Entretien

Claude Puel : « On va être attendus »

Un mois s'est écoulé depuis la dernière trêve internationale. Le dernier point de contrôle. Démarré au petit trot par une défaite devant Guingamp, septembre s'est terminé en bombe par trois succès retentissants. De quoi faire grimper le Gym au classement (8e avec un match en moins), et changer le regard des gens. Bastia, Bordeaux, St-Etienne : le souvenir de ces chaudes soirées gonflent à bloc le moral d'un groupe ambitieux et déterminé. Sans pour autant faire perdre à son entraîneur le sens de la mesure ou de la réalité. Au beau milieu de la trêve internationale, Claude Puel analyse pour OGCNICE.COM avec pragmatisme la belle période rouge et noire. Avant de repartir au front dimanche, à Rennes.

Coach, lors de la précédente trêve, le Gym jouait bien mais ne prenait pas trop de points. Il a fait quasiment un sans-faute ce mois-ci. Quels sont pour vous les facteurs de cette spirale positive ?
Les derniers bons résultats sont dus à ce qu'on met en place, mais il faut également qu'on enchaîne bien et une certaine réussite. On avait la sensation, au début de saison, de bien jouer mais de ne pas être récompensés.
Tout repose sur des détails, des concours de circonstances. Je n'ai pas trop aimé le match de Guingamp, parce que dans notre expression offensive, on a manqué de verticalité, on n'a pas proposé assez de solutions au porteur. Face à ce gros bloc, la conservation a été stérile, ce n'est pas ce qu'on veut. Notre souhait est au contraire d'avoir la maîtrise et la possession pour faire mal à l'adversaire. Par rapport à ce match-là, on a corrigé, montré des choses, travaillé à l'entraînement, sur vidéos. On a vu exactement là où on avait pêché. Ce qui nous a servis pour les journées suivantes.
Même si on montre une certaine aisance technique, toutes nos rencontres se jouent sur pas grand-chose. A Bastia, on mène 2-1, on met le 3e en toute fin de match, mais ils ont quelques situations où ils peuvent égaliser si on n'a pas la réussite. Contre St-Etienne, on mène 1-0, on se fait égaliser et on concède 2-3 situations sur des coups de pied arrêtés ou des centres. La tournure aurait pu être différente...

Le derby remporté à Bastia, est-ce le déclic de la saison ?
On verra la suite, car le championnat est très long, très difficile. Tout dépendra du maintien de la fraîcheur psychologique actuelle, de l'envie de prendre et de donner du plaisir. Petit à petit, des joueurs se révèlent, passent des paliers. L'équipe a évolué depuis le début, de par les blessures de joueurs performants, les retours, les suspensions... On a eu pas mal de pépins, mais ce qui est intéressant, c'est qu'on est toujours là. On a continué à tenir la route. Ça veut dire que ce n'est pas simplement une équipe. Des fois, j'entends dire que nous n'avons pas de banc, que nous sommes courts en effectif, mais on a beaucoup de joueurs de qualité, qui plus est des jeunes joueurs (les plus jeunes du championnat, ndlr).

La bonne période actuelle est-elle le fruit de quelques ajustements, ou au contraire de la continuité du travail fourni par le groupe ?
On ne change pas. On essaie toujours de garder notre ligne directrice en terme de jeu et d'enchaîner. Après, on découvre un peu cette équipe, ce groupe. C'est vrai qu'on l'a fait évoluer à l'intersaison, des joueurs sont partis, d'autres sont arrivés. Mais il y a un socle qui travaille ensemble depuis plusieurs années. Sur les deux dernières, on a monté des joueurs : ils s'affirment petit à petit. Il y en a d'autres à qui on va donner des temps de jeu et qui s'affirmeront peut-être l'année prochaine. On a une volonté et un devoir : faire perdurer l'OGC Nice et son potentiel.

L'affirmation d'un joueur comme Koziello illustre cette continuité...
On parle beaucoup de Vincent depuis le début de saison. Le Vincent de maintenant et celui d'il y a un an ne sont pas du tout les mêmes. Ce qui fait la différence, c'est qu'il a travaillé avec les professionnels, progressé à l'entraînement, appris avec les temps de jeu qu'on lui a donnés la saison dernière. Au début, quand on le mettait, certains rigolaient, ou se moquaient de nous parce qu'on faisait jouer « un cadet ».
On nous a aussi dit qu'on faisait du bricolage en mettant Plea avant-centre, ou sur d'autres joueurs qu'on faisait débuter. Tout ça nous permet de croire en ce qu'on fait, de croire au projet qu'on met en place sur plusieurs saisons. Les résultats de ce début de saison résultent d'un travail que l'on fait depuis 3 ans avec tous ces jeunes joueurs et cette ossature. Quand on fait débuter un jeune, les premiers temps sont assez cycliques. Il y a des bonnes choses, d'autre moins bonnes. Par essence, il se construit à travers des expériences, des situations et des temps de jeu. C'est un travail de fond. Quand on arrive à monter une équipe qui tient la route, ça ne se fait pas d'un coup de baguette magique, même si il y a quelques éléments comme Germain ou Ben Arfa qui nous ont rejoints et ajoutent une plus-value, parce que ce sont déjà des joueurs de qualité avec de l'expérience.

Les matchs de Bordeaux et de St-Etienne ont braqué la lumière sur le Gym, comment le groupe gère-t-il la recrudescence des sollicitations ?
C'est à nous, staff et club, d'aider à gérer de nouvelles situations. C'est vrai qu'on a eu pas mal de sollicitations après les 3 matchs qu'on a réalisés. Le danger, pour un groupe jeune, est de se relâcher. De se disperser. De penser que c'est arrivé. On n'est pas à l'abri d'un contrecoup, d'une « chausse-trappe ».
Beaucoup apprennent, dans le jeu ou les aspects du métier, à faire la part des choses avec les médias et l'engouement des supporters, où il y a pas mal de variations. Les joueurs connaissent des extrêmes entre ce qui a pu se passer l'année dernière et ce qui se passe cette saison. Il faut garder une certaine mesure pour les inscrire dans la régularité. La performance de haut niveau. Ils apprennent leur métier, et pas seulement sur le terrain, mais en gérant leur environnement propre, l'environnement autour du groupe, et en donnant tout le temps les meilleures réponses.

C'est cet apprentissage qui permettra au groupe de durer ?
Il faut s'inscrire dans la régularité. Après, il y a beaucoup de petites choses. Les blessures, les suspensions, les aléas, l'arbitrage... C'est le foot. Il y a de tout. Tout est important. Par exemple, l'année dernière, on est 8es fin janvier, lors d'une saison où tout le monde nous vilipendait. Derrière, on dispute des matchs (Nantes, Lille) où on nous refuse des buts qui nous auraient permis de gagner, de continuer, et peut-être d'aller chercher des équipes comme Montpellier. Au lieu de cela, on n'a pas pris les points, on a perdu à l'extérieur, et on s'est retrouvés dans un cycle négatif. Les choses restent toujours très fragiles, donc il faut toujours faire très attention.

Est-ce que vous pensez que le regard des adversaires sera différent à la reprise ?
Je pense surtout que certains nous on découverts parce qu'il y avait un match télévisé à 21h. Après, oui, les équipes nous regardent différemment. Pas pour dire que ce que fait l'OGC Nice est bien, mais au contraire pour essayer « de nous choper » et de nous contrer. Ils se disent qu'on joue au ballon, qu'on se livre, qu'il va y avoir des possibilités, qu'ils vont nous prendre à revers... A mesure que le championnat va avancer, on va tomber sur des adversaires qui vont connaître notre jeu, et travailler en conséquence pour essayer de nous faire chuter. On va être attendus.

Plus que d'autres formations en forme ?
Il y a des équipes mieux classées que nous auxquelles on ne fait pas trop attention et qui sont préservées, comme Angers et Caen. On se dit que c'est bien ce qu'ils font, mais ils sont 2es et 3es ! Ils font des choses complétement dingues. Alors que nous, on est 8es, et on est le tube de l'été. Il y a un revers à cela et il faut faire attention. On met la lumière sur nous, ça veut dire qu'on va être attendus et que pour nous, ça va être deux fois plus difficile. Deux fois plus costaud.

Surtout face à des équipes qui se présentent toujours face au Gym prudemment...
Même à l'extérieur, on tombe sur des gros blocs défensifs. C'est notre parti pris. Nous n'avons pas une équipe pour être acculés, on n'a pas les éléments pour défendre systématiquement mais pour jouer. On va aussi rentrer dans l'hiver, avec des terrains gras et peut-être difficiles. Si c'est le cas, ça ne va pas être évident pour nos petits gabarits, l'expression de notre jeu et de notre équipe. Comment on va se comporter face à des blocs défensifs solides, de la puissance, de la vitesse, des grands gaillards ? C'est un peu l'inconnue. C'est bien ce que l'on fait – voire très bien par moment -, mais le chemin est long...

Comment gère-t-on une trêve en plein championnat ?
Ce n'est pas évident. On essaie de gérer au mieux, en relâchant un peu (mais pas trop) l'aspect psychologique. En essayant de récupérer tout le monde - car on a aussi des joueurs en sélections - et de refaire un petit commando dans les derniers jours qui précéderont le match de Rennes. Mais bon, que ce soit pour Rennes ou nous, ce sera un peu l'inconnue, parce qu'après une trêve, on ne sait jamais. Sans compter que pour nous, il y a aussi le match de Nantes, qui a été joué à moitié mais ne compte pas. Ça fera donc trois semaines sans match officiel, ce qui est très conséquent.

Justement, à quel genre de rencontre peut-on s'attendre à Rennes ?
Ce que je perçois de cette équipe, c'est qu'elle a du potentiel depuis plusieurs saisons. Elle recrute beaucoup à chaque mercato. L'année dernière, c'était le cas, au mercato d'hiver ou en juin, avec des joueurs internationaux. Le groupe est compétitif, a de la qualité, peut rivaliser face au PSG sur un match. Il manque sûrement un peu de régularité, mais possède un vrai potentiel et beaucoup d'ambitions. Peut-être encore plus cette année que les précédentes. Aller à Rennes sera un beau challenge à relever.

Propos recueillis par Constantin Djivas