit y attaque sa tâche en toute tranquillité, et sa méthode ne tarde pas à porter ses fruits. « On a tous nos particularités, souffle Maxime le Marchand. Je l'ai rencontré au cours de ma réathlétisation (après une blessure aux ligaments croisés, ndlr), il m'a fait franchir plusieurs étapes pour m'amener à retrouver mon niveau de performance. On a travaillé sur des choses qui, dans mon esprit, étaient néfastes pour moi. Il m'a fait voir les événements différemment, ça m'a beaucoup servi. Pour le foot et la vie de tous les jours... »


Le travail ne sera pas décortiqué par l'intéressé, les détails de la méthode appartenant à la sphère privée. Les grandes lignes de son activité ne se noient pourtant pas dans les limbes du mystère. « Mon métier ne s'adresse pas aux sportifs en détresse mentale mais à tout le monde, nuance-t-il. Quel que soit notre niveau mental, il y a toujours moyen de progresser, c'est comme pour le physique. Le travail est individualisé pour chaque joueur, mais il y a une trame commune : le plaisir. Mon but final, c'est qu'ils se régalent sur le terrain. A moi de définir le chemin pour y parvenir. » « Depuis jeune, on a des échéances chaque année, volleye Le Marchand. On nous dit : si tu n'es pas bon, tu ne passes pas. Thomas nous ramène à des choses simples qu'il arrive d'oublier sous la pression. » Et ce à travers des entretiens individuels menés à intervalles réguliers.
 

Anti-gourou


Libérer la tête pour orienter le corps : telle la mission du jeune quadra'. Un challenge qu'il s'applique à relever avec technique et simplicité, au-delà des préjugés entourant "la préparation mentale". « On a tendance à associer ce métier à gourou, ce n'est pas ça du tout. Dans les pays Anglo-saxons, la prépa' mentale est présente depuis au moins 20 ans, même dans les clubs de foot. La France est en retard avec ça. Ce qui est bien avec Nice, c'est qu'on comble ce retard... » Pour ce faire, point de baguette magique pour avancer ou de balai pour s'envoler. Juste l'échange comme moyen de toucher le succès et, à l'heure des comptes, une première saison l'ayant marqué au fer rouge et noir.


« Ce qui m'a marqué, c'est surtout le mois de janvier, un moment où beaucoup pensaient qu'on allait piquer du nez. Les joueurs n'ont rien lâché et, même s'il y a eu un coup de mou, il n'y a pas eu d'effondrement. Le jeu s'est remis en place. Il y aurait pu avoir de la décompression, ça n'a pas été le cas. J'aurais aussi pu dire le match de Paris, mais ça aurait été trop facile... »

Surtout lorsque la victoire fut annoncée dès la première prise de parole, en plein coeur de l'été.

C.D.