Nice et l'Europe #3

1997 : la dernière aventure

Ils sont les héros de la dernière campagne européenne du Gym. Ceux qui, alors que le club était en 2e division, se sont battus pour hisser ses couleurs sur le continent, avec bravoure et engagement. Alors que les Aiglons 2016 / 2017 auront la joie de disputer la phase de poules de la Ligue Europa, OGCNICE.com laisse la parole aux acteurs de la saison 1997 / 1998. Ceux qui, qualifiés en Coupe des Coupes, ont fait vibrer le peuple rouge et noir avant de sortir de la compétition sans perdre une seule rencontre...

 

Le paradoxe de la genèse

Le ballon possède sa part de mystère qui le rend parfois difficile à déchiffrer et toujours digne d'intérêt. En 1997, les Niçois ont encore vérifié cet état de faits, tiraillés entre la déception d'une relégation et l'allégresse d'une victoire en Coupe de France. De Paris à Prague, via Wasquehal et Louhans-Cuiseaux : tout fuse à 2000 à l'heure en cette année pré-Coupe du monde. Arrivé en décembre 96, lorsque Milan Mandaric devient l'actionnaire majoritaire du club, Sylvester Takac prend sous sa coupe un groupe en difficulté. Il ne redresse pas la barre en championnat mais mène le peuple niçois au Parc des Princes.

« Ah, cette finale contre Guingamp... » se souvient-il avec délice. Une rencontre accrochée. Un groupe déterminé. Une loterie bien négociée. « Comme entraîneur, je me souviens avoir perdu une finale de Coupe de France aux tirs au but avec Sochaux contre Metz, ça m'a marqué reprend l'ancien meneur de jeu de la sélection yougoslave. Donc pendant l'année, on s'était préparé à cette épreuve après chaque entraînement. En direct, j'avais répondu à un journaliste que nous gagnerions si nous allions jusqu'au bout. On n'est jamais prêt à frapper les tirs au but, car il y a le facteur psychologique qui rentre en compte. Mais moi, j'étais serein, et j'ai eu raison ».

La suite appartient à l'Histoire. Valencony à la parade. Vermeulen à la finition. Capitaine Gioria trophée en main. Le retour à la maison, l'accueil au Ray. Au terme d'un parcours galère, le Gym tombe en D2 mais écrit la ligne la plus fraîche de son palmarès. « C'est vrai, cette saison est paradoxale, reprend avec recul Takac. Mais à la fin, il y avait beaucoup d'enthousiasme car on allait quand même se préparer à jouer une Coupe d'Europe. L'été est arrivé, l'équipe a changé. Nous avions fait de bons transferts, mais ça n'a malheureusement pas suffi pour remonter en D1. »

 

Takac : « Contre Kilmarnock, j'ai mis un petit jeune à gauche... »

Le groupe bâti offrira tout de même quelques beaux moments à ses fervents. La Coupe des Vainqueurs de Coupe en fait partie. Pour leur entrée dans la compétition, les Azuréens accueillent Kilmarnock au Leo-Lagrange, amputés de nombreux éléments. « Sur 11 joueurs, on devait être 10 à n'avoir jamais connu l'Europe, avoue tranquillement l'ancien milieu de terrain Henri Savini. A part la Coupe de France, on sortait d'une saison noire, donc c'était bon à prendre. L'Europe, c'est vraiment un beau souvenir. L'ambiance est différente, encore plus forte. Le Ray était bondé, c'était terrible, un cran au-dessus du championnat... »

Face aux vainqueurs de la Coupe d'Ecosse, les Rouge et Noir ne font pas de complexe et laissent leurs tripes sur l'herbe de Nice-nord. « Nous avions de nombreux blessés, donc j'ai dû aligner un petit jeune dans le couloir gauche de la défense reprend Takac. Le match a été très difficile, on a mené 2-0, les Ecossais sont revenus à 2-1. Et finalement, c'est ce petit jeune qui a marqué un but très important de la tête ». Ce divin coup de casque est signé Mickaël Rol. Il offre un matelas confortable mais n'assure pas la qualification.

Celle-ci interviendra au terme de la guerre dans les Lowlands, « avec des supporters très proches de toi, sans grillage et très chauds », se rappelle Savini. « Ce n'est jamais facile contre une équipe britannique, poursuit son ancien coach. Kilmarnock voulait prendre sa revanche, ils ont mis beaucoup d'agressivité et ont blessé Kohn d'entrée. Ils ont rapidement mené 1-0. Avec un 2e but, nous aurions été dehors... »

Le 2e but ne vient pas. Mieux, la tête plongeante de Zoran Milinkovic envoie le Gym au tour suivant et les Niçois au paradis. « A l'époque, dans l'avion qui nous amenait à Kilmarnock et à Prague, on voyageait tous ensemble, embraye l'entraîneur de l'époque. Joueurs, staff, dirigeants et supporters. Du côté des ces derniers, il y avait des jeunes, mais aussi des anciens ayant connu les grandes heures de Nice en Europe. Quand j'ai vu leur yeux briller, ça m'a fait chaud au coeur... »

 

 

Un grand Bibiche et un immense regret

Et ces yeux ne perdent pas de leur splendeur au moment de découvrir un nouveau pays. Car si le Gym avance à une allure modérée en championnat (l'équipe finira finalement 14e de D2), il va défendre fièrement sa peau lors de la double confrontation contre le Slavia de Prague. « A quoi je pense quand on me parle de Nice ? C'est le club de mon coeur. Pour moi, ça reste aussi la Coupe d'Europe, là où j'ai pu donner tout ce que j'avais ». Lors d'une interview réalisée en 2013, la réponse est venue spontanément à l'esprit de Dominique Aulanier.

Il faut bien avouer que Bibiche a marqué le match aller de son empreinte. Longs cheveux, sourire en coin, Copa aux pieds et dribbles fantasques : arrivé de St-Etienne à l'été 97, le milieu offensif s'offre un doublé resté dans toutes les mémoires. Ouvre le score sur un pénalty provoqué par un crochet de Didier Angibeaud d'entrée de match, avant de piquer au premier poteau pour égaliser en fin de partie.

Entre temps, le Slavia, peuplé d'internationaux, inscrit deux buts, sans pour autant éteindre la superbe ambiance d'un Ray incandescent. « C'est vrai, le Ray n'est pas un stade moderne, lâche Takac. Mais bon, les gens venaient à pied et mettaient une ambiance incroyable. C'est simple, ça me rappelait chez moi, en Yougoslavie... » Avant le retour, le coach cèdera sa place à Michel Renquin, ancien sélectionneur des Epoirs suisses.

Sur le pré, les Aiglons conserveront pourtant l'esprit qui les anime depuis le début de leur campagne européenne, savant mélange de grinta et de solidité. A Prague, les deux blocs se neutralisent, avant que l'espoir ne s'immisce dans les coeurs azuréens, à 15 minutes de la fin. Un moment où Didier Angibeaud, tout juste entré, adresse un centre coupé « comme un ninja » par Franck Vandecasteele. A cet instant, le Gym est en 2e division française mais en quarts de finale de la Coupe des Coupes. 4 minutes plus tard, une tête au 2e poteau consécutive à un coup franc excentré mettra un terme à la dernière campagne européenne des Rouge et Noir d'une manière cruelle.

19 ans après, la cuvée 2016 / 2017 aura 6 matchs pour panser cette plaie.

Et ouvrir le nouveau chapitre d'une longue histoire...

Constantin Djivas | Photos : Piergé
Archives : Michel Oreggia

Spécial Europe

1ère partie : Europe, comme on se connait
2e partie : Cette Europe qu'on connait moins