Portrait

Sur les traces d'Alassane Plea

Il court très vite mais parle d'une voix légère. Posée. Comme si les appels et les sprints qu'il répète inlassablement sur le pré avaient le mérite de l'apaiser, une fois les crampons enlevés. Personnage souriant, véloce et discret, Alassane Plea a posé ses valises à Nice cet été, en s'imposant dans le 11 de base du Gym d'une manière instantanée. Dans le couloir puis en pointe. Un poste où il n'a pas été formé mais où il a débuté, dans son nord Natal. A l'US Ascq, plus précisément. Le club de ses débuts, de son enfance. Une époque pas si lointaine qui peut nous aider à mieux cerner le numéro 14 rouge et noir...

« Si je devais citer une personne qui a compté dans mon parcours avant d'arriver à Nice ? Je dirai Yves Phellion, sans hésitation. C'était mon coach à Ascq, il m'a beaucoup appris sur le terrain, mais aussi en dehors. Il me protégeait, me ramenait à l'entraînement, allait voir mes parents quand je faisais de bêtises... Il ne m'a jamais lâché jusqu'à aujourd'hui, et il est toujours là. Ca me fait plaisir d'évoluer en L1 parce que je sais que ça le rend heureux ».

A croire que les premiers souvenirs footeux d'Alassane sont ceux qui demeurent les plus vifs dans son esprit. Les plus forts. Comme si l'apprentissage avait forgé l'homme qu'il est devenu, sur le terrain et en dehors. Marquée au fer rouge par ses années villeneuvoises, sa progression ne tardera pas à connaître une brusque accélération, lorsqu'une saison après avoir quitté son premier club pour rejoindre Wasquehal « en U15 DH », son profil tape dans l'oeil de recruteurs lyonnais. Il ne se fait pas prier pour rejoindre l'OL. Y apprend la rigueur et la discipline sous les ordres d'Armand Garrido, « les entraînements tous les jours et la concurrence d'un centre » en U17 nationaux, se familiarise avec le couloir droit. Puis avec l'équipe de France, qu'il intègre régulièrement dans les différentes catégories de jeunes au sein de la génération 93.

Sa palette s'élargit à mesure que son envie de toucher au monde pro s'agrandit. Les Gones lui offrent son premier contrat pro à 20 ans, mais pas le temps de jeu nécessaire pour exploser en L1. Après 6 nouveaux mois en CFA, Plea termine la saison à Auxerre, en L2, pour s'aguerrir. Revient à Lyon mais tranche dans le vif : « même si c'était une décision difficile à prendre, j'avais besoin de temps de jeu. J'ai décidé de partir ».

 

« A 10 ans, il ne parlait pas. Même quand il mettait des triplés... »

Direction la Côte d'Azur. Nice. Le Gym. Un club de l'extrême sud qui réchauffe le coeur des gens du Nord, comme le résume Yves Phellion, le « second père ». « Lorsqu'il m'a dit qu'il allait signer à Nice, je lui ai tout de suite répondu que c'était un super choix. Avec quelqu'un comme Claude Puel, qui a un peu du sang du Losc (il a entraîné Lille de 2002 à 2008, ndlr) et qui n'hésite pas à mettre des jeunes sur le terrain, j'ai su tout de suite que ça se passerait bien ».

Prophétie auto-réalisatrice pour celui qui pèse de plus en plus dans le jeu azuréen et réalise sa première saison pleine dans l'élite, où il est déjà apparu à 26 reprises (20 titularisations), inscrivant 3 buts et délivrant 5 passes décisives, alors qu'il vient à peine de fêter ses 22 ans. Le tout en ayant retrouvé le poste d'avant-centre qu'il occupait à ses débuts. Un secteur où le joueur avoue lui même « se sentir de mieux en mieux » tout en ayant conscience « qu'il (lui) reste encore une grosse marge de progression ».

Une dernière déclaration tournée vers l'avenir, qu'il prononce dans un mélange de pudicité et de détermination. « Vous savez, il était déjà comme ça tout petit », précise son tout premier formateur. « Il ne parlait pas beaucoup, même lorsqu'il mettait des triplés sur le terrain. Il n'aimait pas être mis en avant ou donner de la voix. C'est une manière de se protéger et de garder une certaine distance par rapport aux événements, une force. Par contre, lorsqu'on le piquait et qu'on le mettait devant le fait accompli, il prenait toujours ses responsabilités ». Au point d'inscrire 75 buts lors de sa première année sur les terrains et d'écrire le premier chapitre de l'histoire d'un joueur pressé de percer.

« Quand on voit le match qu'il a pu sortir à Lyon, dans un contexte qui n'était pas facile pour son club et pour lui, ça prouve qu'il n'a pas changé » termine Phellion. Reste maintenant à unir les différentes époques pour devenir une pointe complète, travailleuse et « tueuse ». La prochaine étape de la progression d'un jeune homme tranquille aux hautes ambitions.

Constantin Djivas